MIEUX protéger les consommateurs en encadrant la vente de plantes médicinales, tel est l’objectif de la proposition de loi visant à rétablir le diplôme d’herboriste. Déposée par le sénateur PS du Finistère, Jean-Luc Fichet, elle provoque l’ire des instances représentant les officinaux. En effet, depuis la suppression du métier d’herboriste, en 1941, sous le maréchal Pétain, le monopole de la vente de plantes médicinales est réservé aux seuls pharmaciens. Mais, s’il existe 339 plantes médicinales validées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 148 d’entre elles ont déjà échappé au monopole pharmaceutique depuis 2008. De plus, la proposition de loi relève que leur vente n’apporte « au consommateur aucune garantie quant à la provenance de la plante et aucune information quant à leur utilisation et que la vente sur Internet entraîne notamment de nombreux excès ». Elle souligne aussi que les pharmaciens ont largement délaissé ce marché, qui ne représente actuellement plus que 3 % de leur chiffre d’affaires. Autant d’arguments qui, selon le sénateur, militent en faveur de la recréation de la profession d’herboriste, exclusivement dédiée à la connaissance et à la vente des plantes médicinales.
Côté pharmaciens, on ne voit pas les choses de la même manière. Et les instances représentant les officinaux ne souhaitent pas que de futurs herboristes coupent l’herbe sous le pied des potards. L’Académie de pharmacie, notamment, refuse la création d’une « nouvelle profession de santé, dite de bien-être, accompagnée d’un monopole qu’il sera difficile de situer au regard des professions de santé et dont la viabilité économique est très incertaine ». Pour elle, « cette nouvelle profession aurait surtout pour risque de laisser entendre à la population que ce type de soin par les plantes est validé officiellement, sans qu’elle ne repose sur une base scientifique ».
Unique en Europe.
Un point sur lequel le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, par la voix de sa présidente, Isabelle Adenot, se dit parfaitement d’accord. « Nous sommes contre la création d’un diplôme d’herboriste qui pourrait donner caution à un exercice de professionnel de santé, que ce soit par le fait de poser un diagnostic, ce qui relève du médecin, ou d’effectuer une dispensation ou une délivrance, ce qui relève du pharmacien, déclare-t-elle au « Quotidien ». Cette proposition de loi projette de recréer un monopole, alors même que des plantes sont récemment sorties du monopole pharmaceutique. Ce serait une situation unique en Europe. »
L’Académie s’inquiète également des besoins réels de la population. « Une enquête sérieuse a-t-elle été réalisée avant d’envisager de créer cette nouvelle profession ? », s’interrogent les académiciens.
« Oui, répond Jean-Luc Fichet, le sénateur à l’origine du projet. Avant la rédaction de cette proposition de loi, il y a eu un an d’auditions. Et nous avons constaté un besoin, exprimé très fortement. Au niveau des consommateurs, l’adhésion est quasi unanime et du côté des professionnels, il existe également une attente, y compris de la part de pharmaciens, qui sont nombreux à suivre des formations en herboristerie. » Il déplore que la majorité des officinaux « aient totalement abandonné ce secteur et que leur formation ait quasiment occulté la connaissance des plantes ».
Là encore, Isabelle Adenot réfute l’argument. « Les pharmaciens sont des spécialistes des plantes médicinales et doivent être reconnus comme tels. C’est pourquoi nous aimerions obtenir l’autorisation de réaliser des mélanges de plantes, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il est certain qu’il faut développer une meilleure connaissance en phytothérapie et nous appelons les facultés de pharmacie à prendre en compte cette demande accrue de la population. Quoi qu’il en soit, le pharmacien est le seul spécialiste des plantes et de nombreuses formations lui sont proposées lorsqu’il souhaite se spécialiser. »
Complémentarité avec les pharmaciens.
Pour l’Ordre, le moment choisi par le sénateur pour faire cette proposition de loi n’est pas anodin et intervient après la peur suscitée par des scandales sanitaires. « À l’heure où circule l’idée que les remèdes naturels, en opposition aux médicaments de synthèse, guérissent nécessairement en douceur, il est important de rappeler que les plantes médicinales contiennent des substances actives puissantes potentiellement dangereuses si elles ne sont pas utilisées à bon escient. »
De son côté, le sénateur Fichet ne comprend pas les réticences des représentants officinaux, qui auraient au contraire « tout à y gagner ». « Pour moi, la question n’est pas de se mettre en opposition avec les pharmaciens, mais plutôt de privilégier la complémentarité. Les pharmaciens sont déjà herboristes, ils pourraient tout à fait s’investir dans la vente de ces plantes et les préparateurs pourraient également se spécialiser dans ce domaine, afin d’apporter une valeur ajoutée à l’officine. » Selon lui, « l’herboriste est au pharmacien ce que le psychologue est au psychiatre. » C’est un complément, pas un concurrent, qui n’est pas professionnel de santé mais professionnel des plantes. Ce qui compte avant tout, pour Jean-Luc Fichet, c’est de « stopper le commerce non contrôlé des plantes médicinales ». Ce qui compte avant tout pour les instances ordinales et académiques, c’est de ne pas se servir du prétexte du naturel à tout prix pour finalement porter atteinte à la santé publique. « Les pharmaciens sont évidemment d’accord pour développer le naturel, insiste Isabelle Adenot, ils doivent pouvoir accompagner la demande de la population avec une formation adéquate, mais la sécurité des produits de santé reste notre priorité. » Le débat est lancé.
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