Le marché des antidiabétiques oraux offre des possibilités nouvelles de combinaisons pharmacologiques mais a aussi défrayé la chronique par les avatars de la famille des glitazones. On y distingue les :
- Insulino-sensibilisateurs. Fédérant deux familles jusqu’en 2011, celle des biguanides et celle des glitazones, ce groupe ne comprend plus en France qu’un seul médicament : la metformine ;
- Insulinosécréteurs. Ciblant directement les cellules bêta pancréatiques - du moins si elles demeurent fonctionnelles -, sulfamides hypoglycémiants (sulfonylurées) et glinides font partie des « classiques » ; les médicaments actifs sur la voie des incrétines (gliptines, agonistes GLP-1) constituent une voie innovante, détaillée dans ce dossier ;
- Inhibiteurs des alphaglucosidases. Cette famille regroupe l’acarbose et le miglitol.
Metformine.
La metformine (Glucophage, Stagid, in Glucovance), dont l’action est avant tout extra-pancréatique, réduit l’insulinorésistance hépatique et musculaire sans modifier l’insulinosécrétion. Elle retarde l’assimilation du glucose comme celle des lipides au niveau de l’intestin. Elle diminue la néoglucogénèse hépatique comme la glycogénolyse et augmente la sensibilité à l’insuline in vivo. Prescrite en monothérapie, la metformine ne donne pas lieu à hypoglycémie chez patient DT2 (puisqu’il n’y a pas action sur l’insulinosécrétion).
Indications. La metformine est administrée à la dose de 1 à 3 g/j en monothérapie ou en association à d’autres antidiabétiques oraux ou avec une insuline. C’est le seul antidiabétique oral capable, en monothérapie, de réduire la mortalité cardiovasculaire dans le DT2. Un phénomène d’échappement rend indispensable une augmentation de la posologie avec le temps.
Effets indésirables. Base forte, la metformine occasionne des troubles digestifs chez 5 à 20 % des patients (douleurs et crampes abdominales, diarrhées, saveur « métallique » dans la bouche). Ces signes, qui régressent généralement avec le temps, sont minimisés par instauration du traitement à posologie lentement progressive et administration en fin de repas. Dans certains cas, ces troubles sont liés à la forme galénique du produit et sont diminués en changeant de spécialité. La metformine n’entraîne pas d’hypoglycémie.
L’acidose lactique traduit une insuffisance dans la transformation du lactate en pyruvate : potentiellement mortelle mais exceptionnelle (1 cas sur 40 000 années/patient en France), elle s’observe chez l’insuffisant rénal, ou, moins fréquemment, l’insuffisant hépatique ou respiratoire, l’éthylique, l’anorexique ou par surdosage. Ses signes annonciateurs sont caractéristiques : fatigue brutale, troubles digestifs, douleurs et crampes abdominales, oligurie. L’acidose lactique impose l’arrêt immédiat du traitement antidiabétique, une alcalinisation massive et rapide, une épuration extrarénale et un traitement du choc.
Contre-indications principales. Une insuffisance hépatocellulaire et une insuffisance rénale (< 30 ml/min) constituent une contre-indication formelle à la metformine (entre 30 et 50 ml/mn, ne pas dépasser 1 g/j en 1 ou 2 prises).
Il faut y ajouter toute pathologie susceptible d’altérer la fonction rénale, une déshydratation ou maladie aiguë susceptible d’induire une hypoxie cellulaire (insuffisance cardiaque ou respiratoire, infarctus récent, etc.). Stabilisées, une insuffisance cardiaque ou une pathologie coronarienne ne constituent pas des contre-indications.
Sulfonylurées (sulfamides hypoglycémiants).
Les sulfamides hypoglycémiants se lient, au niveau pancréatique, à une protéine membranaire couplée aux canaux potassiques ATP-dépendants (protéine SUR-1) dont la fermeture entraîne une diminution de l’efflux des ions potassium et une dépolarisation membranaire, elle-même à l’origine de l’ouverture des canaux calciques et de l’exocytose des granules d’insuline (cet effet s’observe même lorsque la glycémie est basse, d’où un risque d’hypoglycémie). Les sulfamides stimulent donc puissamment la sécrétion d’insuline. De plus, ils inhibent la glycogénolyse hépatique et la gluconéogenèse, tout en facilitant la glycogénogenèse induite par l’insuline.
Les sulfonylurées sont utilisées en seconde intention ou en cas d’intolérance à la metformine, parfois en bithérapie (traitement de deuxième intention : Glucovance = metformine + glibenclamide). On les administre juste avant les repas (et on y renonce si leur prise n’est pas suivie de celui-ci car le risque d’hypoglycémie est important).
Le risque majeur est avant tout l’hypoglycémie. Fréquentes, les présentations frustes incitent le patient à grignoter et à re-sucrer certains aliments. Les présentations sévères, rares, concernent le sujet âgé, souvent polymédiqué, alcoolique et/ou insuffisant rénal. Une hypoglycémie prolongée peut se traduire par des troubles neuropsychiatriques et entraîner le décès.
Les sulfonylurées sont contre-indiquées en cas de coma diabétique, d’acidocétose, d’insuffisance rénale et/ou hépatique sévère(s).
Glinides.
L’action des glinides (= métiglinides) est superposable à celle des sulfamides sur les canaux potassiques, mais leurs sites de liaison diffèrent : il n’y a pas de raison pharmacologique de les associer. Les sulfamides peuvent donc être administrés en une prise journalière alors que les glinides s’administrent au minimum une demi-heure avant chacun des repas. L’observance du traitement est plus aisée avec les sulfamides mais les glinides régulent de façon ciblée la glycémie postprandiale, sur un intervalle de temps réduit coïncidant avec la durée de la réponse sécrétoire insulinique, tout en limitant le risque hypoglycémique à distance des repas (pour autant, ils exercent également une activité sur la glycémie à jeun). N’étant pas éliminés par voie urinaire, il est possible de les prescrire chez l’insuffisant rénal (ce qui n’exclut pas dans ce cas la prudence lors de l’adaptation de la dose).
La posologie du répaglinide (Novonorm) est adaptée individuellement (0,5 mg ou 1 mg si traitement antidiabétique antérieur puis augmentation jusqu’à 4 mg/repas soit 12 à 16 mg/j).
Inhibiteurs des alphaglucosidases.
Les inhibiteurs des alphaglucosidases (acarbose = Glucor, miglitol = Diastabol), des tétrasaccharides d’origine microbienne, ralentissent l’absorption des disaccharides par une inhibition compétitive et réversible de leur liaison aux alphaglucosidases (enzymes de la bordure en brosse du jéjunum hydrolysant les disaccharides alimentaires). Ils contrôlent la glycémie postprandiale en écrêtant le pic hyperglycémique et réduisent la réponse insulinique. Sans action significative sur la glycémie à jeun, ils potentialisent d’autres hypoglycémiants et constituent une alternative ou un complément aux glinides dans le contrôle de l’hyperglycémie postprandiale lorsque l’insulinosécrétion est peu altérée. Ils sont prescrits chez des patients dont le diabète a été diagnostiqué récemment et chez lesquels le régime alimentaire est un échec, ou en cas de contrôle insuffisant de l’HbA1c malgré la prescription d’un traitement oral à posologie maximale.
En déplaçant l’assimilation des glucides vers le segment colique, ces médicaments favorisent leur fermentation, d’où flatulences, météorisme, diarrhées - des signes dose-dépendants transitoires mais parfois mal vécus, dont l’incidence est réduite par l’instauration du traitement par paliers de 6 à 8 semaines et par une administration avant le repas.
Le risque d’hypoglycémie est lié à l’association à une sulfonylurée ou à de l’insuline. Généralement résumé à un malaise, il implique un apport en monosaccharides (glucose) et non en disaccharides (saccharose = sucre du commerce).
Incrétinomimétiques.
Issues du clivage d’un polypeptide, le proglucagon, les incrétines sont essentiellement synthétisées par les cellules L et K intestinales. Ces peptides ont une fonction hormonale et neurotransmettrice. On en connaît deux :
- Le GIP (Gastric inhibitory peptide = Glucose-dependant insulinotropic peptide) ;
- Le GLP-1 (Glucagon-like peptide-1), dont il existe de nombreuses formes.
Les incrétines se lient à des récepteurs spécifiques (GIPR et GLP-1R), exprimés dans de nombreux tissus (pancréas, estomac, muscles, cœur, poumons, cerveau, tissu adipeux, os). Elles sont dégradées par la dipeptidylpeptidase-4 (DPP-4), un complexe enzymatique ubiquitaire, lié à la membrane cellulaire ou libre dans le sang. Le rôle essentiel des incrétines est de participer à l’homéostasie glucidique : elles stimulent la production d’insuline par le pancréas de façon gluco-dépendante (effet « insulinotropique »), exercent un effet insuline-like périphérique et un effet protecteur et prolifératif sur les cellules bêta du pancréas. L’effet des incrétines physiologiques est réduit chez le sujet DT2, d’où un pic insulinique réduit et retardé et une augmentation anormale de la glycémie.
Deux approches thérapeutiques ciblant la voie des incrétines ont été développées :
› Celle des agonistes du récepteur GLP-1R, de structure proche de celle du GLP-1 mais qui résistent mieux à la dégradation par la DPP-4 (= incrétinomimétiques).
› Celle des inhibiteurs de la DPP-4 (gliptines), qui, en inhibant le métabolisme des incrétines, renforcent le tonus insulinosécréteur.
Le GIP n’est quant à lui pas exploité actuellement car ses actions sont moins spécifiques que celles du GLP-1.
Inhibiteurs de la DPP-4. Ils forment la famille des gliptines : saxagliptine (Onglyza), sitagliptine (Januvia, Xelévia, in Janumet et Velmétia) et vildagliptine (Galvus, in Eucras). Si leur efficacité est équivalente, ces spécialités n’ont pas un spectre d’indications superposable : contrairement à la sitagliptine, la vildagliptine et la saxagliptine ne sont pas indiquées en trithérapie (associées à la metformine et à un sulfamide hypoglycémiant). Seules sitagliptine et vildagliptine sont indiquées éventuellement en monothérapie.
En augmentant le taux des incrétines, les gliptines améliorent le contrôle glycémique. Elles n’exposent que peu à un risque d’hypoglycémie lorsqu’elles sont administrées en monothérapie ou avec la metformine.
La iatrogénie est dominée par des signes digestifs transitoires (nausées, douleurs coliques, diarrhées), une somnolence, des signes cutanés ou rhumatologiques (arthrites).
Une insuffisance hépatique fait contre-indiquer la vildagliptine. L’administration n’est pas recommandée en cas d’insuffisance hépatique sévère (saxagliptine, sitagliptine). Les gliptines peuvent être administrées en cas d’insuffisance rénale en diminuant de moitié la dose en dessous d’une clairance de la créatinine ‹ 50 ml/mn.
Agonistes du GLP-1R. Les analogues du Glucagon-Like Peptide-1 (GLP-1) exercent une action agoniste sur le récepteur GLP-1R. En s’y fixant spécifiquement, ces incrétinomimétiques accroissent l’insulinosécrétion par les cellules bêta du pancréas et inhibent la sécrétion de glucagon par les cellules alpha.
Exénatide (Byetta) ou liraglutide (Victoza) s’administrent par voie sous-cutanée (stylos injecteurs) en association à la metformine et/ou à un sulfamide hypoglycémiant lorsque ces traitements ne sont pas suffisamment actifs aux doses maximales tolérées, retardant ainsi le recours à une insulinothérapie. Ils peuvent être utilisés aussi en trithérapie (metformine + sulfamide + incrétinomimétique).
Les effets indésirables majoritaires sont digestifs (nausées, vomissements, diarrhées). Les épisodes hypoglycémiques, d’intensité légère à modérée, ne s’observent pas lors de l’association à la metformine.
L’exénatide (Byetta) est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère (Clcréa ‹ 30 ml/min) et prudente en cas d’insuffisance rénale modérée (30 ‹ Clcréa ‹ 50 ml/min). Le liraglutide (Victoza) n’est pas recommandé en cas d’insuffisance rénale modérée ou sévère.
Un risque de pancréatite aiguë, de cancer médullaire thyroïdien, d’insuffisance rénale aiguë et une augmentation de l’INR pouvant être associée à des saignements lors d’une coprescription avec la warfarine justifient le plan de gestion des risques européen pour ces médicaments.
Semaglutide et dulaglutide, actuellement en développement, bénéficient d’une durée d’action très prolongée compatible avec une administration hebdomadaire.
Glifozines.
De nouveaux antidiabétiques devraient prochainement constituer des alternatives originales : canaglifozine, dapaglifozine et empaglifozine inaugureront bientôt une nouvelle famille thérapeutique, celle des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Une affaire à suivre…
Article précédent
Un peu d'épidémiologie
Article suivant
Accidents cardiovasculaires et cancers
Dynamique évolutive du diabète de type 2
Les mots du client
Un peu d'épidémiologie
Médicaments antidiabétiques oraux
Accidents cardiovasculaires et cancers
Stratégie de traitement
Facteurs de risque du DT2
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques