LE MÉDICAMENT n’est pas un produit anodin. C’est un message que le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) ne manque jamais de rappeler. Un message qu’il martèle à toute occasion pour éviter la banalisation d’un produit dont les effets secondaires peuvent être dramatiques. Un message qui a pourtant du mal à s’imposer à Bruxelles. Surtout à l’heure où le discours ultralibéral a le vent en poupe. « Un discours tenu et défendu par des personnes qui voit le monde comme une zone de chalandise sans limite », dénonce Martial Fraysse, président du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Ile-de-France et représentant du CNOP auprès de l’Union européenne.
Pour le successeur de José-Manuel Barroso, Jean-Claude Juncker, qui vient d’être nommé pour cinq ans président de la Commission européenne, tout l’enjeu consistera donc à savoir si le médicament doit être considéré ou non comme une marchandise comme les autres. En clair, pour les technocrates de Bruxelles, il faudra décider d’assimiler ou non les médicaments à des biens de consommation courante. Les produits bénéficiant d’une AMM (autorisation de mise sur le marché) pourraient en effet être rattachés, au sein de la Commission européenne, à la direction générale « Entreprises et industries », qui a pour mission de promouvoir un cadre favorable à la croissance des entreprises européennes, et non plus à la direction générale « Santé et Consommateurs » (DGSANCO).
Spécificités françaises contre dérégulation totale.
Une grave erreur, selon Martial Fraysse, qui voit là « la traduction de la volonté de certains de s’approprier tous les marchés sans qu’aucune régulation ne puisse plus entraver leur appétit pour le business ». Et pour ce Limougeaud installé en Ile-de-France, cette tendance dépasse la tendance ultralibérale la plus dure. Elle aboutit à « traiter sur un même plan les problématiques des fabricants de lessives et les problèmes auxquels pourraient être confrontés les laboratoires pharmaceutiques ». Et d’ajouter : « sous prétexte d’assurer l’ouverture du marché intérieur des marchandises dans l’Union européenne, de renforcer le socle industriel de l’Europe, d’encourager la croissance des PME et l’esprit d’entreprise, de promouvoir l’innovation industrielle afin de générer de nouvelles sources de croissance, de soutenir l’internationalisation des entreprises ou encore de renforcer la présence européenne dans le secteur aérospatial et celui de la navigation par satellite, cette évolution pourrait fort bien se révéler délétère pour la santé ».
Un risque dont semble prendre conscience un certain nombre d’eurodéputés, en particulier français et allemands. Un axe stratégique défendu par Martial Fraysse lorsqu’il endosse ses habits de lobbyistes pour défendre les spécificités d’un modèle sanitaire à l’abri d’une dérégulation totale. « Je préfère m’aligner sur le système allemand plutôt que sur le système anglo-saxon », explique-t-il ainsi en guise de justification. Et pour cause. « Avec le principe du vote de compromis, qui incite tous les députés d’un même pays à voter de manière uniforme, mieux vaut s’allier avec un pays important, en nombre de députés. » En particulier si ce pays a su fédérer d’autres membres de l’Union européenne (voir encadré).
« Et lorsque ces alliés de circonstance se trouvent avoir une vision assez proche de la position française, il faut savoir faire preuve de pragmatisme », ajoute Martial Fraysse. À défaut, les médicaments à prescription médicale facultative (PMF) risqueraient bien quitter les rayons de l’officine pour remplir les linéaires de la grande distribution. « Avec, à la clé, un recentrage de la lutte contre la contrefaçon sur les seuls médicaments à prescription obligatoire et un développement anarchique des ventes sur Internet ; d’autant que les acteurs important de la logistique, telle que la Poste ou UPS, disposeraient déjà de pharmaciens responsables dans leurs équipes. »
Un message que les députés européens français semblent pourtant avoir du mal à entendre, plus préoccupés par leurs querelles intestines que par la défense de la santé. Il y a pourtant urgence, car le principe de subsidiarité ne pourra suffire à préserver le modèle sanitaire français.
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