RÉUNI à la fondation Mérieux, à Annecy, le colloque consacré au faux médicament dans le cadre de la 10° Conférence du CIDPHARMEF (« le Quotidien » du 6 juin), était conjointement organisé par la Fondation Chirac, principale institution française spécialisée dans ce domaine, les responsables de l’association des doyens des facultés francophones et la Centrale humanitaire médico-pharmaceutique (Clermont-Ferrand), qui fournit en médicaments génériques essentiels les centrales d’achat des pays du Sud et quelque 500 ONG. Il a permis à des acteurs qui se connaissent mal - enseignants et doyens de facultés de pharmacie, spécialistes de la pharmacovigilance, du contrôle qualité, douaniers, policiers, praticiens de l’aide humanitaire…- de mesurer l’ampleur du phénomène et ses conséquences sanitaires terribles, encore mal évaluées, et de confronter leurs points de vue.
La formation universitaire spécifiquement consacrée au faux médicament dans les facultés francophones reste aujourd’hui embryonnaire, et parcellaire, résume le doyen François Locher (Lyon), et quelques facultés seulement ont mis au point certains modules dans des filières spécialisées sur cette question très complexe, au carrefour d’enjeux majeurs.
Prise de conscience récente.
Un constat qui rejoint celui du pharmacien Alassane Ba, directeur Qualité à Clermont-Ferrand de la Centrale humanitaire médico-pharmaceutique (CHMP), pour qui « cette préoccupation, récente, n’est jusqu’à présent partagée que par quelques facultés, comme Limoges, Grenoble, Clermont-Ferrand… » Sera-t-il encore possible dans les prochaines années, interroge-t-il, d’imaginer que des pharmaciens, à l’orée du diplôme, soient incapables de distinguer un produit contrefait ? Au cours des débats, tant au colloque lui-même qu’au sein des ateliers, de nombreuses questions cruciales liées à cette interrogation première, au carrefour de la politique de santé publique et de l’enseignement supérieur, ont surgi. Faut-il réserver cette question de la contrefaçon à la formation continue ? Convient-il au contraire de l’intégrer dans la formation initiale, aux côtés des enseignements sur l’éthique, la pharmacovigilance, la traçabilité, le circuit du médicament, le contrôle qualité, la connaissance analytique ? Va-t-il falloir, par conséquent, du côté des responsables de l’enseignement universitaire, mettre les bouchées doubles et aller plus loin, jusqu’à structurer des formations spécialisées, ou mutualiser des expertises entre différents établissements ? Et si oui, les dispenser de quelle façon, et en quelle année, 4e, 5e ?
On aura compris que cette journée de la 10° Conférence du CIDPHARMEF, riche en échanges, pourrait aussi constituer le point de départ d’une réflexion collective productive. D’autant, explique Hélène Degui, déléguée générale de la Fondation Chirac, que les débats, vifs, ont été ravivés « à partir d’une information que beaucoup des participants semblaient ignorer, et qui fit durant le colloque l’effet d’un électrochoc » : on sait aujourd’hui que des systèmes officiels entiers de distribution du médicament dans de nombreux pays du Sud sont largement infiltrés par la contrefaçon, un phénomène délétère qui entraîne non seulement de terribles ravages en termes de santé publique - ce sont des centaines de milliers de décès évitables qui sont directement liés à la prise de « médicaments pourris » - mais aussi une perte de confiance préjudiciable dans le système de santé. Les populations locales ne sont en effet pas les seules à souffrir dans leur chair de ce trafic lucratif. Les étrangers de passage, les touristes, ou les résidents, ne sont pas à l’abri du danger de produits médicamenteux falsifiés. Or en France, à leur retour, il n’existe aucun système de pharmacovigilance spécifique, regrette Hélène Degui, alors que nous connaissons tous tel ou tel touriste ou humanitaire revenu d’Afrique avec une pathologie persistante, probablement « soignée » avec des « médicaments » locaux contrefaits… Voilà « un chantier idéal pour de nombreuses thèses » !
Observatoire mondial.
D’où le premier objectif mis en avant par la responsable de la Fondation Chirac : la création d’un Observatoire mondial du médicament, qu’elle appelle de ses vœux, seul outil qui permettrait d’évaluer à l’échelle de la planète le risque pharmaceutique, pays par pays. Cet Observatoire, au-delà de l’analyse de l’état des lieux, aurait pour objectif de créer les outils destinés à sécuriser au maximum les circuits du médicament, en fonction des réalités et des moyens locaux. Le second, qui concerne la formation, est, lui, proposé à la communauté des doyens par Alassane Ba (CHMP) : établir, à l’aide d’un questionnaire détaillé, un véritable recensement de ce qui existe aujourd’hui dans les facultés de pharmacie francophones concernant la contrefaçon, afin de bâtir un socle de connaissances et d’expertises commun aux pays du Nord et du Sud. Sachant qu’il faudra encore du temps pour avancer, car il est évidemment compliqué sur le plan intellectuel, conclut Hélène Degui, de concevoir, au sein d’un enseignement pluriannuel consacré au « médicament bienfait de l’humanité », une formation centrée sur « le médicament falsifié, produit criminel lucratif et dangereux ».
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