Il tue cinq fois plus de personnes que les accidents de la route dans notre pays. Le mésusage des médicaments a de lourdes conséquences sur le plan humain mais aussi, bien sûr, au niveau économique.
Près de 38 milliards d'euros seraient perdus chaque année dans le monde à cause des erreurs médicamenteuses, selon l'OMS qui ambitionne de « réduire de moitié la charge mondiale des méfaits dus aux erreurs de médication ». Spécialisée dans les études à destination des entreprises du médicament, IMS Health (aujourd'hui IQVIA) révélait en 2012 un chiffre encore plus effrayant : « 475 milliards d'euros de dépenses en coûts de santé pourraient être évités au niveau mondial par l'usage responsable des médicaments ». Une somme considérable qui représente en moyenne 6 % du budget national dédié à la santé. IMS Health préconisait cinq actions prioritaires pour « des résultats rapides et substantiels », dans un rapport de 2012. Parmi ces pistes, « investir dans les bilans médicaux », « établir une obligation de déclaration d'usage d'antibiotiques » ou encore « encourager la déclaration d'erreurs médicamenteuses ». Mais selon les experts, la priorité numéro un pour lutter contre le mésusage est bien de « renforcer le rôle des pharmaciens dans la gestion de la médication ». Dans plusieurs pays, des officinaux ont déjà prouvé à quel point ils pouvaient être des acteurs clés dans la lutte contre le mésusage des médicaments.
Les pharmaciens suisses sur tous les fronts
Prendre en charge à l'officine des affections courantes, telles que cystites ou conjonctivites, c'est déjà possible en Suisse grâce au programme netCare, lancé en avril 2012. Pour éviter que les patients sans médecin traitant finissent aux urgences pour des troubles bénins, netCare a voulu permettre aux pharmaciens de faire un premier triage grâce à des arbres décisionnels et des algorithmes développés par pharmaSuisse, l'association des pharmaciens helvétiques. Dans 17 % des cas, le patient quitte l'officine avec des médicaments de prescription et dans seulement 7 % des cas, une réorientation vers un médecin ou les urgences est nécessaire.
S'il a prouvé son efficacité, netCare n'est pas le seul programme qui a permis de renforcer le rôle des pharmaciens dans la lutte contre le mésusage en Suisse. Dans les équivalents suisses des EHPAD, le pharmacien suit la consommation des médicaments et identifie les priorités de rationalisation. Il anime la réflexion de l'équipe soignante, en étroite collaboration avec infirmiers et médecins. Des cercles de qualité, associant officinaux et médecins ont aussi été mis en place. Les résultats de ces différentes initiatives sont plutôt probants. Le programme netCare est désormais utilisé par certaines caisses d'assurance-maladie du pays. L'intervention du pharmacien dans les EHPAD a entraîné une baisse significative de la mortalité, aucune hausse des hospitalisations et une diminution de la consommation, et donc des coûts en médicaments (-21 % en 8 ans). Les cercles de qualité ont également amélioré la prescription médicale dans son ensemble, diminué les coûts de l'assurance-maladie et renforcé la coopération interprofessionnelle.
Des pharmaciens plus impliqués dans le suivi des traitements
Traitements non adaptés ou mal suivis, mauvais dosages, effets liés à l'iatrogénie… le mésusage doit souvent son origine au manque de communication entre professionnels de santé. C'est ce postulat qui a conduit à la création du programme Chronic Medication Service en Écosse. Un programme qui repose sur la complémentarité médecin/pharmacien. Ainsi, l'officinal peut évaluer la pertinence d'un plan de soins, ce qui permet au médecin de disposer de rapports réguliers sur les problèmes identifiés et les solutions apportées. Testé en 2009 au niveau local, Chronic Medication Service a été étendu, depuis, à tout le territoire écossais.
Toujours dans le cadre de la prise en charge des pathologies chroniques, le programme norvégien Medisinstart permet, lui, au pharmacien de mener une consultation de suivi, une, puis cinq semaines après la première dispensation d'un médicament. Plébiscité par les médecins, Medisinstart a eu un autre effet positif, une meilleure adhésion des patients au processus de soin. De l'autre côté de l'Atlantique, les pharmaciens québécois sont autorisés à ajuster ou à doser des médicaments pour atteindre des cibles thérapeutiques, depuis 2015. Ils peuvent aussi prescrire une analyse de laboratoire pour s'assurer de l'efficacité du traitement. Dans le même esprit, les officinaux néo-zélandais sont chargés du suivi de la toxicité de la clozapine. Suivi que les pharmaciens réalisent à la suite d'analyses de laboratoire qu'ils ont eux-mêmes demandées.
La France, « mauvais élève européen »
Bien que différents dans leur mise en œuvre, ces programmes développés à l'étranger reposent tous sur un principe essentiel : le renforcement des compétences des professionnels de santé. Selon un rapport commandé par le ministère de la Santé en 2013 sur « la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France » : « la France est l’un des pays dans lequel les prescriptions et l’usage irrationnels sont les plus nombreux ». Désignée comme « un mauvais élève au niveau européen », dans ce même rapport, la France sait en tout cas dans quelle direction regarder pour trouver quelques pistes d'amélioration.
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