LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Qu’est-ce qui a amené le pharmacien que vous êtes à s’engager sur les voies de la phytothérapie puis de l’alchimie ?
PASCAL LAMOUR.- Dans ma famille, la transmission est naturelle. En dehors des livres, il existe une connaissance orale, un savoir ancestral communiqué depuis des générations comme un mode de vie, modèle immuable disponible comme la terre sur laquelle les pas des ancêtres s’aperçoivent encore. Marqué par la manière traditionnelle de soigner les hommes, j’ai décidé de suivre des études pharmaceutiques pour tenter d’expliquer ou de comprendre ce monde ancien, plus empirique… C’est donc logiquement que je suis allé vers la phytothérapie, mais aussi vers la recherche d’une manière plus globale de se soigner, c’est-à-dire une médecine holistique. Appréhender la maladie et ses signes, mais aussi, et surtout, en chercher les causes. L’alchimie est venue bien plus tard, lorsque j’ai été capable de comprendre que les corps chimiques des alchimistes étaient en fait des éléments symboliques qui portaient en eux la chimie, bien sûr, mais aussi quelque chose de plus universel comme une sorte de message codé qu’il aurait fallu comprendre. On passe alors de la chimie à l’alchimie, monde au départ opératif qui est devenu ensuite spéculatif. L’alchimie, transmutation de l’individu, lui-même corps alchimique est toujours pratiquée de nos jours.
Ainsi, le savoir du pharmacien, celui que l’on acquiert par ses études, par la formation continue ou par son expérience est-il une chose nécessaire et essentielle, mais certainement pas suffisante. La connaissance est ailleurs, au-delà de tous les savoirs. C’est un chemin permanent et personnel, une quête infinie comme celle de la druidesse Arthmaëlla, héroïne du livre « à la recherche de la Mandragore ». Il faut donc compléter et éprouver cette base scientifique solide et être curieux à chaque instant.
Comment parvenez-vous à concilier les savoirs traditionnels et leur part d’irrationnel et les sciences pharmaceutiques ?
La démarche scientifique, qui propose des lois et permet de les vérifier a été nécessaire pour faire avancer la pensée. Elle a permis de lutter contre l’obscurantisme et de proposer des nouvelles molécules très utiles à l’amélioration de la santé de l’humanité. C’est une avancée fondamentale, et la pharmacie en est grandie. On remarque cependant que tout n’est pas explicable, qu’il y a des confusions graves entre la science et l’industrie (cf. le cas du Médiator). Enfin, il ne faut pas oublier que de nombreuses découvertes sont issues de l’observation et de l’expérience de la tradition ; que ce soit en matière de phytothérapie ou de pharmacie allopathique (cf. les taxols de l’If par exemple). Les savoirs traditionnels ont justement cette partie riche, inventive et originale qui permet à la science de partir vers l’expérimentation et dans certains cas vers des découvertes de première importance. Les résultats apportés par la phytothérapie sont réels même si toutes les recherches n’ont pas encore été pratiquées. Un monde entier s’ouvre à nous et les traditions attireront toujours l’attention des chercheurs.
Qu’est-ce qu’être druide aujourd’hui ?
Dans l’antiquité, le druide était le personnage fondamental, au sens philosophique et sacerdotal de la société celtique, c’est-à-dire des peuples qui parlaient une langue celtique. Il nous est largement connu par les témoins de l’époque. Ses connaissances ont continué à apparaître en filigrane : par les Bardes, mais aussi par les moines chrétiens après que le catholicisme s’est implanté en Gaule. Aujourd’hui, le druide tente d’acquérir la sagesse en pratiquant un ésotérisme original par le biais d’une initiation, puis de cérémonies annuelles. Proche de la nature qu’il doit respecter, mais aussi du peuple qui l’entoure, sa vocation sacerdotale est conservée, mais il se doit aussi d’acquérir les connaissances nécessaires à la pratique de la phytothérapie, du symbolisme, de l’histoire ; de pratiquer une langue celtique ou d’être le porte-parole d’une philosophie dirigée vers les Dieux de ses ancêtres. Bien entendu, le druide actuel est différent de celui de l’Antiquité, mais le druidisme est une spiritualité native qui permet à un peuple d’être en correspondance avec la terre qui le porte.
Votre livre transpose avec talent les acquis de la phytothérapie dans un univers de légende. Quelle place la magie et les savoirs légendaires ont-ils aujourd’hui selon vous dans l’art de soigner ?
Je pense que vous avez raison, soigner est un art et même un grand art. Au-delà de traiter un « patient » ou un « client », il est bon de se souvenir de la composante humaine, de la fraternité dont a besoin chacun d’entre nous. Le conte ou la légende exprime la place et la mentalité des ancêtres replaçant l’homme contemporain dans une séquence, qui fait partie d’un temps très long… générations et générations de couleurs, de rêves et de symboles. Écouter les légendes est déjà une thérapeutique en soi. Trouver ses racines, comprendre les mots de son clan, sans pour autant être assis dans l’âtre d’une cheminée mythique, est bénéfique pour l’équilibre de l’homme. Il ne s’agit pas de communautarisme, mais de la sagesse essentielle d’une époque encore proche.
Les légendes ont permis à l’homme d’échapper à son triste quotidien. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? L’heure des réseaux sociaux a sonné, rendant à chacun la capacité de correspondre avec l’homme de l’autre bout de la planète. Mais finalement n’est-ce pas s’éloigner à chaque fois des paroles de la liberté, de la trace intime de la vérité, trame logique des contes et légendes pour ceux qui la recherchent. Par les mythologies comparées, ou par leurs études, les psychanalystes ont sondé les tréfonds des mondes légendaires. Ils ont fait émerger les qualités profondes de cet univers trop longtemps remisé au rang de formes culturelles poussiéreuses, et pourtant si précieuses. Les légendes ont encore beaucoup à nous apprendre, restons humbles s’il le faut devant une telle richesse, rêves des temps passés, et des temps à venir.
* « À la recherche de la Mandragore » de Pascal Lamour et Brucero est paru aux éditions Drugstore/Glénat, collection Beaux livres. 160 pages, 29 euros.
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