DÉBUT janvier, les grossistes-répartiteurs ont reçu un courrier original du laboratoire Roche les invitant à participer à un appel d’offres. Constatant un nombre croissant de dysfonctionnements dans la distribution de ses médicaments en ville, le laboratoire a décidé de corriger le tir. « Par la présente nous lançons donc un processus de sélection d’un ou plusieurs grossiste(s) qui non seulement souhaite(nt) s’engager sur l’amélioration de la distribution de nos produits mais présente(nt) également toutes les aptitudes pour mettre en œuvre un tel partenariat », indique le courrier.
Le ou les candidats retenus pour distribuer en exclusivité l’ensemble du catalogue de Roche devrai(en)t être connu(s) le 1er juillet prochain. Pour l’heure, « l’ensemble des grossistes-répartiteurs ont déjà fait part de leur intention de répondre à cet appel d’offres », indique Jean-François Chambon, directeur des Affaires publiques et de la communication de Roche France (voir également l’entretien si dessous).
De leur côté, les répartiteurs ne souhaitent pas s’exprimer, notamment en raison de la clause de confidentialité inscrite dans l’appel d’offres. Ce qui n’empêche toutefois pas le président de CERP France, Daniel Galas, de se déclarer favorable à la démarche de Roche. Il lui paraît en effet « logique qu’un laboratoire cherche à s’attacher l’excellence, surtout lorsqu’il s’agit de produits chers ».
Fin de la concurrence.
Les représentants des officinaux sont, eux, plus perplexes et ne cachent pas leurs inquiétudes à l’égard de ce projet. « Il ne faudrait pas que cela aboutisse à l’impossibilité pour les pharmaciens de faire jouer la concurrence entre leurs fournisseurs et, notamment, sur le plan des conditions commerciales », met ainsi en garde Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). En effet, certains dépositaires, groupements ou short liners pourraient bien ne pas pouvoir répondre aux critères de sélection imposés par Roche et être écartés de ce fait de la distribution des produits du laboratoire.
« Il y a un risque de déstabilisation du réseau d’approvisionnement de l’officine, c’est-à-dire des grossistes- répartiteurs », craint pour sa part Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Lui aussi pointe le risque d’une modification des relations commerciales entre l’officine et la répartition. En contrepartie d’une augmentation de leurs contraintes, les grossistes- répartiteurs seront peut-être tentés de revoir à la baisse le niveau de leurs remises aux pharmaciens. Une perspective « qui pose problème dans le contexte économique actuel », souligne Philippe Gaertner.
Manque de transparence.
Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) aurait, lui, souhaité que le laboratoire Roche fasse preuve de davantage de transparence et transmette le cahier des charges aux représentants syndicaux. En attendant, il reste très réservé à l’égard du projet. Si, pour lui, on peut comprendre qu’un fabricant cherche à obtenir des garanties de qualité de la part des distributeurs, il tolère en revanche moins l’idée de réserver les produits à seulement un ou deux grossistes-répartiteurs. Le président de l’UNPF refuse en effet que l’appel d’offres de Roche signe l’apparition en France du direct-to-pharmacy pratiqué outre-manche. « Je ne veux pas que l’on arrive à un système où les produits de tel laboratoire soient distribués par tel grossiste », insiste Claude Japhet.
Pascal Louis, président du Collectif des groupements ne dit pas autre chose. « Je crains que l’on ouvre la porte au direct-to-pharmacie, système qui fausse les règles de la concurrence en mettant en place des circuits sélectifs », prévient-il.
On le voit, si Roche souhaite obtenir des garanties pour la bonne distribution de ses produits, les officinaux en attendent également de la part du laboratoire quant au maintien de la libre concurrence.
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