LA MOUSTACHE ne trompe pas, nous sommes bien dans une gendarmerie. C’est en effet dans l’imposant fort de gendarmerie d’Arcueil, à seulement quelques kilomètres du périphérique parisien, que siège le quartier général de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Le Colonel Thierry Bourret, maître des lieux, nous reçoit. Une poignée de mains ferme, que contredit aussitôt un sourire bienveillant surmonté de rassurantes baccantes, et l’on entre aussitôt dans le vif du sujet. « Il y a seulement 7 ans, nous n’existions pas. L’OCLAESP, créé par décret en 2004, mobilise aujourd’hui 55 personnes contre 18 à l’origine. » Une extension qui dit déjà tout du rôle croissant de cette jeune unité engagée dans la lutte contre les atteintes à la santé publique. Il faut dire que le travail ne manque pas pour ceux qui ne refusent pas le surnom de « gendarmes de la santé ». Les domaines de compétences de l’OCLAESP sont multiples mais tous concourent à protéger la santé des Français. Les protéger de quoi ? « Nous luttons contre les faux médicaments, l’exercice illégal (médecine, pharmacie), les charlatans, les trafics de produits de santé, les vols de médicaments et les détournements d’usage », énumère le Colonel Bourret, qui évoque également l’autre grande vocation de ses services, à savoir la lutte contre les pollutions environnementales et la protection de la flore et de la faune. Toutefois, insiste-t-il, plus de 50 % de l’activité de l’office porte sur les atteintes sanitaires.
De la crise de l’amiante aux fausses prothèses mammaires.
Et celles-ci sont nombreuses. En témoigne le nombre des missions assurées quotidiennement par l’OCLAESP dans ce domaine : « La crise de l’amiante, c’est nous ; l’affaire des fongicides toxiques dans les fauteuils chinois, c’est également nous. De même que l’ensemble des affaires qui relèvent de ce que nous appelons les déviances médicales. » Et le Colonel Thierry Bourret d’en détailler le volet humain : « les charlatans usurpant les titres de médecin, pharmacien ou infirmier nous occupent beaucoup. Parfois même ce sont des gens de l’art qui s’oublient à leurs obligations professionnelles. Nous avons ainsi contribué, au printemps 2010, à démanteler un vaste trafic de Rivotril organisé autour d’un pharmacien… » Quant aux produits de santé proprement dits, ils ne sont pas épargnés par le trafic. « Fausses prothèses mammaires, fausses prothèses de hanche, fausses lentilles de contact, seringues ou compresses. On trouve de tout dans les réseaux occultes du dispositif médical. »
La France plutôt préservée de la contrefaçon.
Mais curieusement, côté médicaments, c’est moins la contrefaçon que le vol, et le détournement d’usage qui occupe les gendarmes de la santé. « Notre pays est relativement protégé de la contrefaçon grâce à une chaîne de distribution légale bien cadrée et du fait de la bonne prise en charge sociale des médicaments, estime le patron de l’OCLAESP, si la contrefaçon reste très préoccupante à l’échelle mondiale, elle est ainsi très limitée sur notre territoire. » De fait, sur la centaine d’enquêtes menées par la police judiciaire en 2010, seulement cinq d’entre elles concernaient des affaires de contrefaçon. « Mais nous devons rester vigilants, car le phénomène tend à augmenter », prévient le Colonel Thierry Bourret. Pourquoi ? Parce que cette criminalité est très « rémunératrice » et moins risquée sur le plan légal que celle qui concerne les stupéfiants. « Le trafic de drogues peut coûter vingt ans au contrevenant, celui de médicaments, seulement trois ans… »
Coordination des moyens.
Le défi est d’envergure, donc, et exigeant en moyens. Pourtant, nous ne verrons dans les locaux de l’OCLAESP ni laboratoire, ni blouse blanche, ni experts informatiques penchés sur les réseaux du crime organisé. Le maître mot ici est plutôt « coordination ». Coordination entre gendarmes et policiers avant tout, mais pas seulement. L’office est en effet en contact permanent avec l’ensemble des organismes qui assurent la veille sanitaire et l’organisation des soins. « Nos relations sont constantes avec l’AFSSAPS, la DGCCRF, les laboratoires, les ordres professionnels, les services douaniers et les ARS », explique le Colonel Thierry Bourret. Quant à la cybercriminalité, elle fait l’objet d’une surveillance 24 heures sur 24 opérée conjointement par des experts gendarmes et policiers. « Au-delà, ce sont 140 000 policiers et 100 000 gendarmes qui sont informés en permanence et potentiellement mobilisés sur les affaires suivies par l’OCLAESP. » Pas de grosses structures opérationnelles, donc, au fort d’Arcueil, mais plutôt quelques experts bien choisis pour leur appui dans des domaines bien spécifiques. Marie-Dominique Furet compte parmi ceux-là. Cette pharmacienne inspectrice, qui est également juriste, est chargée à l’OCLAESP de coordonner un réseau de compétences et d’informateurs autour des questions de santé.
Plus rémunérateur, moins risqué que le trafic de drogue et tapi dans l’ombre du réseau internet, le trafic de médicaments gagne lentement mais sûrement le territoire français. Mais l’OCLAESP veille. Un autre paramètre pourrait aussi limiter l’extension de cette nouvelle criminalité. La France a en effet signé, le 28 octobre dernier, la convention Médicrime sur le crime pharmaceutique. Rédigé par le Conseil de l’Europe, ce texte vise à homogénéiser au sein de l’Union européenne le traitement pénal des trafics et déviances en ce domaine. Un texte qui doit encore être ratifié…
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %