Elles risquaient lourd. 654 000 euros, c’est l’amende requise contre deux co-titulaires d’une officine de l’Oise. Au cours de leur visite en septembre 2013, les deux inspecteurs de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) avaient en effet pointé les relations commerciales qu’entretenaient ces deux pharmaciennes avec leur génériqueur. Ils en avaient déduit que des remises déguisées avaient été accordées, entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013, au titre des médicaments génériques. Car, pendant la même période, la pharmacie avait facturé des prestations de service à hauteur de 45 700 euros dans le cadre d'une commande de produits OTC pour une valeur de 2 544 euros. Un montant que les inspecteurs jugeaient disproportionnés au regard du montant de la facture et qu'ils ont affecté à la commande de génériques.
Au titre de l’article L.138-9 du code de la santé publique, ils avaient donc retenu contre les deux co-titulaires « des dépassements du plafond des remises, ristournes et avantages commerciaux accordés à un pharmacien d’officine par un fournisseur de spécialité pharmaceutique remboursable ». En conséquence, ils avaient dressé pas moins de 456 contraventions de 1 500 euros chacune. Une somme réclamée par le parquet de Senlis devant lequel avaient été renvoyées les deux pharmaciennes.
Une application stricto sensu de la loi
Coup de théâtre le 12 juillet dernier : jugeant que l’infraction invoquée n’était pas applicable aux officines de pharmacie, mais bien à leur fournisseur, en l’occurrence le laboratoire génériqueur, le tribunal n’a pas suivi le parquet. Et de déclarer les deux pharmaciennes non coupables. Une décision qui pourrait faire des vagues dans la profession, jubile le défenseur des deux titulaires, Me Alexis Ngounou.
L’avocat, qui avait plaidé la relaxe au motif que l’article L.138-9 du code de la Sécurité sociale ne s'appliquait pas aux pharmaciens d’officine, a été suivi par le juge dans une acception stricto sensu de la loi. En effet, le tribunal de Senlis admet lui aussi que « le texte entend incriminer le fait pour un laboratoire pharmaceutique de consentir des remises excessives sur des médicaments soumis à remboursement de la part de la Sécurité sociale ». Ainsi, poursuit le jugement, « il ne résulte pas de façon expresse que le législateur ait entendu incriminer l’acceptation par les officines pharmaceutiques d’une remise d’un montant supérieur aux plafonds prévus par la loi ».
QPC
Pour Me Ngounou, cette victoire est double. Car, outre la relaxe de ses clientes, cette décision signifie, pour la première fois, qu’un tribunal juge sur le texte de l’article et non, comme d’autres juridictions dans des cas similaires, sur le relèvement du plafond de 17 % à 40 % (voir encadré). « Jusqu’à présent les pharmaciens qui l’avaient remporté face aux tribunaux, avaient gagné au bénéfice de ce relèvement », précise le juriste qui suggère à la profession et à ses représentants d’introduire une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Constatant que le relèvement du taux à 40 % n’a pas calmé les ardeurs de la DIRECCTE, l’avocat estime que « les pharmaciens devraient demander au Conseil constitutionnel de préciser cette loi qui, visiblement, pose problème dans son interprétation. Cette démarche permettrait de clarifier la situation des pharmaciens une fois pour toutes ». Cependant, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), est serein. Il n’y a aucune raison, selon lui, de s’inquiéter pour l’avenir : « Ce jugement, dont nous nous félicitons, solde une situation antérieure. Sur notre insistance auprès du ministère, cette question est désormais tranchée et la transparence est assurée par l'obligation faite au fournisseur de déclarer les remises accordées. »
Rappelant lui aussi que les syndicats avaient milité pour le relèvement du plafond, Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), s’estime lui aussi satisfait de ce jugement. Pour autant, il ne préconise pas non plus de saisir le Conseil constitutionnel. Car, rappelle-t-il, « à chaque fois que la profession l’a fait, et obtenu juridiquement gain de cause, le législateur a ensuite modifié la loi ».
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