En janvier 2016, Lilly et Boehringer Ingelheim commercialisaient ensemble le premier biosimilaire de l’insuline glargine, l’Abasalgar. Après des débuts qualifiés par Lilly de « difficiles », ce médicament représente aujourd’hui 15,5 % des prescriptions d’insuline glargine 100, avec toutefois une forte différence entre l’hôpital (46,1 % des prescriptions) et la ville (14,1 %).
Économiste de la santé à l’ESSEC, le Pr Gérard de Pouvourville souligne que les biosimilaires permettent une baisse de prix de 40 % en ville et de 50 à 60 % à l’hôpital par rapport aux princeps. Lancé en janvier 2015, l’Infliximab a atteint un taux de pénétration de 37 % sur la période 2015-2017. Cela a permis à l’assurance-maladie d’économiser près de 118 millions d’euros par rapport au princeps. Si l’on extrapole ce taux aux autres biosimilaires d’anticorps monoclonaux mis sur le marché depuis 2015, on obtient une économie cumulée de 1,2 milliard d'euros, dont 585 millions pour la ville. Les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à multiplier les incitations à leur prescription, poursuit Gérard de Pouvourville, mais il n’en reste pas moins que si les biosimilaires « bondissent » à l’hôpital, ils restent trop timidement prescrits en ville. Les dispositions prises en leur faveur devraient selon lui concerner plus fortement la ville, et l’on peut se demander s’il faut, « comme pour le générique, donner plus de poids au pharmacien d’officine ».
Réticences
« La substitution n’est pas à l’ordre du jour du ministère », constate toutefois Dominique Lévêque, pharmacien hospitalier au CHU de Strasbourg, en rappelant que « le médicament biosimilaire présente la même efficacité, la même qualité et la même sécurité que le médicament biologique de référence, avec des bénéfices et des risques comparables ». Il souligne par ailleurs l’importance de mieux informer les médecins sur ces produits, car certains restent réticents en raison du poids des habitudes, ou par manque de connaissance de l’évolution des modalités de prescription. Pour le Pr Jean Doucet, diabétologue et président du Comité du médicament du CHU de Rouen, le succès des biosimilaires, et celui de l’insuline en particulier, passe par une confiance accrue entre les médecins, les pharmaciens et les patients. Si les médecins peuvent changer les prescriptions au profit d’un biosimilaire en cours de traitement, il estime qu’il vaut mieux prescrire ces derniers en première intention : « lorsqu’il est bien équilibré, le diabétique est attaché à son insuline, si bien qu’un changement réclamera beaucoup de pédagogie », souligne-t-il. Il importe dans tous les cas de dialoguer avec le patient, afin de préserver un climat de confiance indispensable au succès.
Enfin, conscients que « les officinaux sont furieux de la non-publication du décret qui permettrait la substitution des biosimilaires », les intervenants s’interrogent sur la prudence des pouvoirs publics dans ce domaine. Faut-il y voir la volonté d’éviter des polémiques comparables à celles qui ont entravé le développement des génériques, notamment en termes de qualité et d’équivalence ? Pourtant, constatent les conférenciers, on ne sent aucun « mouvement anti biosimilaire » dans le pays, et la problématique de ces médicaments est différente de celles des médicaments classiques. Reste que beaucoup de médecins, sans rejeter la substitution officinale, estiment que si celle-ci se fait, elle devra se limiter à un seul produit, pour éviter les changements fréquents qui déroutent déjà leurs patients avec les génériques.
D'après une rencontre organisée par les Laboratoires Lilly dans leur usine de Fegersheim, près de Strasbourg.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %