Rapidement désigné comme la solution pour faire face au Covid-19, le vaccin nécessite un temps de développement long. Interrogés en début de pandémie, les chercheurs s’accordaient sur le fait qu’aucun vaccin contre le Covid-19 ne pourrait être disponible avant 12 à 18 mois, un minimum déjà difficile à atteindre puisque le temps habituel de développement est d’une dizaine d’années. C’était sans compter sur une accélération sans précédent de la recherche, de l’industrie et des autorités sanitaires face à l’urgence sanitaire.
Pour y parvenir, le travail se fait sur tous les fronts en même temps, non seulement sur la R & D pure et dure afin de trouver un vaccin efficace et sûr – notamment en lançant plusieurs phases cliniques en même temps – mais aussi sur le futur conditionnement du vaccin et les capacités de production. Un pari sur l’avenir puisqu’il faut soit adapter des sites de production existant, soit en construire de nouveaux, sans garantie que le candidat vaccin aboutisse à une commercialisation. Certains industriels lancent déjà la production de masse, sans certitude que leur vaccin soit un jour sur le marché. C’est dans ce cadre que des précommandes se développent, afin d’accompagner le risque industriel. « La recherche ne part pas de zéro. Même s’il n’y a, à ce jour, aucun vaccin contre le coronavirus chez l’homme, des recherches ont été initiées à l’occasion de l’épidémie de SRAS en 2003 et de MERS-CoV en 2012 », explique Sybil Pinchinat, biostatisticienne et directrice associée chez Axonal-Biostatem, un groupe spécialisé dans la recherche clinique et épidémiologique.
Collaboration
Sur le plan de la recherche, la collaboration est le maître-mot, que ce soit entre laboratoires leaders, entre un laboratoire et une start-up, entre un laboratoire et une institution publique, le tout pouvant se conjuguer à l’infini. Au final, plusieurs types de vaccins sont attendus au plus tôt fin 2020 et courant 2021. « Parmi plus de 150 candidats vaccins contre le Covid-19, 9 % sont des vivants atténués ou des entiers inactivés, 23 % s’appuient sur un vecteur viral, 23 % sont à base d’acide nucléique et 45 % à base de protéine. Une dizaine d’essais cliniques sont déjà en cours. On peut y ajouter une autre dizaine d’essais sur des vaccins existants, notamment le BCG et le ROR », ajoute Sybil Pinchinat.
Parmi les plus avancés, le vaccin à vecteur viral (adénovirus) recombinant d’AstraZeneca, AZD1222 ou ChAdOx1 nCoV-19, conçu par l’université d’Oxford et dont la substance active est produite sur le site belge du français Novasep, pourrait être le premier sur le marché. C’est en tout cas la promesse du laboratoire britannique qui a conclu un accord de précommande, le 13 juin dernier, avec l’Alliance inclusive pour un vaccin (AIV), formée par la France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas. Cet accord de principe prévoit la fourniture de 400 millions de doses de son futur vaccin à l’ensemble des pays de l’Union européenne à prix coûtant, soit à 2 euros la dose. Le groupe pharmaceutique promet par ailleurs de fournir plus de 2 milliards de doses à prix coûtant dans le monde entier. AstraZeneca a déjà passé plusieurs accords de ce type, notamment avec deux fonds soutenus par Bill Gates, ainsi qu'avec le gouvernement américain pour un montant de 1,2 milliard de dollars. La fin des essais cliniques de phase 3 est espérée en septembre pour un début de production immédiat et des livraisons dès octobre-novembre.
Capacité de production
Plusieurs autres groupes pharmaceutiques ont choisi de travailler sur un vaccin à adénovirus, tels que les Américains J & J, Vaxart et ImmunityBio, ou le Chinois CanSino, avec parfois des voies d’administration autres que l’injection (spray nasal, voie orale). Les essais cliniques de phases I et II du vaccin Ad26.CoV-2 de J & J débutent finalement en juillet et non en septembre comme initialement prévus. Ils seront menés sur plus de 1 000 adultes en bonne santé aux États-Unis et en Belgique. S’il passe le stade de la commercialisation, le laboratoire assure pouvoir produire plus d’un milliard de doses annuelles dès 2021.
Deux mastodontes de la vaccination ont annoncé leur collaboration à la mi-avril. Le but : développer un vaccin contre le Covid-19 associant l’antigène de la protéine S du Covid-19, obtenu par la technologie de l’ADN recombinant de Sanofi, et la technologie de GSK dans la production de vaccins avec adjuvant à usage pandémique. Les premiers essais doivent débuter en septembre pour une mise à disposition du vaccin au deuxième semestre 2021. « Nous sommes un peu plus lents mais nous sommes plus susceptibles de réussir », a assuré le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, le 23 juin dernier, qui affirme pouvoir produire un milliard de doses par an.
Sanofi est aussi entré en collaboration, fin mars, avec la biotech Translate Bio pour le développement d’un autre type de vaccin dans le Covid-19, cette fois-ci basé sur la technologie de l’ARN messager (ARNm). Les premières études cliniques doivent commencer avant la fin de l’année pour une possible approbation fin 2021 et une capacité de production estimée entre 90 et 360 millions de doses annuelles. « Il n’existe pas de vaccin à acide nucléique ayant une AMM actuellement, mais les chercheurs s’y intéressent car ils sont beaucoup plus rapides à produire. En revanche, leur conservation est plus difficile (-80 °C) », note Sybil Pinchinat.
Maîtrise technologique
Ces vaccins à ARNm ont été mis en lumière par la biotech américaine Moderna qui lançait, dès le 16 mars, des essais de phase I pour son vaccin mRNA-1273 et annonçait les résultats à la mi-mai. « Après deux doses, tous les participants ont un taux d’anticorps supérieur ou égal à des patients convalescents. » Développé par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) et produit par la Coalition for epidemic Preparedness Innovations (CEPI), ce vaccin a été conçu en seulement 63 jours. « Le NIAID et Moderna travaillaient déjà sur un candidat vaccin contre le MERS (…), ce qui a fourni un avantage dans le développement d’un candidat vaccin contre le Covid-19 », précisent les partenaires. La phase III débute en juillet et inclut 30 000 volontaires, avant même de connaître les conclusions de la phase II incluant 600 personnes et commencée fin mai. Et un accord de production en Europe a déjà été signé avec Lonza. Seule ombre au tableau : les résultats de la phase I n’ont été que très partiellement publiés, ce qui laisse planer un doute au sein de la communauté scientifique.
Une chose est sûre, « la technologie de recherche et de production des vaccins a 90 ans, l’industrie en a une bonne maîtrise (…) Que l’un ou l’autre des vaccins évoqués soit le premier sur le marché ne ferme pas la porte aux autres, souligne Alice Sanchez-Ponton, épidémiologiste et directrice associée chez Axonal-Biostatem. Il y aura plusieurs vaccins anticovid et il y a de la place pour tout le monde. »
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