Bien qu’une grande partie de la population ait acquis une forme d’immunité contre le SARS-CoV-2, elle reste sous la menace de variants dont les sélections des mutations ont pour but de permettre au virus d’échapper au système immunitaire. « Depuis quelques mois, on observe une tendance qui s’accélère : parmi les sous-lignages qui co-circulent dans le monde, il y a des mutations récurrentes ou convergentes, qui ont l’air d’avoir lieu toujours aux mêmes positions. Notre hypothèse c’est que, bien que les mutations apparaissent totalement au hasard, elles sont sélectionnées parce qu’elles permettent au virus d’être moins bien reconnu par le système immunitaire et donc de continuer à se transmettre », explique Étienne Simon-Lorière, virologue et directeur de l’unité de recherche et d’expertise épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur.
Il en va ainsi du sous-lignage BA.2.75 (issu d’Omicron BA.2), de BA.4.6.3 (issu d’Omicron BA.4) et de BQ.1.1 (issu de BA.5). Non seulement l’immunité acquise perd en efficacité, mais les traitements ciblant la Spike, protéine qui draine toutes ces mutations, subissent le même sort. « C’est tout le problème, cette évolution impacte nos outils de protection de la population, en particulier les anticorps monoclonaux utilisés chez les personnes immunodéprimées pour qui la vaccination est peu ou pas efficace. En effet, à mesure que les variants préoccupants sont apparus, les anticorps monoclonaux, qui bloquaient très efficacement le virus originel, ne pouvaient plus neutraliser efficacement le virus et ils ont été retirés de l’arsenal thérapeutique », ajoute Étienne Simon-Lorière. Et de citer le cas de BQ.1.1 qui « n’est neutralisé par aucun anticorps monoclonal sur le marché ».
Bloquer le virus
L’une des solutions ne serait-elle pas de développer des traitements ciblant une autre protéine que la Spike, puisque celle-ci est très sujette aux mutations ? C’est la question posée par le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux. Réponse : Les traitements, tout comme les vaccins, ont tendance à choisir cette cible parce que « la protéine Spike c’est la surface du virion, c’est l’interface avec le système immunitaire et donc avec nos cellules ; bloquer la surface du virus est le plus efficace pour bloquer l’entrée du virus. » Il existe bien d’autres protéines à la surface du virus, reconnaît Étienne Simon-Lorière, mais elles sont « beaucoup moins nombreuses, plus souvent cachées », et les cibler serait moins efficace car « ce ne sont pas ces protéines qui médient tout l’aspect attachement, fusion et entrée dans la cellule ». En résumé, cibler la Spike est « certainement le moyen le plus efficace même si c’est aussi le plus sensible au risque d’évolution du virus ».
Plutôt que de cibler une autre protéine, les chercheurs espèrent réussir à identifier « des morceaux de la Spike suffisamment stables, parce que cruciaux pour le fonctionnement du virus, qui ne changent pas ou peu au cours du temps et qu’on puisse utiliser pour bloquer le virus malgré son évolution ». Une option également privilégiée par l'EMA qui suit de près les recherches en cours et s'inquiète du décalage entre le temps nécessaire au développement d'un nouveau médicament et la rapidité de mutation du SARS-CoV-2. Dans ce cadre, des réflexions sont en cours pour tenter de réduire au maximum le processus d'approbation d'un nouvel anticorps monoclonal indiqué dans le Covid-19. À ce jour, aucun traitement de ce type ne fait l'objet d'une évaluation continue ou d'une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM).
Saut évolutif
En attendant une telle découverte, la surveillance du virus se poursuit, ne serait-ce que pour vérifier l’efficacité au fil du temps et des mutations, non seulement des traitements et vaccins, mais aussi des outils de détection et de dépistage. Le but d’Étienne Simon-Lorière est aussi de résoudre l’énigme de l’apparition des variants préoccupants, ceux-ci ne respectant pas la règle de l’accumulation progressive de mutations mais émergeant d’un saut évolutif « absolument impossible à prédire ». L’hypothèse privilégiée à ce stade serait que les variants préoccupants sont issus de personnes immunodéprimées qui ont été longuement infectées et chez lesquelles le virus s’est répliqué de nombreuses fois, a fait des erreurs et a cumulé des mutations. Une hypothèse soutenue par le séquençage du génome du virus chez quelques personnes immunodéprimées et infectées, qui a démontré une forte accumulation de mutations apparues entre le début et la fin de l’infection.
« J’en conclus qu’on laisse trop circuler le virus, car à chaque fois qu’il infecte une personne, il a la capacité à muter et ces mutations peuvent affecter certains de nos traitements. » Quant à une immunité collective, mieux vaut ne pas compter dessus, précise Étienne Simon-Lorière : « Ce serait envisageable avec des taux de transmission beaucoup plus bas, mais actuellement nous ne sommes pas dans une course qu’on peut gagner, le virus circule beaucoup trop vite. »
Source : Journée scientifique organisée par l'Institut Pasteur, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur. Cet article est le tout premier d'une série à découvrir chaque semaine, issu de ce colloque : " Épidémies, pandémies : une histoire sans fin ".
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