Marisol Touraine doit présenter demain une campagne de communication pour convaincre le grand public de l’importance de recourir aux génériques en France. Bien sûr, les officinaux auront un rôle à jouer pour relayer le message ministériel. Mais la lettre d’orientation adressée au Comité économique des produits de santé (CEPS) par le ministère de la Santé et Bercy à la mi-août pourrait remettre en cause l’engagement des pharmaciens dans cette campagne. Car à sa lecture, les syndicats d’officinaux ont fait des bonds. Ce courrier prévoit en effet de nouvelles baisses de prix sur les médicaments et des décotes plus importantes pour les génériques. Par conséquent, « nous ne pourrons pas accompagner le plan générique compte tenu de la lettre d’orientation adressée au CEPS, sauf à ce que l’on corrige la partie rémunération du pharmacien en poursuivant sa mutation en la détachant encore plus des prix », indiquait récemment le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Gaertner (« le Quotidien » du 19 septembre).
Financer les nouveaux médicaments par les anciens
Mais que dit cette lettre ? Elle demande tout simplement au CEPS de baisser les prix des médicaments déjà disponibles dans le panier de soins afin de financer l’innovation et ainsi rester à enveloppe constante. Rien de très nouveau, en somme. Sauf que, cette fois, le gouvernement propose au CEPS de taper encore plus fort qu’à l’accoutumée. Il souhaite l’application de plus hautes décotes sur les génériques, qui s’élèvent déjà à au moins 60 % du prix du princeps. Mais surtout, il vise, à terme, une convergence des prix entre princeps et génériques. Ce qui signifie, pour Philippe Gaertner, la fin du principe « marge générique égale marge princeps » (MG = MP).
« On ne peut pas faire ce qui est écrit avec notre mode de rémunération actuelle », insiste le président de la FSPF. Pour lui, « il est nécessaire de trouver un juste équilibre, dans le cadre conventionnel. Si l’on veut poursuivre le développement des génériques, il faut trouver un système incitatif ». « On ne peut pas financer toute l’innovation en tapant sur le répertoire », estime également le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond. D’autant plus que les traitements innovants n’arrivent pas immédiatement à l’officine, alors que les médicaments anciens y sont déjà. Autrement dit, la marge des pharmaciens subira de plein fouet ces baisses de prix sans avoir encore la contrepartie de la dispensation des traitements nouveaux.
Substitution et interchangeabilité
Plus largement, la lettre de mission du CEPS indique que « les médicaments ayant perdu leur brevet contribueront fortement à la réalisation d’économies, qu’ils soient chimiques (avec la générication) ou biologiques (avec l’arrivée des biosimilaires) ». Chiche, déclarent en substance les syndicats d’officinaux, qui sont prêts à accompagner le développement des médicaments biosimilaires dont le prix est déjà de 20 à 30 % inférieurs à celui du produit de référence. « Le pharmacien est celui vers lequel le patient se tourne quand il a une difficulté, soulignait Gilles Bonnefond, lors d’un colloque en juin. Il est donc essentiel que le pharmacien trouve sa place dans le développement et l’accompagnement des médicaments biologiques et, par extension, des biosimilaires qui constituent les traitements de demain. »
Philippe Gaertner fixe toutefois quelques conditions à l’engagement des pharmaciens dans la dispensation de ces traitements. Le président de la FSPF tient d’abord à ce qu’aucune distinction ne soit faite entre les pharmaciens, qu’ils soient hospitaliers ou officinaux, dans ce qu'il sera autorisé ou interdit de faire. Tout comme Gilles Bonnefond, il ne souhaite pas que la profession obtienne un droit de substitution, mais un droit « d’interchangeabilité » des produits à l’initiation du traitement, et selon une liste définie. Enfin, Philippe Gaertner demande des règles économiques identiques à celles en vigueur pour les génériques, c’est-à-dire l’égalité de marge entre biosimilaire et produit de référence. Les pharmaciens seront bientôt fixés. Selon Gilles Bonnefond, la question sera arbitrée dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) dont Marisol Touraine a présenté les grandes lignes vendredi.
50 millions de perte de marge
Autre sujet de préoccupation pour les syndicats : le projet de baisses de prix de plus de 250 produits inscrits à la LPPR. Un projet « intolérable » pour la FSPF. « En l’état, c’est près de 200 millions d’euros d’économies qui sont imposés sans concertation préalable », déplore Philippe Gaertner. D’autant que de nombreuses catégories de produits visées sont dispensées dans les officines. Gilles Bonnefond chiffre la perte de marge pour la pharmacie à environ 50 millions d’euros. Aussi, les deux syndicats demandent une marge garantie (prix de cession) sur les produits à prix limite de vente et, comme pour les biosimilaires, un droit à « l’interchangeabilité » sur les produits de la LPPR.
C’est dans ce contexte tendu que la FSPF et l’USPO attendent d’être reçues par le ministère de la Santé afin, notamment, de fixer le cadre des futures négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie. « Nous sommes volontaires pour réformer le métier, la rémunération et le réseau, indique Gilles Bonnefond. Mais il nous faut de la visibilité, un engagement de l’État sur la durée de la convention. » Un avis partagé par plus de 9 pharmaciens sur 10, selon les premiers résultats de la Grande consultation menée par les syndicats (voir ci-dessous). Pour l’heure, ces derniers n’appellent pas encore les confrères à la mobilisation. Mais les deux présidents se disent « unis et déterminés ».
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