Monsieur le Professeur,
AFIN DE RÉDUIRE des dépenses de santé, les pharmaciens de ville et d’hôpital ont été sollicités depuis 1998 pour promouvoir les médicaments génériques. Nous sommes bien évidemment d’accord avec cet objectif économique. Malheureusement, au fil des années, l’effort réalisé par notre profession se trouve discrédité.
Au départ, il nous a fallu défendre ce choix auprès de nos patients pour leur faire admettre l’équivalence d’efficacité des présentations princeps et génériques. Pourtant, au fur et à mesure des mises sur le marché de ces derniers, une certaine opacité autour des génériques nous est apparue de façon de plus en plus flagrante. Pourquoi est-il toujours aussi difficile d’obtenir les dossiers de ces médicaments ? Quant à la définition du générique autorisant des différences de forme, de composition ou de dosage, ne conduit-elle pas à un manque de rigueur ? En effet la mise sur le marché de génériques totalement identiques aurait été la solution la plus fiable, permettant d’éliminer certaines questions revenant régulièrement, notamment celle du devenir de la marge de tolérance de la biodisponibilité après une absorption au long cours, et/ou chez des personnes polymédicamentées, et/ou plus âgées (donc potentiellement à risque de métabolisme rénal ou hépatique altéré) ?
Certains accidents sont d’ailleurs venus confirmer des différences pressenties entre princeps et génériques (nous pouvons citer les exemples de l’acide valproïque, de la lamotrigine ou encore de la lévothyroxine). Dernièrement deux études viennent à nouveau semer le trouble : la première, réalisée par des experts de la commission de transparence sur les génériques de la mébévérine, révèle que des génériques auraient un SMR jugé insuffisant ; la seconde, s’interrogeant sur la qualité des études concernant directement la bioéquivalence génériques/princeps, tend à prouver que de nombreux dossiers présentés par les génériqueurs manquent de transparence et ne respectent pas les critères imposés par les autorités de santé.
À l’embarras croissant vis-à-vis de nos patients, est venue s’ajouter une certaine opposition, parfois formulée par un « NS » systématique, de la part des prescripteurs. Demande insistante de la part de leurs patients, démarche quelque peu idéologique de certains d’entre eux aussi, mais surtout méfiance croissante quant à la fiabilité des formes génériques, en raison des effets escomptés considérablement réduits ou d’effets secondaires inattendus. Au final, l’obligation de prescrire et de délivrer des génériques ne risque-t-elle pas alors d’entraîner une augmentation de la consommation de médicaments en raison des effets secondaires observés et la disparition de présentations princeps reconnues pleinement efficaces par les patients comme par les prescripteurs (nous sommes notamment interpellés par les nombreuses interrogations sur l’efficacité de l’ésoméprazole versus Inexium) ? Face à cette réalité, il nous semble urgent que votre agence reconsidère le marché des génériques, en éliminant toutes les présentations douteuses. Seule la validation de dossiers clairs et rigoureux pour la mise en circulation de produits de qualité ne pourra que rassurer le monde de la santé : les prescripteurs retrouveront toute confiance dans les autorités de santé et les dispensateurs apporteront sans arrière-pensée leur concours à la généralisation progressive des génériques. Quant aux patients, ils ne pourront qu’être pleinement convaincus qu’accepter les génériques participe à la préservation de notre système de santé.
S’il y a des objectifs d’ordre économique à poursuivre, ceux-ci ne peuvent se faire au détriment d’objectifs de qualité en matière de santé publique. Il ne peut y avoir de bons et de moins bons médicaments, et la question d’un déremboursement sanctionnant le fabricant ne doit en aucun cas se poser. Par conséquent nous vous demandons de promouvoir au sein de votre agence un réel travail de transparence pour cette catégorie de médicaments et de permettre également à chaque professionnel de pouvoir accéder aux dossiers afin de comparer et de se forger un jugement correspondant à sa prise de responsabilité.
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