Les entreprises du médicament (LEEM) militent pour une réforme globale de l’évaluation médico-économique des produits de santé, en particulier pour les traitements innovants, prônant une harmonisation européenne et des études en vie réelle. Un message entendu par les autorités qui procèdent à une réforme de fond, comme l’a annoncé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 10 juillet dernier lors du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) présidé par le Premier ministre. Les rencontres de Pharmacité, l’université du LEEM, la semaine passée, ont permis de faire le point sur la future réforme.
« Un certain nombre de méthodes et d’outils doivent être améliorés. Nous allons mettre en place les groupes de travail », indique Dominique Le Gudulec, présidente du collège de la Haute Autorité de santé (HAS). L'objectif est notamment d’améliorer les capacités d’anticipation, de permettre la réversibilité d’une décision et de trouver un consensus européen pour une évaluation partagée. Pour Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, la réforme est urgente. « D’une part les produits qui arrivent aujourd’hui posent des problématiques nouvelles auxquelles le système d’évaluation bâti il y a plus de 20 ans n’est probablement plus adapté. D’autre part, les patients veulent accéder aux traitements innovants le plus tôt possible, en bénéficiant d’un suivi en vie réelle qui va permettre de nourrir les bases de données. Par ailleurs, on le voit avec le développement d’antibiotiques, le système d’évaluation actuel est une fantastique machine à broyer l’innovation car l’intérêt de santé publique pèse peu. » Le LEEM compte aussi beaucoup sur une évaluation commune européenne, préférant un seul système consensuel dans tous les pays européens pour que les médicaments accèdent au marché et donc aux patients, plutôt qu’une « succession de desiderata qui diffèrent d’un pays à l’autre ».
Potentiel de données
Un sujet que Dominique Polton, aujourd’hui présidente de l’Institut des données de santé, mais à l’époque conseillère du directeur général de l’assurance-maladie, connaît bien. Elle est en effet l’auteur du « Rapport sur la réforme des modalités d’évaluation des médicaments » remis en décembre 2015 à la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine. Rapport sur lequel s’appuient les travaux à venir, par exemple en étudiant la possibilité d’abandonner les critères actuels d’évaluation – l’amélioration du service médical rendu ou ASMR et le service médical rendu ou SMR – au profit de la valeur thérapeutique relative (VTR) qui intégrerait efficacité, tolérance, pertinence clinique, praticité et couverture du besoin.
Dominique Polton défendait déjà l’idée de créer un outil de surveillance post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM) ; c’est désormais son cheval de bataille. « L’évaluation en vie réelle va beaucoup se développer car les enjeux sont majeurs en termes de sécurité, d’efficacité et de bon usage du médicament. Or nous avons un potentiel de données incomparable : la France a été assez visionnaire il y a quinze ans pour créer ce qu’on appelle aujourd’hui le système national des données de santé, autrement dit les données de la Sécurité sociale, dont elle se sert pour les remboursements, et qui est constitué de toute la population française avec 10 ans d’historique permettant de décrire des parcours de soins. » Une richesse unique qui n’est pas sans défaut. Cette base ne comprend pas de données biologiques, cliniques ou environnementales. « Notre ambition est moins de créer une mégabase centralisée que d’arriver à accéder, dans des conditions transparentes, aux gisements de données qui existent en France et qui se multiplient. »
Des choix sociétaux
De leur côté, les patients attendent de la future réforme que « le critère de la qualité de vie soit davantage pris en compte dans les évaluations ». D’après Magali Léo, responsable du pôle plaidoyer de l’association Renaloo (maladies rénales) et coauteur du récent rapport sur l’information et le médicament, il s’agit même du critère essentiel qui devrait conduire vers la fixation du prix et du taux de remboursement d’un produit de santé. « Nous avons d’autres inquiétudes : dans les différents modèles de réforme qui nous ont été présentés, il se pourrait que la VTR conduise à un seul taux de remboursement et à redéfinir le panier de soins remboursables. C’est peut-être l’occasion de faire un peu de ménage, mais j’insiste pour que les associations de patients soient impliquées dans les groupes de travail qui se mettent en place. »
Une demande qui devrait être entendue, la présidente du collège de la HAS étant convaincue de « la place prépondérante des patients » sur le plan médico-économique. Dominique Le Gudulec souligne l’arrivée de médicaments en évaluation avec des données très précoces, donc avec des preuves d’efficacité et de sécurité relativement faibles mais très prometteuses. « Le défi c’est de l’adopter le plus vite possible pour que les patients y aient accès, mais il ne faut rien céder sur les enjeux de sécurité, d’efficacité, d’éthique, de soutenabilité et d’équité d’accès. Pour l’instant le discours est que tout le monde doit tout avoir, mais serons-nous capables de le tenir demain ? L’innovation est aussi caractérisée par son coût, qui va nous obliger à faire des choix sociétaux pour lesquels les patients nous aideront. »
La réforme, pilotée par le ministère de la Santé, associe tous les acteurs de la chaîne, rappelle Dominique Le Gudulec. Les conclusions des groupes de travail sont attendues au printemps prochain. « Viendront ensuite les décisions de la ministre, avant de passer par des aspects législatifs pour inscrire la réforme dans les textes », précise-t-elle. Mais bien avant, d’autres échéances sont attendues : les projets de la loi de finances (PLF) et de la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.
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