LE MILLION de comprimés contrefaits (valeur estimée 1,8 million d’euros) saisis dernièrement dans le cadre de l’opération Pangea III, menée dans 45 pays, qui a abouti à l’interpellation de 67 personnes et à la fermeture de 290 sites Internet, dont 19 en France, donne une idée du phénomène (voir notre édition du 18 octobre). Un phénomène qui prend de l’ampleur depuis quelques années. Selon Christophe Zimmermann, coordinateur de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie à l’Organisation mondiale des douanes, 117 millions de faux médicaments - dont 18 millions de dangereux pour la santé - ont été saisis en Europe en 2009 contre 10 millions en 1998, et actuellement 34 % de ces saisies sont issues d’Internet. Selon Aline Plançon, chef de l’unité « contrefaçon de produits de santé et crime pharmaceutique » à Interpol, les faux médicaments représentent 10 % du marché mondial du médicament et rapportent 50 milliards d’euros par an.
Un fléau mortel.
Il ne s’agit pas seulement de médicaments censés traiter les troubles de l’érection ou accroître les performances sportives, mais aussi de faux antibiotiques, antidiabétiques, antidépresseurs, antiulcéreux, diurétiques, etc. « En surdose ou en sous-dose de principe actif, composés de sucre, de farine ou de substances toxiques (plâtre, chaux, liquide réfrigérant…), les faux médicaments non seulement ne soignent pas mais peuvent handicaper et tuer. Ce trafic odieux est responsable de centaines de milliers de morts chaque année », s’indigne le Pr Marc Gentilini, délégué général de la Fondation Chirac pour l’accès aux médicaments et à une santé de qualité. « Dans certains pays africains, 50 % des antipaludéens en circulation sont faux. »
Au Bénin, l’augmentation faramineuse des insuffisances rénales est la conséquence de médicaments falsifiés. Lesquels peuvent aussi contribuer à l’émergence de pharmaco-résistances, comme c’est le cas contre la malaria au Cambodge ou au Nigeria, et au développement de résistances aux antibiotiques dans des pays où les ruptures de traitements sont déjà fréquentes. « Ce qui se passe en Afrique est dramatique, alerte le Pr Idrissou Abdoulaye, directeur du centre national hospitalier universitaire de Cotonou. Nos pays sont une cible privilégiée pour ce commerce de la honte qui se développe sur le terreau de la pauvreté. »
Un crime et non plus un délit.
Pour combattre un fléau amené à se développer durablement si rien de cohérent et de coercitif ne vient l’entraver, la mobilisation doit être mondiale. Première grande avancée, le Conseil de l’Europe a élaboré une convention baptisée MEDICRIME qui devrait être signée par les 47 États membres et adoptée au plus tard en mars 2011. Ce texte criminalise le commerce des produits de santé falsifiés qui, jusqu’ici, constituait seulement un délit, assorti de faibles sanctions, hétérogènes selon les pays et très peu dissuasives au regard des énormes profits générés.
L’appel de Cotonou, plaidoyer politique en faveur d’une mobilisation des chefs d’État africains lancé l’an dernier par Jacques Chirac, devrait aussi contribuer à faire échec à ce trafic mortifère. Son projet de convention internationale contre les faux médicaments a rencontré un écho favorable et déjà obtenu la signature de 11 États. Sur le plan technique, cet appel propose la mise en œuvre, dans les différents pays d’Afrique, de laboratoires nationaux de contrôle de qualité des médicaments, à l’image de celui que la Fondation Pierre Fabre a fait démarrer il y a 5 ans, et auquel la Fondation Chirac vient d’apporter des moyens supplémentaires. « Tous ces états ne peuvent certes pas avoir de structure du type Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, mais la mise en place de laboratoires capables de contrôler les médicaments arrivant dans le pays serait possible avec des collaborations et des aides extérieures », pense Philippe Bernagou, directeur de la Fondation Pierre Fabre.
Production locale de génériques.
Malgré le manque de moyens, des initiatives locales vont dans le bon sens. Le Bénin a ainsi lancé des campagnes de sensibilisation au problème des faux médicaments vendus dans la rue pour que la population change de comportement. Le Rwanda, où la chaîne de distribution du médicament est étroitement contrôlée et où un système de couverture du risque maladie a été instauré, les médicaments falsifiés circulent beaucoup moins que dans les pays voisins. Un Camerounais, Célestin Tawamba, a créé l’an dernier le laboratoire Cinpharm, grâce des partenariats étrangers, pour produire des médicaments génériques essentiels avant de passer, en 2011, aux antiviraux et anticancéreux. Objectif : faire chuter le marché de médicaments contrefaits en abaissant leur prix de 30 % par rapport aux produits d’importation.
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