COPIER la structure chimique d’une molécule d’origine naturelle pour fabriquer un médicament, le procédé n’est pas nouveau. De même bien sûr que l’extraction et l’isolement d’une substance active à partir d’une plante. Mais l’incroyable histoire du tramadol semble bouleverser tous ces concepts. Une histoire en deux temps qui débute en 1977. Cette année-là, des chercheurs du laboratoire allemand Grünenthal réussissent la synthèse chimique d’une nouvelle molécule dérivée de la morphine aux effets analgésiques puissants, le tramadol. Ainsi commence la carrière de l’antalgique de pallier 2 qui, seul ou en association avec le paracétamol, donna lieu à plus d’une demi-douzaine de spécialités. Trente-cinq années passent avant qu’un jeune étudiant camerounais, accueilli pour un stage de six mois dans un laboratoire grenoblois, rapporte dans ses valises un petit arbuste africain baptisé Nauclea latifolia (Prunier Africain). Germain Taiwe Sotoing connaît les usages traditionnels de la plante dont les extraits servent en Afrique depuis une centaine d’années à traiter l’épilepsie, le paludisme, la fièvre, la douleur ou certaines infections. Son objectif ? Vérifier sur l’animal le potentiel analgésique de la plante. Sous la direction du neurobiologiste Michel De Waard (Inserm de Grenoble), le jeune thésard parvient en à peine 6 mois à identifier une fraction de l’extrait total qui produit des résultats très positifs sur plusieurs tests de modèles animaux de la douleur. Vient alors le recours à la chimie et aux techniques d’identification. Michel De Waard demande à son collègue, le professeur de chimie Ahcène Boumendjel (Faculté de pharmacie de l’Université Joseph Fournier à Grenoble), d’analyser l’extrait actif et de dessiner les contours de la molécule responsable de l’effet antalgique. Et là, oh surprise ! Le portrait-robot du principe actif identifié dans l’extrait ressemble comme deux gouttes d’eau à une molécule synthétisée il y a exactement 36 ans ! Le tramadol réinventé. Les chercheurs pensent d’abord, et en toute logique, à une contamination de l’extrait par le produit de synthèse. Mais plusieurs tests réalisés dans deux laboratoires distants et indépendants confirment leur découverte : l’extrait de Nauclea latifolia contient bien une molécule synthétisée de toutes pièces en 1977. Les scientifiques mesurent même que dans 20 grammes d’extrait de la plante, on retrouve l’équivalent d’un comprimé de tramadol. Au-delà de la découverte pharmacologique, l’étonnante histoire de ce « plagiat par anticipation » permet aux chercheurs de dresser d’un coup le profil toxicologique de cette plante largement utilisée en Afrique pour ses vertus médicinales. Et de mettre en garde ses consommateurs contre les risques de pharmacodépendance associés à la surconsommation de tramadol…
Un médicament de synthèse redécouvert dans une plante
L’étonnante histoire du Tramadol réinventé
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Publié le 05/12/2013
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La chimie en herbe
Crédit photo : dr
› DIDIER DOUKHAN
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Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3052
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