En 2009, l’ANSM s’appelait l’Afssaps, les ARS n’existaient pas, et dans les pharmacies d’officine, l’activité était focalisée sur la dispensation des médicaments avec une rémunération essentiellement garantie sur le volume des boîtes de médicaments dispensées. Quinze ans après, le pharmacien d’officine est devenu un professionnel de santé multifonction : dispensateur, vaccinateur, prescripteur, testeur… En un mot, un professionnel de santé reconnu.
Une Loi pharmacien friendly
La Loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires) y est pour beaucoup dans cette mutation professionnelle, en particulier son article 38. Ce dernier introduit dans le code de la Santé publique un nouvel article définissant huit axes d’intervention pour le pharmacien (cf. Encadré). « Le pharmacien doit prendre conscience de tout ce qu’il peut faire dans le cadre de la Loi HPST », réagissait Jean Charles Tellier, l’ancien président du conseil central A du CNOP interviewé en 2012 dans les colonnes du Quotidien. En 2012, à l’instar des médecins une année auparavant, les trois syndicats représentant les titulaires de pharmacie (FSPF, UNPF, USPO) signent avec l’assurance-maladie une nouvelle convention dont l’objectif est double : acter les axes de transformation initiés par HPST et créer un nouveau modèle économique valorisant, sous forme d’honoraires, l’intervention et l’expertise du pharmacien. « La modification de la rémunération introduisant une part d’honoraires est parfaitement justifiée sur le plan professionnel. Il paraissait en effet impossible de mettre en pratique la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) sans cette logique d’honoraires », déclarait à l’époque Philippe Gaertner, ancien président de la FSPF.
La Loi acte le principe général de complémentarité et de coopération entre acteurs du système de santé
Pour rendre la coordination des compétences plus efficiente, le mot d’ordre de la Loi HPST est le décloisonnement à tous les niveaux, administratif et médicosocial. « C’est en décloisonnant le système, en organisant la médecine de ville, qu’on arrive à desserrer l’étau sur l’hôpital au plus grand profit des malades et des professionnels », résumait Roselyne Bachelot sur Pratis TV en 2009. Dans le secteur médical, « la Loi acte le principe général de complémentarité et de coopération entre acteurs du système de santé » à travers son article 51. Ce dernier initie le principe d’exercice coordonné et introduit la notion de transferts d’actes ou d’activités de soins entre professionnels, via des protocoles établis entre un délégué et un délégant. Une opportunité à saisir pour les pharmaciens, dans le cadre des soins non programmés. Symbole de cette complémentarité mais également de la reconnaissance de l’ensemble des professionnels de santé, la Loi crée dix profils d’unions régionales des professionnels de santé (URPS).
Quand la crise Covid joue les catalyseurs
Sans relâche, les représentants de la profession restent vigilants à l’application de la Loi HPST. De PLFSS en Loi de santé, ils travaillent à affirmer le rôle du pharmacien dans le parcours de soins à travers les entretiens ou plus récemment la vaccination, quitte à essuyer la colère des médecins et des infirmiers. « Notre objectif est avant tout que le pharmacien ne soit pas oublié. En effet, quand on regarde le parcours de soins défini par la HAS, on remarque qu’il se limite au couple médecin-infirmier », s’agaçait Gilles Bonnefond à l’occasion des 5e rencontres de l’USPO en octobre 2012. En 2020, la pandémie de Covid-19 révèle à la population toutes les cordes que le pharmacien d’officine a ajoutées discrètement mais sûrement à son arc. Loin d’être terminée, la mutation du pharmacien d’officine répond avant tout à une nécessité pour garantir un accès aux soins équitable et de qualité, fidèle à l’esprit de la Loi HPST.
Anatomie d’un article
Se replonger dans l’article L5125-1-1 du code de la Santé publique, créé par la Loi HPST, aide à mieux comprendre la transformation du métier et à imaginer les missions qu’il reste à créer. Selon cet article, les pharmaciens d'officine :
Contribuent aux soins de premier recours : l’article L1411-11 du CSP définit quatre catégories de soins de premier recours parmi lesquels la prévention et le dépistage. L’engagement dans la réalisation des tests antigéniques et la vaccination contre l’infection à Sars-Cov-2 pendant la pandémie ont confirmé le pharmacien dans ces missions. En 2023, il est devenu prescripteur de vaccins ;
Participent à la coopération entre professionnels de santé : les pharmaciens d’officine sont aujourd’hui largement engagés dans les CPTS ou les maisons de santé, mais également dans des dispositifs annexes telles que les expérimentations associées à l’article 51 imaginé dans le cadre de la LFSS (Loi de financement de la Sécurité sociale) pour 2018. Les protocoles de délégation de tâches traduisent concrètement la coopération entre les professionnels, malgré des réticences persistantes de la part des médecins ;
Participent à la mission de service public de la permanence des soins : pour atteindre cet objectif, différents moyens ont été imaginés, telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles, la télémédecine ou le transfert d’activités ou d’actes entre professionnels. En 2024, l’autorisation promise au pharmacien de délivrer un antibiotique en cas de cystite ou d’angine bactérienne, sous réserve de réaliser un test et de respecter les protocoles, devrait permettre de franchir une nouvelle étape ;
Concourent aux actions de veille et de protection sanitaire organisées par les autorités de santé : pendant la pandémie de Covid-19, le pharmacien a largement démontré ses capacités à satisfaire cette mission.
Peuvent participer à l'éducation thérapeutique et aux actions d'accompagnement de patients : cet axe a ouvert la voie des entretiens pharmaceutiques. Malgré leur pertinence, ces dispositifs d’accompagnement restent confidentiels en 2024. En cause, le montant insuffisant de rémunération. Les syndicats demandent une revalorisation ;
Peuvent assurer la fonction de pharmacien référent pour un établissement (…) qui ne dispose pas de pharmacie à usage intérieur (...) ;
Peuvent, dans le cadre des coopérations (...), être désignés comme correspondants au sein de l'équipe de soins par le patient. À ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets : cet axe annonce les bilans partagés de médication, mis en place en 2018, et acte la naissance du pharmacien correspondant devenu une réalité en 2021 (décret du 28 mai 2021) ;
Peuvent proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes : il faudra attendre le décret du 3 octobre 2018 pour que cet axe se concrétise.
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