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Vaccins Covid : ce que l’on sait déjà

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Publié le 17/11/2020
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Un vaccin efficace à 90 %. C’est l’annonce conjointe de la biotech allemande BioNTech et du mastodonte américain Pfizer faite le 9 novembre dernier sur la base des données intermédiaires d'une étude de phase 3. Sur la seule foi d’un communiqué des deux laboratoires, les scientifiques restent prudents. Ils attendent les résultats définitifs de l’étude et la publication des données détaillées. Mais se réjouissent aussi : cette annonce est la première preuve qu’un vaccin contre le Covid-19 est en passe d'aboutir, et cela à court terme.

L'ARN messager sera-t-il la première brique du mur qui nous protégera du SARS-Cov-2 ? (ARNm figuré ici en orange quittant le noyau d'une cellule)

L'ARN messager sera-t-il la première brique du mur qui nous protégera du SARS-Cov-2 ? (ARNm figuré ici en orange quittant le noyau d'une cellule)
Crédit photo :  3Dciencia Andrade/SPL/PHANIE

• Quel est ce vaccin développé par Pfizer et BioNTech ?

Le BNT162b2 est un vaccin à ARN messager (ARNm), c’est-à-dire qu’il utilise des morceaux de matériel génétique modifié. Il sera le premier vaccin de ce type s’il est commercialisé. Les vaccins actuels consistent à présenter un pathogène (inactivé ou atténué) ou une protéine (antigène) à l’organisme de façon à ce qu’il reconnaisse la menace et fabrique les anticorps dédiés pour pouvoir se défendre en cas d'intrusion. Avec l’utilisation de l’ARNm, il s’agit de présenter des brins génétiques qui donnent les instructions aux cellules pour qu’elles fabriquent un antigène spécifique du SARS-CoV-2. Un leurre qui provoquera ensuite la production d’anticorps. Inutile donc de cultiver le pathogène pour l’intégrer au vaccin, l’ARNm donne les informations sur la protéine virale qui va devenir la cible de la réponse immunitaire. En résumé : c’est l’organisme qui produit son vaccin sur la base des instructions fournies par l’ARNm. Le BNT162b2 est issu d’un accord passé entre Pfizer et le spécialiste de la technologie de l’ARNm BioNTech le 17 mars dernier.

• Une efficacité à 90 % est-elle de bon augure ?

Oui, c’est un taux élevé pour un vaccin, bien au-delà de l'objectif des 50 % d'efficacité fixé par l'OMS pour la recherche d'un vaccin contre le SARS-CoV-2. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens pour présager de la future efficacité de ce candidat vaccin. La mesure correspond en effet au moment où les personnes vaccinées sont au pic de leur immunité, soit 7 jours après la 2e dose vaccinale. Mais il faut maintenant connaître la durée de cette immunité. Certains vaccins déclenchent une longue immunité de plusieurs années, comme ceux contre la rougeole ou la fièvre jaune, d’autres, une immunité courte, de quelques mois, comme ceux contre la grippe. Ce taux d’efficacité de 90 % a été calculé en comparant le nombre des personnes infectées dans le groupe ayant reçu les deux doses vaccinales à celui relevé dans le groupe placebo. À ce jour, 94 des 43 538 participants à cet essai international ont été contaminés par le SARS-CoV-2. Pfizer et BioNTech précisent qu’il est nécessaire d’atteindre au moins 164 contaminations pour consolider ce niveau de protection. Même si ce taux venait à baisser à 80 ou 75 % dans les résultats définitifs, il s’agirait toujours d’une efficacité élevée, relèvent des experts.

• Ce vaccin est-il sûr ?

Pfizer et BioNTech précisent qu’à ce stade, « aucun problème sérieux » n’a été observé, mais ils continuent à rassembler des données de sécurité et de tolérance. L’accélération de la recherche ne facilite pas la prise de recul. Être capable de proposer un vaccin en 10 mois au lieu de 10 ans, alors que la seule phase 3 des essais dure habituellement entre 3 et 5 ans, peut poser question puisque la production de données de sécurité et d’innocuité est forcément réduite. Ce qui, selon les scientifiques, imposera d’une part d’utiliser le futur vaccin très progressivement lorsqu’il sera autorisé, et d’autre part de s’appuyer sur la pharmacovigilance pour détecter les effets indésirables en vie réelle. Une prudence qui pourrait jouer sur l’acceptation du vaccin par les populations. Selon un récent sondage IPSOS, seulement 54 % des Français sont prêts à se faire vacciner contre le Covid.

• À quelle date ce vaccin pourrait-il être disponible ?

L’annonce faite le 9 novembre par Pfizer et BioNTech s’appuie sur les résultats intermédiaires d’une étude de phase 3, dernière étape avant le dépôt d’une demande d’homologation. Une demande d’autorisation d’utilisation en urgence auprès de l’agence du médicament américaine (FDA) peut intervenir au terme de deux mois d’observation après la dernière injection reçue pour au moins la moitié des volontaires inclus dans l’étude, en l’occurrence à partir de la 3e semaine de novembre. Selon Anthony Fauci, le « Monsieur Covid » américain, cela signifie que les premières doses de ce vaccin pourraient être administrées dès fin novembre ou début décembre. L’Agence européenne du médicament (EMA) est aussi dans les starting-blocks et étudie les vaccins en développement en temps réel, sans attendre le dépôt des dossiers. Après l’autorisation de l’EMA, les autorités sanitaires de chaque pays européen doivent encore donner leur accord (souveraineté nationale en matière de santé). Ce vaccin pourrait donc être disponible en France, au plus tôt, au premier trimestre 2021.

• À quel prix ?

Bien que son prix ne soit pas arrêté, il est estimé entre 23 et 30 dollars la dose (entre 19 et 25 euros). De par leur technologie nouvelle, les vaccins à ARNm, affichent des prix plus élevés. C'est le cas de celui développé par le laboratoire américain Moderna qui devrait se vendre aux alentours de 30 dollars (25 euros). Par comparaison, le vaccin de Sanofi/GSK, qui repose sur la technologie à base de protéines recombinantes, coûtera « moins de 10 euros » la dose, a promis le président de Sanofi France. Seul AstraZeneca s’est engagé à fournir son futur vaccin à prix coûtant durant la pandémie, soit à 2 euros la dose.

• À qui sera-t-il destiné ?

Les résultats présentés le 9 novembre ne sont pas détaillés mais l’essai de phase 3 inclut 43 538 volontaires dont 38 955 ont reçu le vaccin en deux doses à environ trois semaines d’intervalle, l’autre groupe ayant reçu un placebo. Cet essai a recruté une large population incluant des plus de 65 ans, des personnes présentant des comorbidités, des minorités ethniques et des jeunes de 12 à 18 ans, de façon à déterminer l’efficacité dans ces différents sous-groupes. Les prochaines données seront essentielles pour orienter le candidat vaccin vers les bonnes cibles. Toutefois, il n’est pas sûr qu'à ce stade les résultats seront statistiquement parlants pour réaliser une différenciation entre les sous-groupes. Elles seront complétées lors de l’utilisation « en vie réelle ».

C'est en fonction de la réponse vaccinale dans les différents sous-groupes que chaque pays déterminera sa propre stratégie d'immunisation. En France, la Haute Autorité de santé a publié, le 9 novembre, des recommandations intermédiaires qui doivent être consolidées d’ici à début 2021. A priori, les professionnels de santé devraient être prioritaires, suivis des personnes à risque de formes graves. En revanche, la HAS n’envisage pas de rendre cette vaccination obligatoire.

• Qui pourra vacciner ?

Si la HAS conseille d’emblée d’élargir les compétences vaccinales des pharmaciens pour optimiser la couverture vaccinale dans les populations cibles, il est à ce jour difficile d'affirmer qu'ils pourront administrer ou délivrer le BNT162b2. L’une des particularités des vaccins à ARNm est en effet de devoir être conservés à très basse température, soit entre -70 et -80 °C. Ce qui a contraint les laboratoires à mettre au point des boîtes remplies de glace sèche équipées d'un GPS et d'un thermomètre pour le transport des vaccins. Pfizer et BioNTech ont précisé, le 10 novembre, que leur vaccin devait bien être conservé à cette température sur la durée, mais avec une souplesse : la température de conservation pourrait être ramenée à -20 °C 15 jours avant administration. Puis à une température comprise entre 2 et 8 °C cinq jours avant administration. Si cette précision permet d'envisager l'administration de ce vaccin à l'officine, le défi logistique est de taille. Le PDG de BioNTech ajoute que des études sont en cours pour déterminer si la conservation à une température de 2 à 8 °C pourrait être supérieure à 5 jours. Les résultats sont attendus en décembre.

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a indiqué jeudi que la France s'était déjà équipée de « 50 supercongélateurs qui permettent de stocker à -80 °C », qui « seront reliés à des alarmes et entreposés dans des endroits sécurisés à partir desquels des équipes pourront se déployer pour alimenter les personnes amenées à vacciner ».

• Quelle quantité de vaccins contre le Covid-19 pour la France ?

Contrairement à la pandémie de grippe A (H1N1) de 2009, l’Union européenne a cette fois joué le rôle de centrale d’achat des futurs vaccins. Sa précommande de 300 millions de doses du vaccin BNT162b2 de septembre dernier a été confirmée le 11 novembre. S’y ajoutent des commandes allant respectivement jusqu’à 400 millions de doses pour les vaccins d’AstraZeneca et de J & J, 300 millions de doses pour le vaccin co-développé par Sanofi et GSK et 225 millions de doses pour celui de CureVac. Ces doses seront réparties entre les différents États membres au prorata de leur population.

De leur côté, Pfizer et BioNTech assurent pouvoir fournir un total de 50 millions de doses en 2020 et jusqu’à 1,32 milliard de doses en 2021.

Par ailleurs, Bercy a rappelé le 9 novembre avoir budgétisé 1,5 milliard d'euros pour l’achat de futurs vaccins, ce qui devrait permettre environ « 35 millions de vaccinations » en France.

• D’autres vaccins sont-ils aussi avancés que le BNT162b2 ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 48 candidats vaccins sont évalués dans le cadre d’essais cliniques sur l’homme à travers le monde, dont 11 sont en phase 3, le stade le plus avancé. Les résultats intermédiaires du vaccin développé par Moderna en collaboration avec le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) ont été promis « pour Thanksgiving », donc d'ici au 26 novembre. Il s’agit là aussi d’un vaccin à ARNm en deux doses, dont l’essai de phase 3, qui inclut 30 000 volontaires, a commencé le même jour que celui mené par Pfizer et BioNTech, soit le 27 juillet dernier. Le 12 novembre, Moderna a annoncé qu'il commençait l'analyse des données intermédiaires comptant plus de 53 cas positifs au Covid. Il semble logique que les vaccins à ARNm soient les plus avancés, leur production est rapide car elle ne nécessite pas de cultiver des pathogènes au préalable.

Parmi les autres vaccins en phase 3, on trouve plusieurs candidats chinois, le vaccin développé par l’université d’Oxford et AstraZeneca, ainsi que le candidat russe Spoutnik V. Le Fonds souverain russe et l’institut de recherche Gamaleïa ont annoncé le 11 novembre que ce vaccin à vecteur viral en deux doses était efficace à 92 %, sur la base de 20 cas positifs relevés parmi les 40 000 participants à l’essai clinique de phase 3.

D’autres annonces sont attendues dans les jours à venir.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien