« APOCALYPSE NOW ». Guerre du Vietnam. L’histoire commence dans ces souterrains boueux où les miliciens communistes décimés par un paludisme résistant sollicitent l’appui de la Chine de Mao Zédong qui accepte de leur venir en aide mais, plus largement, de vaincre le paludisme en développant, sous le contrôle de l’Armée du Peuple, un projet ultra-secret codé « 523 » (car lancé le 23 mai 1967).
Ce projet mobilisa, 14 ans durant, plus de 500 agents sur fond de rivalités internes mais surtout d’une révolution culturelle contraignant les chercheurs à travailler sans moyens et à conduire clandestinement leurs essais sur des villageois de la Chine méridionale… Des scientifiques firent un screening des quelque 40 000 médicaments candidats ; d’autres compulsèrent la littérature traditionnelle ; d’autres cueillirent toutes les plantes fébrifuges connues. Parmi neuf plantes antipaludéennes sélectionnées, le qinghao retint l’attention : mentionné sur une tombe datée 168 avant J.-C. puis cité dans les traités médicaux pendant des siècles, son action antipaludique fut relevée par Li Shizhen (1518-1593), herboriste de la dynastie Ming auteur d’une hallucinante matière médicale en 53 volumes traduite dans diverses langues européennes, dont le français, au XVIIIe siècle.
Les scientifiques constatèrent que les habitants de certaines régions absorbaient, aux premiers signes de paludisme, un décocté du qinghao (quinghaosu) qu’ils identifièrent comme l’armoise annuelle (Artemisia annua). Les tests furent probants et l’isolement du principe actif, l’artémisinine, fut réussi en octobre 1971 grâce notamment au professeur Youyou Tu (née en 1930) de la faculté de Pékin, spécialiste de la médecine chinoise traditionnelle. La mise au point d’un procédé d’extraction suivit rapidement mais sa synthèse artificielle resta impossible. Mao décéda en 1976 et le projet 523 fut abandonné en 1981.
Côté américain, le même problème conduisit à la découverte de la méfloquine, certes efficace, mais exposant à une iatrogénie non négligeable : perte de mémoire, cauchemars, réactions d’allure psychotique… En 1979, Keith Arnold, un médecin de Hong Kong ayant collaboré au développement de cet antipaludéen, conduisit en Chine avec un homologue local, Gou Qiao Li, un essai méfloquine vs artémisinine. L’artémisinine se révéla plus intéressante, mais surtout, l’association des deux se révéla extrêmement active.
Un principe actif thermolabile.
L’OMS réclama des publications sur ce médicament et, en 1982, des scientifiques chinois furent autorisés par le gouvernement communiste à publier dans The Lancet. En 1985, un chimiste militaire américain Daniel L. Klayman (1929-1992), put extraire l’artémisinine de la fameuse armoise repérée par hasard en 1983 sur les rives du Potomac non loin de Washington. Finalement, un laboratoire suisse obtint de la Chine un brevet pour un dérivé de l’artémisinine qu’il commercialisa au début des années 2000 : divers dérivés de l’artémisinine (artémeter, artésunate, etc.), obtenue à partir de pieds d’armoise annuelle cultivés notamment en Europe et en Chine, sont aujourd’hui associés à d’autres antipaludéens (amodiaquine, luméfantrine, pipéraquine, etc.).
Quant à Madame Tu, désignée comme l’une des « Dix femmes les plus éminentes » par le Comité central en 1994, reconnue « Travailleur national d’avant-garde » en 1995, elle a obtenu le prix Albert Lasker en 2011. Ce succès lui a attiré la jalousie d’autres chercheurs impliqués dans le projet 523 : elle n’en reste pas moins la première à avoir compris, grâce à un manuscrit de la dynastie Jin (IVe siècle) recommandant de préparer le qinghaosu dans de l’eau froide, que la chaleur détruisait l’artémisinine et à l’extraire par l’éther. Elle compta d’ailleurs parmi les cinq auteurs « secrets » de la publication de 1982.
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