MAIS DE QUOI parle-t-on au juste ? De fait, douleur et nociception sont deux termes différents souvent considérés à tort comme synonymes. Le terme de nociception caractérise un stimulus dont l’intensité entraîne des réactions de défense visant à sauvegarder l’intégrité de l’organisme et ne faisant pas intervenir la nature consciente de la douleur. Alors que la douleur, comme cela est rappelé dans la définition donnée par l’Association internationale pour l’étude de la douleur est « une sensation désagréable associée à une expérience émotionnelle en réponse à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en des termes signifiants une telle lésion ». En outre, cette dernière en souligne les multiples composantes : sensorielle - dite plus précisément sensoridiscriminative (permettant de détecter le stimulus et d’en analyser l’intensité), affective émotionnelle (exprimant le caractère pénible), cognitive (affectant d’autres systèmes, comme l’attention, l’anticipation, la mémoire) et une composante comportementale de mise en jeu de réactions motrices, verbales, végétatives (augmentant de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle par exemple) intervenant dans la genèse d’un processus douloureux.
La chose est donc entendue et admise, la douleur est une notion complexe, ce qui permet de comprendre que sa « maîtrise » peut l’être tout autant… Et accessoirement mobiliser diverses catégories de médicaments très différentes.
Dis-moi ce que tu ressens…
Bien que la douleur a pu être considérée, à une certaine époque, comme une entité sensorielle homogène, nous savons maintenant qu’il en existe plusieurs types : nociceptif, inflammatoire, neuropathique, fonctionnel (syndrome de l’intestin irritable, fibromyalgies, céphalée)…
Alors que la douleur aiguë est un signal d’alarme utile car protectrice (par exemple pour nous empêcher de marcher sur une jambe fracturée), quand la douleur devient chronique (par convention au-delà de 3 mois), la douleur devient une maladie par elle-même, fondamentalement nocive et pouvant conduire à un syndrome dépressif.
On classe aujourd’hui habituellement les douleurs en trois grandes catégories :
- Les douleurs par excès de nociception ou nociceptives : de loin les plus fréquentes, elles résultent de lésions des tissus périphériques, provoquant un excès d’influx douloureux transmis par un système nerveux intact. Ce sont les douleurs habituelles des traumatismes de toutes natures ainsi que des brûlures.
- Les douleurs neurogènes ou neuropathiques : ces douleurs sont liées à des lésions du système nerveux, soit au niveau périphérique (zona, section d’un nerf, amputation, neuropathie diabétique ou alcoolique…), soit au niveau central (traumatisme médullaire, accident vasculaire cérébral…) ; les neurones lésés deviennent alors hyperexcitables par défaut d’inhibition. Elles peuvent être spontanées (en l’absence de tout stimulus) ou paroxystiques (douleurs fulgurantes) et aussi résulter d’un stimulus normalement non douloureux (comme un courant d’air ou un effleurement). Les sensations ressenties sont à type de fourmillement, brûlures, picotements, broiement, décharges électriques, élancements, coups de poignard.
- Les douleurs psychogènes : cette catégorie regroupe toutes les douleurs non classées dans les deux catégories précédentes. Il s’agit de douleurs sans lésion apparente, malgré un bilan médical approfondi.
En fait, il convient d’y ajouter un type de douleurs très particulier, à savoir les douleurs cancéreuses, qui peuvent présenter à la fois des composantes nociceptives, neurogènes et psychogènes.
Gravir l’escalier par paliers.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a élaboré une échelle thérapeutique antalgique concernant les douleurs nociceptives ; celle-ci ne s’applique pas à tous les syndromes douloureux chroniques, comme les céphalées ou les douleurs musculaires, par exemple.
Le but est d’obtenir une analgésie rapide, ce qui influe sur le choix de la (ou des) molécule et son mode d’administration. La thérapeutique antalgique doit, bien entendu, correspondre à la fois à l’intensité de la douleur et au tableau clinique (une migraine ne se calme pas avec de la morphine !).
Deux attitudes sont possibles selon le cas d’espèce : essayer successivement plusieurs produits ou associations, à posologie croissante (progressivité très recommandée chez les patients âgés chez qui les effets indésirables sont plus fréquents) ou d’emblée maximale, de paliers croissants ou directement des médicaments du palier II ou du palier III. Point clé : la situation doit être réévaluée en tenant compte du délai d’action de l’antalgique et de la voie d’administration
- Palier I : douleurs légères à modérées. La stratégie recommandée est d’employer des antalgiques non morphiniques, autrement dit le paracétamol, l’aspirine, l’ibuprofène et les anti-inflammatoires non stéroïdiens en général. À noter que le néfopam, un antalgique central non morphinique (dont la structure chimique, très originale, est proche de l’orphénadrine – un antiparkinsonien – et de la diphénhydramine – un antihistaminique H1, ce qui explique ses effets indésirables anticholinergiques), est classé dans le palier I tout en ayant une puissance analgésique correspondant à des produits de palier II.
- Palier II : douleurs modérées à intenses. C’est le domaine des antalgiques centraux opioïdes faibles (qui exercent un faible effet dépresseur respiratoire), codéine et tramadol, éventuellement associés à des produits du palier I (en l’occurrence le paracétamol), un antispasmodique ou à un corticoïde en cure courte.
Signalons à ce sujet que le tramadol a été placé l’année dernière sous surveillance par l’AFSSAPS (devenue ANSM) en raison de ses effets indésirables parfois sévères (vomissements, désorientation, troubles du sommeil…), ainsi que d’un risque d’accoutumance et de mésusage à type d’addiction.
- Palier III : douleurs intenses à très intenses. Les produits utilisés sont les antalgiques centraux opioïdes forts, morphine et ses dérivés (fentanyl, oxycodone, buprénorphine, nalbuphine…), volontiers associés aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, aux corticoïdes en cure courte, voire à certains antidépresseurs.
La panoplie anti-neuropathique.
Les produits les plus actifs sont représentés par les antidépresseurs tricycliques/imipraminiques (amitriptyline, clomipramine, imipramine…), ou sérotoninergiques (paroxétine…) et certains antiépileptiques (carbamazépine, gabapentine, prégabaline…). À noter que le tramadol semble avoir parfois une certaine efficacité.
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