L’expression « outils collaboratifs » a quelque chose de jargonneux, très utilisée par les informaticiens, mais peu par tous les autres. Certains lui préfèrent la notion d’Intranet, d’autres évoqueront plus volontiers un réseau social privé, comme une page Facebook qui serait partagée de façon limitée entre un nombre défini de participants. Elle correspond pourtant à un type d’outils bien définis, appelés à connaître un grand développement dans les officines, dès lors que celles-ci ont des process de travail à rationaliser et optimiser, en interne ou avec d’autres partenaires. Il ne s’agit pas seulement d’échanger des informations dans le cadre de ces outils collaboratifs mais de les partager dans un processus de travail défini et balisé, qui permet à chacun de savoir où et comment accéder aux informations qui le concernent.
Un tel outil peut être utilisé exclusivement dans un cadre interne à la pharmacie, ou avec des fournisseurs, groupements, professionnels de santé et jusqu’aux patients eux-mêmes. En interne, il peut remplacer le cahier de liaison, permettre de mieux identifier les procédures internes, d’organiser les congés, la formation etc… En externe, il permet de baliser une collaboration. « Le circuit de l’ordonnance est typiquement un processus collaboratif, explique Patrick Benichou, directeur associé de DigitecPharma, dès lors qu’il y a livraison de médicaments à domicile, le pharmacien reçoit l’ordonnance, fait intervenir un tiers logistique, interne ou externe. » De très nombreux process peuvent être ainsi structurés pour faciliter le travail de chacun.
Les grands s’y mettent
Cette notion d’outil collaboratif a, d’une certaine manière, été légitimée par certains des grands acteurs de l’informatique officinale. Ainsi Winpharma a-t-il ajouté le module Winteam à la nouvelle version de son LGO dévoilée au printemps dernier, un module de gestion interne qui répond en tout point à la définition d’un outil collaboratif. OCP pour sa part avec sa plateforme Link a également investi le champ du digital sans pour autant utiliser le terme de collaboratif mais avec des fonctionnalités qui s’y apparentent sans difficulté, aussi bien du point de vue interne que vis-à-vis de l’extérieur et notamment des patients. C’est d’ailleurs ce qui a attiré Xavier Schneider, pharmacien à Truchtersheim dans les environs de Strasbourg, qui a décidé d’implémenter Link, en phase de déploiement actuellement dans son officine. « J’ai été agréablement surpris du lancement de Link, susceptible d’apporter un outil de communication interne mais aussi en direction des patients », explique-t-il. C’est surtout ce second aspect qui a intéressé Xavier Schneider, passionné par le digital et à ce titre fin connaisseur des nouvelles technologies, et des outils collaboratifs. « J’avais utilisé autrefois un logiciel formidable mais arrivé trop tôt sur le marché de la pharmacie, et la société a déposé le bilan. Je me suis alors tourné vers un spécialiste généraliste du collaboratif, Yieloo et sa plateforme Intra’know, un logiciel robuste, adaptable », détaille-t-il. Le logiciel gère les process internes de travail ainsi que les relations avec les fournisseurs. « Il permet de formaliser une certaine communication au sein de l’équipe », affirme pour sa part Cyril Girard, consultant avant-vente chez Yieloo. « Ou au sein d’un groupement… »
Idéal pour les groupements
Les possibilités offertes par les outils collaboratifs donnent des idées aux prestataires qui ciblent parfois une dimension précise du travail des pharmaciens. Et certains estiment que ces outils sont particulièrement adaptés aux groupements. C’est la voie qu’a notamment choisie DigitecPharma. « Les pharmaciens membres d’un groupement ont beaucoup de demandes entre eux, liées à l’optimisation de leurs processus d’achats, de leurs stocks, et particulièrement la gestion des surstocks, ce sont des demandes qui font intervenir plusieurs adhérents, au minimum deux, et le groupement lui-même qui encadre tout cela, en particulier les rétrocessions », commente Patrick Bénichou. « Commande, logistique, facturation, tout cela représente des process fortement collaboratifs. » Les prestataires qui identifient ces besoins sont cependant réalistes, à l’image de Yieloo pour qui ces outils s’adressent avant tout aux petits et moyens groupements, jusqu’à soixante adhérents (s’il faut donner un seuil puisque techniquement il est possible d’en relier bien plus), les plus grands ayant leurs outils « maison ».
Un immense chantier
Et puis, il y a tout le reste, un immense chantier en devenir avec les relations entre les différents professionnels de santé et les patients, là aussi, typiquement des process collaboratifs. Mais l’enjeu est plus complexe, ne serait-ce qu’avec l’exploitation très encadrée des données de santé, il faut déjà pour les prestataires être hébergés par un hébergeur agréé par le Ministère de la Santé. Il faut ensuite être capable de formaliser des outils qui soient acceptés par tous. L’expérience de la société Mesoigner.fr, spécialisée dans les logiciels de e santé, avec sa future application de e-ordonnance montre à quel point la tâche est complexe. « Il faut que l’outil en question s’intègre parfaitement dans les usages de chacune des professions de santé, en l’occurrence pour l’e-ordonnance que nous avons développée, nous avons veillé à ce que les médecins n’aient pas de tâche supplémentaire, aussi l’envoi de l’e-ordonnance se fait quand il imprime ladite ordonnance », commente Xavier Mosnier Thoumas, pharmacien expert conseil auprès de la société. L’usage précède l’innovation technologique rappelle-t-il d’où la nécessité de proposer un outil adapté aux dits usages, les professionnels de santé pourront ensuite évoluer et mieux accepter les innovations technologiques, « il faut avoir une vision à long terme », clame-t-il.
Le long terme est à vrai dire dans toutes les têtes puisque beaucoup estiment le développement de ces outils inhérent à celui du fameux écosystème de santé que nombre d’acteurs de la santé appellent de leurs vœux, au centre duquel se trouveraient les patients et dans lequel les pharmaciens joueraient un rôle essentiel. Mais d’ici à ce que cela devienne réalité, il faut se confronter aux enjeux humains et sociaux, plus complexes que ceux liés à la technologie, pour faire en sorte que ces outils soient maîtrisés par les équipes officinales. Xavier Schneider et Cyril Girard rappellent que l’intégration de ces outils collaboratifs est intimement liée aux process de qualité lancés par les officines auxquels ils participent. « Ça prend du temps, certes, mais le jeu en vaut la chandelle, on gagne beaucoup en confort de travail », conclut Xavier Schneider.
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