EN 2010, les génériques affichent un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros, permettant à l’assurance-maladie d’enregistrer une économie de 1,7 milliard. « Chaque année, on augmente la part d’économie réalisée par l’assurance-maladie. Néanmoins, la croissance s’essouffle et a été divisée par deux en à peine un an », constate Stéphane Joly, président de Cristers, et de la commission communication du GEMME (Générique, même médicament).
Pour Philippe Besnard, directeur de la division officine générique de Sanofi et vice-président des affaires économiques du GEMME, la perte de confiance des patients est due à un manque de communication vers les médecins, à des pharmaciens moins enclins à substituer et à un buzz médiatique qui interroge sur la qualité des médicaments, et des génériques en particulier. L’absence d’information des médecins est confirmée par le Dr Stéphane Lesur, généraliste dans le Pas-de-Calais, qui se pose finalement les mêmes questions que ses patients. « Si les molécules sont bien identiques, des excipients différents peuvent être utilisés entre le princeps et le générique, comment le savoir ? Comment être sûr que cela ne nuira pas à mon patient ? » Il s’inquiète aussi de la provenance des génériques et se pose des questions sur la qualité inhérentes à des chaînes de fabrication très éloignées. « Les médecins sont les premiers prescripteurs et ne sont pas informés sur ce qu’ils prescrivent ! »
Effet psychologique.
Antoine Sawaya, chef du département de l’évaluation de la qualité pharmaceutique à l’AFSSAPS, rappelle qu’il n’y a pas de différence de traitement dans les dossiers, qu’il s’agisse des médicaments princeps ou génériques. « Je peux vous rassurer sur la qualité de l’évaluation des médicaments génériques et, par conséquent, sur la qualité de ces médicaments eux-mêmes. Sauf exception, nous menons toujours des études de bioéquivalence et si certains excipients peuvent différer entre le médicament de référence et sa copie, il faut se rappeler que ce sont des matières inertes. » Quant aux patients qui n’obtiendraient pas la même efficacité sur leurs maux avec un générique, l’AFSSAPS souligne que des études ont pu constater ce phénomène alors que médicament de référence et générique étaient strictement identiques, et d’ailleurs fabriqués par le même laboratoire et sur les mêmes chaînes de fabrication. L’effet serait donc, selon elle, psychologique et nullement lié au générique.
Des patients expriment aussi la crainte de voir arriver sur le marché français des médicaments dont les chaînes de fabrication se situent hors de l’hexagone, voir hors de l’Europe. Philippe Besnard et Antoine Sawaya se veulent là aussi rassurants, arguant des mêmes exigences de qualité quelle que soit la localisation de l’usine, et des mêmes procédures de contrôle de la part des autorités sanitaires. « Aucun produit n’est vendu en Europe sans contrôle et le taux de non-conformité chez les génériques est le même que pour les médicaments de référence. »
Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), estime quant à lui que le générique complique la vie des médecins. Tous d’accord sur le principe originel du générique – prescrire un médicament moins cher – les médecins sont unanimes pour dire qu’ils ignorent au final ce qui est délivré à leurs patients. « Il serait bien plus simple que le prix du médicament de marque, celui qu’on connaît déjà, s’aligne sur le prix des génériques lorsqu’il perd son brevet. Cela éviterait les mauvaises surprises et le refus des patients de certains génériques. Cela m’est encore arrivé récemment, témoigne le Dr Chassang, parce que le princeps se dissout dans l’eau en quelques secondes et son goût est acceptable, ce qui n’est pas le cas du générique qui a été délivré. »
Des patients suspicieux.
Finalement, les pharmaciens sont bien seuls depuis une douzaine d’années à défendre le générique, commente Christophe Koperski, titulaire à Estrées-Saint-Denis (Oise). « Nous avons tous des patients suspicieux qui réclament "le vrai médicament". C’est à nous de les informer, d’expliquer qu’il s’agit bien du même médicament, avec la même biodisponibilité et la même efficacité. Aujourd’hui, nous avons un taux de substitution de 75 %, on a même déjà atteint les 80 %, comme quoi le générique est bien accepté. » Un succès que le député UMP Yves Bur temporise. « En Allemagne, deux boîtes vendues sur trois sont des génériques. En France, les génériques ne représentent que 25 % des volumes. On y est allé à reculons, pour des raisons politiques, des problèmes conventionnels, à quoi se sont ajoutées tout un tas d’inepties de la part des laboratoires princeps. Puis il a fallu garantir la marge du pharmacien, puis des marges arrière, et la récupération de la marge du grossiste… Tout ce temps perdu est avant tout de l’argent perdu, des économies qui n’ont pas profité à la Sécurité sociale. »
Aujourd’hui, la crise de confiance dans le médicament accentue ce retard français. Ce n’est pas un hasard si le cabinet IMS Health a constaté une hausse importante des mentions « non substituable », ou NS, depuis septembre 2010. Après la publication de listes de médicaments sous haute surveillance, dans la foulée de l’affaire Mediator, le doute s’insinue dans l’esprit des patients, réticents même à prendre leur traitement chronique dont ils ne peuvent pourtant se passer. Aujourd’hui, les malades se méfient des médicaments en général et encore davantage des génériques…
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