Une campagne de communication lancée cette semaine vise à prévenir et informer sur les risques liés à la « soumission chimique » dans la sphère privée. Baptisée « M'endors pas », l'initiative pointe un phénomène objectivé depuis 2003 par des enquêtes annuelles menées par l'agence du médicament.
Pour les initiateurs de la campagne véhiculée via le hashtag #MendorsPas, il fallait aller au-delà de l'avertissement sur les dangers de la « drogue du violeur » versée par un inconnu dans un verre lors d'une soirée en discothèque. Car si ces méfaits ont été largement médiatisés ces dernières années - et à juste titre -, la « soumission chimique » à l'intérieur même de la sphère privée reste encore mal connue du public… et parfois même, des professionnels de santé. Ce phénomène, qui frappe essentiellement les femmes (9 cas sur 10) serait en effet largement sous-estimé. Notamment parce que la grande majorité des victimes sont droguées à leur insu. Elles évoquent des trous de mémoire, une grande fatigue, mais peinent à comprendre pourquoi. Elles consultent, réalisent des examens médicaux, mais rarement des analyses toxicologiques. Les médecins doivent être mieux formés à décrypter ces tableaux atypiques.
Caroline Darian, l'une des responsables de la campagne « M'endors pas », veut ainsi lever le voile sur ce fléau trop souvent ignoré. Elle a elle-même découvert que son père avait drogué sa mère pendant 10 ans, pour abuser d'elle et la livrer, inconsciente, à d'autres hommes. Il est actuellement en détention provisoire.
« Si un premier état des lieux, datant de 1997, a permis d'identifier le phénomène alors qualifié de " soumission médicamenteuse ", une enquête annuelle et prospective menée par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est institutionnalisée depuis 2003. Celle-ci recense chaque année les molécules utilisées par les agresseurs, le profil des auteurs et leur mode opératoire », explique au « Quotidien » le Dr Leila Chaouachi, pharmacienne au centre d'addictovigilance de Paris (AP-HP) et responsable de cette étude. Chaque année, plusieurs centaines de cas d'« agression facilitée par les drogues » sont ainsi recensées : 539 en 2020, et 727 en 2021.
Pour l'agence sanitaire, ce suivi permet bien sûr de mesurer l'incidence de la « soumission chimique », mais aussi de suivre les nouvelles tendances d'usage qui y sont associées. « Nous observons que le nombre des cas notifiés a notamment augmenté avec la libération de la parole favorisée par les hashtags du type #balance_ton_bar, mais aussi et surtout parce qu'on est plus à l'écoute du phénomène », fait remarquer le Dr Leila Chaouachi.
Ce que fait l'ANSM de cet état des lieux ? Elle assure avant tout une surveillance permanente de ces pratiques, mais elle émet aussi des propositions visant à limiter les détournements. « La modification des conditions de prescription et de délivrance des produits détournés est l'une des solutions apportées, rapporte la pharmacienne. L'agence fait aussi parfois rajouter des colorants dans certaines spécialités, comme cela a été le cas pour les gouttes de Rivotril (colorant bleu) ou, autrefois, pour le Rohypnol (vert). »
À noter enfin que si dans la grande majorité des situations, l'agresseur a profité de la vulnérabilité d'une personne qui avait consommé volontairement des substances, on ne peut parler de « soumission chimique vraisemblable » que dans 11 % des cas, la victime étant droguée à son insu, le plus souvent avec des sédatifs, notamment des anxiolytiques et des hypnotiques. C'est la concomitance entre un symptôme et certains éléments matériels qui peut conduire la victime à s'interroger, souligne le Dr Chaouachi : « par exemple, "j'ai un black-out depuis le dîner et je me réveille dénudée" », explique-t-elle.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %