L’offre en antidiabétiques ouvre des possibilités nombreuses de combinaisons pharmacologiques. On en distingue trois groupes très largement dominés par des médicaments actifs par voie orale (à l’exception des agonistes du récepteur GLP-1R) :
- Insulino-sensibilisateurs. Ce groupe ne comprend en France qu’un seul médicament : la metformine.
- Insulino-sécréteurs. Ciblant directement les cellules bêta pancréatiques - du moins si elles demeurent fonctionnelles -, ces médicaments appartiennent à plusieurs familles : incrétinomimétiques (gliptines ou iDPP4, agonistes GLP-1), sulfamides hypoglycémiants = sulfonylurées, glinides.
- Inhibiteurs des alpha-glucosidases. Cette famille regroupe l’acarbose et le miglitol.
Metformine. Ayant une action avant tout extra-pancréatique, la metformine (Glucophage, Stagid, in Glucovance) réduit l’insulinorésistance hépatique et musculaire sans modifier l’insulino-sécrétion et retarde l’assimilation du glucose comme celle des lipides au niveau de l’intestin. Elle diminue la néoglucogénèse hépatique comme la glycogénolyse et augmente la sensibilité à l’insuline in vivo. Prescrite en monothérapie, la metformine ne donne pas lieu à hypoglycémie chez patient DT2 (puisqu’il n’y a pas action sur l’insulinosécrétion).
Elle est administrée à la dose de 1 à 3 g/j en monothérapie ou en association à d’autres antidiabétiques y compris l’insuline. C’est le seul antidiabétique capable, en monothérapie, de réduire la mortalité cardiovasculaire dans le DT2. Un phénomène d’échappement rend indispensable une augmentation de la posologie avec le temps.
Base forte, la metformine occasionne des troubles digestifs chez 5 à 20 % des patients (douleurs et crampes abdominales, diarrhées, saveur « métallique » dans la bouche). Ces signes, qui régressent généralement avec le temps, sont minimisés par l’instauration progressive du traitement et son administration en fin de repas.
Insuffisance hépato-cellulaire et insuffisance rénale (< 30 ml/min) constituent une contre-indication formelle à la metformine.
Incrétinomimétiques. Issues du clivage d’un polypeptide, le proglucagon, les incrétines sont essentiellement synthétisées par les cellules L et K intestinales. Ces peptides ont une fonction hormonale et neurotransmettrice. On distingue le GIP (Gastric inhibitory peptide = Glucose-dependant insulinotropic peptide) et le GLP-1 (Glucagon-like peptide-1), dont il existe de nombreuses formes.
Les incrétines se lient à des récepteurs spécifiques (GIPR et GLP-1R), exprimés dans de nombreux tissus (pancréas, estomac, muscles, cœur, poumons, cerveau, tissu adipeux, os). Elles sont dégradées par la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4), un complexe enzymatique ubiquitaire lié à la membrane cellulaire ou libre dans le sang. Elles stimulent la production d’insuline par le pancréas de façon gluco-dépendante (effet « insulinotropique »), exercent un effet insuline-like périphérique et un effet protecteur et prolifératif sur les cellules bêta du pancréas. L’effet des incrétines physiologiques est moindre chez le sujet DT2, d’où un pic insulinique réduit et retardé et une augmentation anormale de la glycémie.
Deux approches thérapeutiques ciblant la voie des incrétines ont été développées :
Celle des agonistes du récepteur GLP-1R, de structure proche de celle du GLP-1 mais qui résistent mieux à la dégradation par la DPP-4.
Celle des inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines ou iDPP4), qui, en inhibant le métabolisme des incrétines, renforcent le tonus insulinosécréteur.
- Inhibiteurs de la DPP-4 (iDPP4). Ils forment la famille des gliptines : saxagliptine (Onglyza, in Komboglyze), sitagliptine (Januvia, Xelévia, in Janumet et Velmétia) et vildagliptine (Galvus, in Eucreas). En augmentant le taux des incrétines, les gliptines améliorent le contrôle glycémique. Elles n’exposent que peu à un risque d’hypoglycémie lorsqu’elles sont administrées en monothérapie ou avec la metformine.
Ces trois gliptines disposent d'une AMM dans le DT2 en bithérapie, en association avec la metformine (si la metformine ne permet pas un contrôle adéquat de la glycémie), avec un sulfamide hypoglycémiant (si la metformine est contre-indiquée ou n'est pas tolérée et que le sulfamide à dose maximale tolérée ne permet pas un contrôle adéquat de la glycémie ; cette association nécessite le plus souvent une réduction de la dose du sulfamide pour diminuer le risque d'hypoglycémie), avec une insuline (avec ou sans metformine).
Toutes trois disposent aussi d'une AMM en trithérapie, en association à une bithérapie metformine/sulfamide ou metformine/insuline. Elles disposent enfin également d'une AMM en monothérapie, lorsque la metformine est contre-indiquée ou n'est pas tolérée (la HAS estime alors que leur service médical rendu est insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale).
L’iatrogénie, en association avec d’autres antidiabétiques, est dominée par le risque d’hypoglycémie et par des réactions d'hypersensibilité grave nécessitant l'arrêt immédiat et définitif du traitement. Des pancréatites ont été rapportées. La sitagliptine a prouvé l’absence de risque vis-à-vis de l’insuffisance cardiaque chez le patient en prévention cardiovasculaire secondaire.
Une insuffisance hépatique fait contre-indiquer la vildagliptine. L’administration n’est pas recommandée en cas d’insuffisance hépatique sévère (saxagliptine, sitagliptine). Les gliptines peuvent être administrées en cas d’insuffisance rénale en adaptant la dose selon les préconisations de l’AMM de chaque molécule.
- Agonistes du GLP-1R. Les analogues du Glucagon-Like Peptide-1 (GLP-1) sont des agonistes du récepteur GLP-1R (= GLP-1 RA). En s’y liant, ils accroissent l’insulinosécrétion par les cellules bêta du pancréas et inhibent la sécrétion de glucagon par les cellules alpha.
Dulaglutide (Trulicity), exénatide (Byetta, Byduréon), liraglutide (Victoza ; + insuline degludec = Xultophy) s'administrent par voie sous-cutanée (stylos injecteurs). Le rythme d'administration est variable : une fois par jour pour la liraglutide, une fois par semaine pour la dulaglutide, et une fois par jour ou une fois par semaine pour l'exénatide, selon que la forme est à libération immédiate (Byetta) ou prolongée (Byduréon).
Les agonistes du GLP-1R sont associés à la metformine et/ou à un sulfamide lorsque ces traitements ne sont pas suffisamment actifs aux doses maximales tolérées, retardant ainsi le recours à une insulinothérapie. Ils peuvent être utilisés aussi en trithérapie.
Dulaglutatide et liraglutide ont également l'AMM en monothérapie, en cas d'intolérance ou de contre-indication à la metformine, mais ils n'ont alors pas de place dans la stratégie thérapeutique du diabète selon la HAS.
Des études ayant mis en évidence une réduction des évènements et de la mortalité cardiovasculaires (notamment pour le liraglutide), la place de ces agonistes pourrait évoluer prochainement dans la stratégie de traitement du DT2.
L’iatrogénie est avant tout digestive (nausées, vomissements, diarrhées). L’association à la metformine n’expose pas ou peu à risque hypoglycémique. L'utilisation d'agonistes du GLP-1R est associée à un risque de pancréatite aiguë.
L’exénatide (Byetta, Byduréon) et le dulaglutide ne sont pas recommandés en cas d’insuffisance rénale terminale ou sévère. L’administration d’exénatide est prudente en cas d’insuffisance rénale modérée. Aucun ajustement de la dose n'est nécessaire chez le patient présentant une insuffisance rénale légère, modérée ou sévère avec le liraglutide (Victoza), qui, par ailleurs, sera privilégié chez le patient en situation de prévention cardiovasculaire secondaire.
Sulfamides hypoglycémiants. Les sulfamides hypoglycémiants ou sulfonylurées (glibenclamide, gliclazide, glimépiride, glipizide) facilitent l’exocytose des granules d’insuline (si la glycémie est basse, d’où un risque d’hypoglycémie) et stimulent donc puissamment sa sécrétion. Ils inhibent la glycogénolyse hépatique et la gluconéogenèse, tout en facilitant la glycogénogenèse induite par l’insuline.
Les sulfonylurées sont utilisées en bi- ou trithérapie ou en cas d’intolérance à la metformine (mais avec un risque de prise de poids et d’hypoglycémie) : on leur préfère désormais les iDPP4 (voir ci-dessous), mieux tolérés. On les administre avant le repas (et on y renonce si leur prise n’est pas suivie de celui-ci car le risque d’hypoglycémie est important).
Le risque iatrogène est dominé l’hypoglycémie. Fréquentes, les présentations frustes incitent le patient à grignoter et à re-sucrer certains aliments. Les présentations sévères, rares, concernent le sujet âgé, souvent polymédiqué, alcoolique et/ou insuffisant rénal. Une hypoglycémie prolongée peut se traduire par des troubles neuro-psychiatriques et entraîner le décès. Les sulfonylurées sont contre-indiquées en cas de coma diabétique, d’acidocétose, d’insuffisance rénale et/ou hépatique sévère(s).
Glinides. L’action des glinides est superposable à celle des sulfamides sur les canaux potassiques, mais leurs sites de liaison diffèrent : il n’y a pas de raison pharmacologique de les associer. Ils s’administrent au minimum une demi-heure avant chacun des repas. L’observance est plus aisée avec les sulfamides mais les glinides régulent de façon ciblée la glycémie post-prandiale, sur un intervalle de temps réduit coïncidant avec la durée de la réponse sécrétoire insulinique, tout en limitant le risque hypoglycémique à distance des repas (pour autant, ils exercent également une activité sur la glycémie à jeun). N’étant pas éliminés par voie urinaire, il est possible de les prescrire chez l’insuffisant rénal (ce qui n’exclut pas dans ce cas la prudence lors de l’adaptation de la dose).
La posologie du répaglinide est individuelle (0,5 mg ou 1 mg si traitement antidiabétique antérieur puis augmentation jusqu’à 4 mg/repas soit 12 à 16 mg/j).
Inhibiteurs des alpha-glucosidases. Les inhibiteurs des alpha-glucosidases (acarbose = Glucor ; miglitol = Diastabol), des tétrasaccharides d’origine microbienne, ralentissent l’absorption des disaccharides par une inhibition compétitive et réversible de leur liaison aux alpha-glucosidases (enzymes de la bordure en brosse du jéjunum hydrolysant les disaccharides alimentaires). Ils contrôlent la glycémie post-prandiale en écrêtant le pic hyperglycémique et réduisent la réponse insulinique. Sans action significative sur la glycémie à jeun, ils potentialisent d’autres hypoglycémiants. Ils sont prescrits chez un patient dont le diabète a été diagnostiqué récemment, pour lequel le régime alimentaire est un échec, ou en cas de contrôle insuffisant de l’HbA1c par un ADO à posologie maximale.
En déplaçant l’assimilation des glucides vers le segment colique, ces médicaments favorisent leur fermentation, d’où flatulences, météorisme, diarrhées - des signes dose-dépendants transitoires, parfois mal vécus, dont l’incidence est réduite par l’instauration du traitement par paliers de 6 à 8 semaines et par une administration avant le repas. Ils sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère.
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