Pionniers de l’informatique en santé, les pharmaciens ont en effet été les premiers libéraux de santé à s’équiper de postes informatiques devenus, au fil du temps, indispensables à la gestion de l’officine.
Conçus « dans les années 1970, 1980, 1990 » selon Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), les logiciels métier se sont adaptés au fil du temps aux nouveaux besoins des confrères. Mais la structure de base est restée celle d’un logiciel de vente jusqu’à aujourd’hui, malgré les appels du pied des syndicats aux éditeurs de logiciel du marché officinal. C’est donc avec une satisfaction non feinte qu’ils accueillent aujourd’hui la version « ségurisée » des logiciels métier.
« Enfin ! Enfin nos logiciels vont quitter le camp du commerce pour aller dans le camp du professionnel de santé. Dans les officines, la partie espace de vente va avoir tendance à se réduire au profit de la partie services, les logiciels doivent suivre cette évolution métier », expose Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). À titre d’exemple de l’inadaptation des logiciels actuels, le syndicaliste rappelle que tous les confrères « ont pesté quand, pour la vaccination et le dépistage Covid, il a fallu sortir de nos logiciels pour aller remplir les plateformes SI-DEP et Vaccins Covid ; c’est lourd, c’est une perte de temps et aujourd’hui le temps est précieux dans nos officines ». Ce changement radical entrepris par le Ségur du numérique en santé ravit donc les syndicats. « Avec cette approche pluriprofessionnelle, et en mettant l’espace numérique de santé au cœur, on va changer radicalement d’outil, on va avoir un outil centré sur le patient », se réjouit Philippe Besset.
La transmission d’information fait partie de l'acte
Les conséquences dans le quotidien du pharmacien vont être nombreuses. « Notre première action avec la personne qui se trouve en face de nous ne sera plus un acte de vente, mais un acte d’identification. Une fois la personne identifiée, grâce à son dossier et à l’ensemble des informations qui remontent via l’intelligence artificielle de l’outil informatique, on peut aller au-delà de sa demande, et donc accroître l’activité de l’officine. Par exemple, on va savoir qu’elle a 45 ans, qu’elle n’est pas à jour de son vaccin, on va pouvoir lui proposer la vaccination parce que c’est le bon âge et qu’on a connaissance de son statut vaccinal », détaille Philippe Besset. Et ce n’est pas tout. Car, souligne-t-il, l’ensemble des nouvelles missions du pharmacien ont un lien direct avec le numérique en santé.
Fière d’avoir contribué à réduire la dépendance de l’officine, à l’industrie pharmaceutique d’une part, en basculant vers les honoraires, et au stylo du médecin d’autre part, grâce aux négociations conventionnelles, la FSPF insiste sur l’obligation, imposée par l’assurance-maladie aux officinaux, de transmettre l’information concernant l’acte réalisé dans le DMP, donc dans l’espace numérique en santé. « Si vous ne pouvez pas inscrire et transmettre dans le dossier les informations de vaccination, de dépistage, d’entretien, vous ne pouvez pas réaliser l’acte, parce que la transmission de l’information fait partie de l’acte. Et pour le faire, vous avez besoin du nouveau logiciel. » C’est la raison pour laquelle Philippe Besset appelle les confrères à passer commande au plus vite auprès de leur éditeur pour obtenir rapidement le nouveau logiciel, car « à partir du mois de janvier, il faudra être équipé pour pouvoir remplir les informations de vaccination des patients, sans quoi on ne pourra pas vacciner ». Et la rémunération associée ne pourra donc être déclenchée.
La fin des fausses ordonnances
De son côté, Pierre-Olivier Variot insiste sur la sécurisation assurée par le déploiement des nouveaux outils numériques tels l’ordonnance électronique, qui devrait permettre de mettre un terme aux fausses ordonnances ou aux prescriptions non sécurisées issues de certaines plateformes de consultation. « On connaît tous ces ordonnances qui arrivent depuis des plateformes, étrangères pour certaines, avec des patients qui nous disent avoir besoin de ce médicament, alors qu’on sait pertinemment qu’ils ont édité 40 fois la prescription et qu’ils sont allés dans 25 pharmacies différentes pour l'obtenir. Cela doit cesser. »
La e-prescription se met en place par étapes avant une généralisation prévue fin 2024. Fin septembre, le directeur de l’assurance-maladie, Thomas Fatôme, a confirmé l’échéance tout en émettant un bémol pour l’hôpital. L’ordonnance électronique pourrait y faire son entrée plus tard en raison « des conditions d’authentification individuelle différentes de la ville ». Ce que regrette Pierre-Olivier Variot, les prescriptions les plus onéreuses émanant de l’hôpital, ce sont celles à sécuriser en priorité.
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