À l’image du tourisme médical, de plus en plus de patients des pays riches choisissent d’aller chercher leurs médicaments à l’étranger, attirés par des prix largement plus accessibles que ceux pratiqués dans leur pays. Outre le motif financier, certains malades chroniques souhaitent bénéficier de traitements innovants qui ne sont pas encore disponibles où ils résident.
Trouver ailleurs ce qu’on ne trouve pas chez soi
Le tourisme pharmaceutique n’est pas nouveau. « Dans le domaine ludosportif, cette pratique existe déjà et vise à se fournir en produits dopants au cours de séjours en Asie, notamment en Thaïlande », commente Nicolas Huin de l’Observatoire du médicament. Aujourd’hui, le tourisme pharmaceutique semble avoir dépassé les frontières du sport, et des malades franchissent le pas. Dans le journal « Le Parisien » du 5 avril dernier, Françoise Maillard, atteinte d’une sclérose en plaques, explique comment et pourquoi elle s’est rendue en Suisse pour se procurer le médicament Sativex, non disponible en France à ce jour alors qu’une AMM lui a été octroyée en 2014. La commercialisation de cet antalgique dérivé du cannabis est bloquée faute d’accord sur le prix avec le laboratoire. Au cours de ce voyage, la patiente française - qui est également médecin à la retraite - a consulté un neurologue Suisse afin d’avoir une prescription lui permettant de se faire délivrer le médicament dans une pharmacie helvète. Au fond, cette démarche révèle un gap de l’offre thérapeutique française. Le tourisme pharmaceutique apparaît alors comme la seule solution pour y remédier, qu’il s’agisse d’un médicament à coût élevé, non commercialisé ou en rupture de stock. Anne Aubijoux, pharmacien à Paris, se souvient « d’une patiente qui avait dû se fournir en Extencilline (benzathine benzylpénicilline) dans son pays d’origine, la Roumanie, en raison d’une indisponibilité prolongée de ce médicament en France ». Pourtant, « des dispositifs, tels que les importations provisoires de médicaments similaires ou les ATU, sont mis en place pour répondre à ces situations », rappelle-t-on à l’ANSM.
La pression économique actuelle nourrit le tourisme pharmaceutique
L’aspect financier reste la principale motivation pour nombre de patients, et parfois la seule alternative s’ils veulent avoir une chance d’accéder à leur traitement. Cette situation est d’autant plus réelle que les prix des médicaments innovants explosent dans les pays occidentaux. Aux États-Unis et en Australie, les témoignages de ceux qui vont s’approvisionner en Inde sont fréquents. Il faut dire que l’écart de prix est vertigineux. On pourrait croire que la France, grâce à son système de protection sociale, est épargnée par ces situations. Pourtant, la presse généraliste rapportait récemment l’histoire de deux Françaises atteintes d’une hépatite C et qui ont envisagé d’acheter leur traitement par sofosbuvir (Sovaldi) à l’étranger. Elles n’entraient pas dans le périmètre de remboursement défini par la HAS, plus restreint que l’indication de l’AMM. Et payer ce médicament par leurs propres moyens s’avérait impossible en France, étant donné son prix élevé (41 000 euros pour les 3 mois de traitement recommandés).
Des filières s’organisent
L’inégalité des prix entre les pays et le désarroi des patients fait le lit d’un nouveau business de pharmacie « low-cost », dont l’Inde est le premier représentant. Dans ce pays, où le brevet du sofosbuvir a été refusé, le médicament contre l’hépatite C ne coûte que 900 euros. Des filières organisées se sont d’ailleurs développées pour faciliter les démarches des clients occidentaux, comme l’Apollo Hospitals à New Delhi. En parallèle, des « clubs d’achat » de médicaments en provenance des pays asiatiques ou d’Afrique (Égypte) sont créés dans les pays riches. C’est le cas de FixHepC, qui permet à de nombreux Américains d’obtenir le médicament contre l’hépatite C. L’approvisionnement de pays à pays est généralement réalisé par des militants d’associations.
La sécurité du patient n’est plus garantie
Accéder au médicament à bas prix est une chose. Mais accéder au « bon » médicament à bas prix en est une autre. Avec le tourisme pharmaceutique, les patients sortent d’un circuit d’approvisionnement sécurisé et fiable et s’exposent au danger de la contrefaçon. Selon l’OMS, au moins 1 médicament sur 4 qui circule dans les pays en développement est faux ! Au mieux il s’agit d’un médicament placebo (dans 60 % des cas) sans effet, si ce n’est de laisser l’état du patient se détériorer ; au pire le médicament falsifié contient d’autres substances actives. Dans les deux cas, la santé du patient est mise en danger. Elle le serait aussi si le patient ne pouvait pas accéder à son traitement faute de pouvoir le payer ou d’indisponibilité. C’est toute la complexité de la situation actuelle, pour laquelle chacun, laboratoires, autorités sanitaires, professionnels de santé et patients, doit prendre ses responsabilités.
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