Comment installer la confiance dans les médicaments biosimilaires ? Cette question récurrente pour toute copie de médicament dont le brevet est tombé dans le domaine public revêt une importance particulière pour les médicaments biologiques. La raison ? « Les biosimilaires ne sont pas des génériques et leurs réactions biologiques doivent être étroitement contrôlées afin de garantir une similarité avec le biomédicament de référence », explique Christelle Ratignier-Carbonneil, pharmacienne et sous-directrice du département des produits de santé de la CNAMTS.
Les médicaments biosimilaires constituent pourtant une voie d’avenir pour la pharmacie. Outre les avantages qu’ils présenteraient pour la santé publique, ils permettraient de réaliser des économies, à l’instar de leurs cousins génériques. En règle générale, ces produits sont en effet 20 % à 30 % moins chers que les produits de référence. Dès lors, selon Jean-Luc Gallais, spécialiste en médecine générale et en santé publique, « aux questions rationnelles et irrationnelles que pose naturellement tout médicament, s’ajoute une dose de suspicion liée à la notion même de low cost ». En clair les médicaments biosimilaires sont l’objet de tous les phantasmes sur leurs bénéfices et les risques qu’ils engendreraient en raison de leur prix plus bas.
D’où la nécessité de faire savoir, le plus largement possible, que leur mécanisme d’action a été démontré de manière équivalente dans le médicament original comme dans sa copie. « C’est tout l’intérêt de l’obligation de prescrire en dénomination commune internationale (DCI), qui a été prévue par loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2015 », explique Christelle Ratignier-Carbonneil.
Cacophonie
Mais encore faudrait-il que ces médicaments bénéficient de la reconnaissance à laquelle ils aspirent et que le marché puisse se développer. Or, en France, les biosimilaires pâtissent d’un sous-développement. La raison ? « Les cadres réglementaires et législatifs ne sont toujours pas favorables au déploiement de ces produits qui, par définition, disposent d’une efficacité et d’une sécurité équivalentes au médicament de référence », constate Corinne Blachier-Poisson, coprésidente du groupe de travail relatif au développement des biosimilaires au sein du conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Et Alain Olympie, directeur de l’Association François Aupetit de regretter : « la loi crée la cacophonie. »
Le législateur n’a pas su en effet instaurer un cadre serein. Selon Gilles Bonnefond, président de l’USPO, le contexte est aujourd’hui d’une rare complexité et surtout peu favorable au déploiement de ce nouveau marché. Pire ! « Loin de structurer le marché, les décisions prises récemment ont plutôt tendance à introduire le trouble. » Bien qu’aucune restriction scientifique ou médicale ne le légitime, sur les conseils de l’ANSM, la loi française, interdit ainsi l’interchangibilité qui permet à un médecin de changer le traitement de son patient du médicament biologique de référence vers le biosimilaire et vice-versa. De même la substitution qui permet à un pharmacien de changer un médicament princeps au profit de sa copie pose-t-elle problème puisqu’elle est limitée aux seuls génériques. La pression exercée sur les prix des biosimilaires, enfin, constitue un réel frein à leur développement en France et nuit même à l’attractivité du marché hexagonal, déjà handicapé par un accès difficile à l’innovation.
Il y a pourtant urgence. Selon un représentant du GEMME, la dispensation en ville de ces produits va naturellement conduire les industriels à s’adresser de plus en plus souvent aux « médecins généralistes et aux pharmaciens d’officine en leur présentant les résultats des études de phase III, et donc en leur démontrant l’efficacité et la tolérance de ces médicaments biosimilaires ». Une démarche d’autant mieux acceptée que le laboratoire concerné est reconnu comme un acteur fiable doté d’une réelle expertise dans les biotechnologies. Pas question pour autant de négliger l’aspect économique. « À l’heure où la pression financière est de plus en plus forte, les économies que permettront de réaliser ces médicaments biosimilaires représentent une source d’intérêt supplémentaire. » Un argument qui devrait également inciter les uns et les autres à se donner les moyens de développer les médicaments biosimilaires. Et donc à créer les conditions favorables à leur implantation. Comment « En suscitant une véritable confiance auprès des patients et des professionnels de santé via un cadre réglementaire clair qui permette l’interchangeabilité et ne fasse pas allusion à la substitution. »
Informer pour convaincre
Ces médicaments qui ont des propriétés physico-chimiques et biologiques similaires, la même substance et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence pâtissent d’un manque de confiance criant. Un comble, deux ans après que le Parlement eut voté un article de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour favoriser leur développement. Une situation qui, toutefois, ne surprend pas Corinne Blachier-Poisson, puisque cet « article 47 de la LFSS 2014 a été voté sans aucune concertation et ne constitue en aucun cas une réponse satisfaisante ».
Il serait temps désormais de poser la question des moyens à mettre en œuvre pour instaurer un climat de confiance dans ces produits et développer ce marché. Car, à l’instar de ce qui s’est passé pour les génériques, sans incitation pour les professionnels de santé, il y a peu de chance de voir ce marché progresser. Pas question, toutefois, de mettre en place une politique calquée sur celle des génériques. « Ne pas tenir compte de l’avis des consommateurs et des prescripteurs et ne mettre en avant que le seul intérêt économique, constitueraient autant d’erreurs qui pourraient être fatales au développement des biosimilaires », explique Alain Olympie, directeur de l’Association François Aupetit.
Pour les patients, il est ainsi indispensable de démontrer le bénéfice collectif de ces produits. Les modalités d’administration doivent être équivalentes afin de proposer aux patients un même confort d’utilisation car « il n’est pas question de changer de traitement, ni même de diversifier l’offre thérapeutique puisqu’il s’agit de la même molécule et que le patient s’inscrit dans une même logique thérapeutique », ajoute Alain Olympie.
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