Insistant sur les « multiples hospitalisations inutiles » et les nombreuses « vies gâchées », la ministre a assuré de sa pleine mobilisation sur le sujet en s’appuyant sur son expertise dans la greffe de moelle, une spécialité médicale qui nécessite de longues ordonnances d’une vingtaine de molécules. « Je sais ce que veut dire iatrogénie et je sais ce que veut dire rupture de la prise en charge entre l’hôpital et la ville. En tant que présidente de la Haute Autorité de santé, j’ai vu à quel point ce sujet est complexe parce qu’il n’y a pas de solution miracle pour le bon usage du médicament. Ce qu’il faut c’est un panel de solutions et la prise en compte de chacun des acteurs de la chaîne. » La ministre de la Santé n’a pas manqué de rappeler les « tristes records français » concernant la consommation de benzodiazépines et d’antibiotiques. C’est pourquoi elle annonce vouloir porter l’initiative du Collectif et étudier les dix recommandations qu’il propose.
Dix propositions qui vont de la « création d’un observatoire du bon usage du médicament pour pallier la faiblesse des données à disposition » à la demande de faire du 22 mars « la journée du bon usage du médicament en France, cristallisée par l’organisation d’un congrès », explique Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales du LEEM. La seule proposition sur laquelle la ministre a exprimé une réserve est celle concernant des campagnes d’information grand public à l’initiative des autorités de santé car elle considère qu’elles sont très chères, peu efficaces et ratent souvent leur cible. « Seule la parole des professionnels de santé qui s’engagent pour informer les patients a vraiment un impact au niveau individuel et sera 100 fois plus entendue que n’importe quelle campagne grand public. »
Objectif à 5 ans
L’information des patients doit être « maximale », mais il reste à trouver les meilleurs moyens d’accompagner une information « pleine et entière » pour ne pas générer des angoisses qui pourraient conduire à l’arrêt des traitements par des patients qui ne peuvent pourtant pas s’en passer. C’est tout l’intérêt de la mission « information et médicament » que la ministre a nommé à la suite de l’affaire Lévothyrox et dont les propositions sont attendues avant le 31 mai prochain. Une information et une promotion de la santé en général qui passera aussi par le nouveau service sanitaire de trois mois que devront effectuer tous les étudiants en santé.
Le Collectif espère pouvoir fixer un objectif à 5 ans de réduction des décès et des hospitalisations dus au mauvais usage du médicament, ce qui passe par la création d’un observatoire pour disposer de données consolidées. Car les chiffres présentés sont encore peu précis : plus de 10 000 décès et plus de 130 000 hospitalisations seraient dus au mauvais usage du médicament en France chaque année. Pour Jean-Marc Aubert, à la tête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), trop de questions restent en suspens. « Aujourd’hui, nous ne savons pas ce qui est le plus cher entre le coût des médicaments surconsommés ou surdispensés et le coût des médicaments sous-consommés ou sous-dispensés. L’un et l’autre atteignent au moins 10 milliards d’euros, peut-être plus. Selon la littérature que j’ai pu consulter, les conséquences médico-économiques sont comprises entre 10 et 30 milliards d’euros pour le système de santé français. L’écart est important mais la difficulté vient de l’imputabilité : face à une infection résistante aux antibiotiques, personne ne peut dire qu’elle est liée ou pas à un usage excessif des antibiotiques. »
Abandon de soins
Des chiffres qui sont encore plus importants – et plus flous – concernant les hospitalisations. Toujours selon Jean-Marc Aubert, « les 130 000 hospitalisations citées par le Collectif sont un vieux chiffre qui vient d’études qu’on a du mal à retrouver ». S’appuyant sur des études internationales qui estiment entre 5 et 15 % les hospitalisations des personnes de plus de 70 ans pour mauvais usage du médicament, à quoi il faut ajouter un pourcentage pour les hospitalisations des moins de 70 ans, il estime plutôt ce chiffre à « 300 000 ou 400 000 hospitalisations, et même peut-être plus ». Soit, « à 5 000 euros l’hospitalisation en moyenne, un coût d’environ 2 milliards d’euros juste pour les hospitalisations ».
Pire, le directeur de la DREES n’est pas certain qu’une nette amélioration est envisageable car « les mauvaises utilisations, même si elles sont évitables, ne peuvent pas toujours être évitées ». Pour y parvenir, il faudra aussi prendre en compte la conception de chacun des acteurs de la chaîne du médicament. Selon une étude de la DREES, plus de 60 % des généralistes pensent que retirer un médicament prescrit depuis longtemps à un patient et dont il n’a plus besoin équivaut à un abandon de soins. Pour le sociologue Étienne Nouguez, « on est toujours l’inobservant de l’autre » : « Les sociologues ont souvent été sollicités par les médecins qui voulaient comprendre pourquoi les patients ne suivaient pas leurs traitements, par les pouvoirs publics pour comprendre pourquoi les médecins ne suivaient pas leurs recommandations, et par les sociologues eux-mêmes qui ne comprenaient pas pourquoi les pouvoirs publics ne suivaient pas leurs conseils. » Le Collectif s’attelle à un travail de longue haleine.
* ADMR, le Collectif (issu de la commission prospective de Federgy), CompuGroupMedical, Conférence nationale des URPS pharmaciens libéraux, Conseil national professionnel de gériatrie, Confédération des syndicats médicaux français, Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Klesia, Korian, LEEM, Malakoff Médéric, Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, Ordre national des infirmiers, Société française de gériatrie et gérontologie, Teva Santé, Union des syndicats de pharmaciens d'officine, UTIP Association, Vidal France.
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