LE QUOTIDIEN.- En tant que DG France, quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
MARC-ANTOINE LUCCHINI.- L’un de mes premiers objectifs est de retrouver l’équilibre et la croissance. Nous venons de passer plus de quatre années en assez forte décroissance. Elle est liée à un marché en récession, et à l’expiration de brevets majeurs. Si le groupe est parvenu en 2013 à sortir de cette phase de décroissance, en France nous n’y sommes pas encore. On peut espérer y arriver au dernier trimestre. Le deuxième objectif est de nous développer au-delà de l’activité purement « médicament ». Sanofi avance vers une vision à 360° de la gestion du patient. Exemple : le diabète. Au-delà de nos insulines ou de nos traitements oraux, nous avons aujourd’hui des outils qui permettent d’accompagner le patient diabétique, des applications grâce auxquelles les malades se suivent et peuvent interfacer avec leur médecin. Je pense que notre vocation est d’être moins centrés sur le médicament, et de nous impliquer dans tout ce qui va pouvoir faire que le patient soit plus observant, mieux traité, mieux suivi. Sur cette priorité, j’espère trouver, à un moment donné, un certain écho après de l’administration.
Depuis décembre dernier, vous êtes directeur général de Sanofi France. Avant cela, vous êtes passé, également pour Sanofi, par les États-Unis, l’Égypte, l’Espagne et le Portugal. Comment percevez-vous le marché français à travers ce prisme étranger ?
Je suis frappé par certaines complexités inhérentes au système, à la multiplicité des agences régulatrices, des interlocuteurs… Cette situation est paradoxale dans un pays par ailleurs assez centralisé. Je relève également la lenteur des processus de décisions. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à de nombreux processus d’évaluations, et de réévaluations réglementaires, médicoscientifiques, médicoéconomiques…
Y a-t-il tout de même des facettes positives dans le système français ?
Couverture sociale et accès aux soins (pas de listes d’attente) sont la grande force de la France comparée à d’autre pays. À cet égard, le système français est encore assez privilégié. Cela ne veut pas dire que c’est un système très efficient. En dépit de son coût exponentiel ces dernières années, le système de santé français n’est plus champion du monde, il a été rétrogradé dans les classements de l’OMS. Il va falloir affronter les problèmes structurels et ne pas se contenter d’actions sur les prix qui sont la solution de facilité.
Les industriels dénoncent le dernier plan d’économies au motif qu’une fois de plus, c’est essentiellement le médicament qui est mis à contribution. Qu’en pense-t-on chez Sanofi ?
Nous sommes entièrement alignés avec le LEEM qui demande au gouvernement d’engager de manière urgente des discussions autour de la juste contribution du médicament dans ce plan. Il est évident qu’il y a des économies à faire, ailleurs que sur le médicament. Pour la troisième année consécutive, plus de 50 % des économies vont être faites sur son dos. Il y a les 3,5 milliards annoncés, mais si vous ajoutez la maîtrise médicalisée et le volet sur les achats hospitaliers (qui impacte également le médicament), on arrive en définitive à 5 milliards d’euros. Le sentiment qui domine est celui du ras-le-bol. On ne peut plus accepter ces mesures conjoncturelles qui évitent de s’attaquer aux problèmes structurels. Nous pourrions apporter une valeur ajoutée sur l’efficience.
En France, le générique peine à atteindre les niveaux de développement qu’il connaît dans d’autres pays. Quelle est votre analyse sur cette spécificité hexagonale ?
Ce n’est pas une spécificité hexagonale. En France, les taux de pénétration des génériques sont d’environ 77 %. Or, dans les pays comparables au nôtre, avec un système d’incitation au générique en pharmacie, les taux de substitution sont de 85 %. Ce n’est pas si différent.
Tout dépend du répertoire !
Oui, il y a bien sûr la question du périmètre du répertoire. Mais si on ajoutait le paracétamol, et l’aspirine, le répertoire serait certes plus large mais n’entraînerait pas d’économies. Ca serait très bien pour les indicateurs car le pourcentage augmenterait artificiellement, mais cela ne réglerait pas le problème.
Est-ce que développement de la politique du générique et poursuite de l’innovation thérapeutique sont compatibles ?
Oui, et Sanofi en est un exemple dans la mesure où nous sommes un acteur majeur du marché du générique avec notre marque Zentiva, tout en poursuivant une politique d’innovation. Sanofi dispose d’un tissu industriel très développé avec plus de 110 usines dans le monde et 26 en France qui produit à la fois des produits d’innovation et des génériques.
Quelle est votre position sur l’éventualité de créer des génériques au paracétamol ?
Le générique a une valeur ajoutée s’il permet des économies. Or développer le générique du paracétamol ne va pas générer d’économies. D’autant qu’une baisse de prix est programmée. Il y a aussi un risque pour l’emploi et la production en France. Pour ce qui concerne Sanofi, le Doliprane est produit en France dans nos usines de Lisieux et de Compiègne. Il faut préserver cet outil industriel français et travailler sur des gains de productivité possibles. Une autre réflexion sur laquelle nous sommes prêts à discuter serait de développer une automédication maîtrisée et responsable pour les antalgiques de niveau 1 sur des pathologies bénignes et de courte durée.
La profession de pharmacien est en pleine mutation, avec, au-delà de son rôle de dispensateur de médicaments, un développement vers de nouvelles missions de santé publique et de services au patient. Comment un laboratoire comme Sanofi peut-il l’accompagner dans ce sens ?
Sanofi veut de plus en plus se centrer sur le patient. Le relais passera bien sûr toujours par les professionnels de santé, médecins et pharmaciens. Concernant le pharmacien, il doit avoir un rôle prépondérant pour dispenser des produits et gérer des pathologies pour lesquelles le patient n’a pas nécessairement besoin d’aller chez le médecin. Nous sommes très favorables au développement de services dans des pathologies chroniques pour lesquelles le pharmacien peut jouer un rôle d’accompagnement, comme le diabète. Nous avons aujourd’hui 350 délégués en relation avec les officines, qui présentent notre gamme de génériques et accompagnent le pharmacien pour les produits OTC ; nous avons également une équipe dédiée pour les services aux patients diabétiques.
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