Se traduisant par une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes, l’hypothyroïdie affecte entre 3 % et 10 % de la population générale adulte, avec une nette prédominance féminine (sexe-ratio de 2 à 3). Elle peut associer des signes cliniques francs à une biologie anormale (TSH augmentée, T4 basse) ou demeurer infraclinique, avec une symptomatologie pauvre, voire absente, associée à une biologie perturbée (TSH augmentée, T4 normale). L’organe en cause fait distinguer des formes primaires ou périphériques (atteinte primitive de la thyroïde) - objets de ce dossier, hors cancers - mais aussi des formes centrales (atteinte de l’hypophyse avec défaut de sécrétion de TSH ; atteinte de l’hypothalamus, avec défaut de sécrétion de TRH).Étiologies. 50 % des hypothyroïdies suivent généralement une thyroïdite, c’est-à-dire une maladie inflammatoire thyroïdienne auto-immune (rarement infectieuse), dont la thyroïdite d’Hashimoto représente l’expression la plus banale. 40 % d’entre elles sont consécutives à un traitement pour hyperthyroïdie (iode radioactif, chirurgie, antithyroïdiens de synthèse). Dans les 10 % de cas restants, l’hypothyroïdie a pour origine la mauvaise observance du traitement hormonal substitutif par lévothyroxine, un geste chirurgical pour cancer thyroïdien, une radiothérapie cervicale ou thoracique, une grossesse, la prise de médicaments contenant de l’iode (amiodarone notamment, susceptible d’induire une hypo- ou une hyperthyroïdie), d’interféron, d’inhibiteurs des tyrosine-kinases ou de lithium.L’expression clinique d’une hypothyroïdie dépend de l’importance du déficit hormonal. Toutes les situations s’observent, de la forme asymptomatique, découverte au hasard d’un examen biologique, au coma myxœdémateux menaçant le pronostic vital, désormais très rare.Les symptômes sont peu spécifiques et peu sensibles : asthénie, syndrome dépressif, anorexie, frilosité, sécheresse cutanée avec dépilation, crampes musculaires, myalgies, constipation. Le poids corporel est souvent légèrement augmenté, les mouvements ralentis, la voix enrouée, rauque, et l’audition diminuée. Une bradycardie n’est pas exceptionnelle. Une anémie et des troubles de la coagulation compliquent parfois le tableau.Examens biologiques. Nécessaire et souvent suffisant, le dosage de la TSH constitue l’examen de première intention.- Si le taux est normal, le diagnostic d’hypothyroïdie périphérique est écarté.- Si le taux est situé dans la valeur inférieure de l’intervalle de référence et que le patient est symptomatique, il y a lieu de suspecter une forme centrale, d’où dosage de la T4 libre (son taux sera également bas) et test à la TRH.- Si le taux est élevé (TSH > 4mUI/l), un dosage de la T4 libre précise s’il s’agit d’une hypothyroïdie franche (T4 abaissée) ou infraclinique (T4 normale).Si l’hypothyroïdie est confirmée, le dosage des anticorps anti-thyroperoxydase (Ac anti-TPO) permet de poser le diagnostic d’une thyroïdite auto-immune.Notons toutefois que la prise de certains médicaments comme certaines maladies peuvent entraîner des modifications dans le résultat des examens biologiques thyroïdiens sans contexte de pathologie thyroïdienne.La prise en charge. Substitutif et indéfini (sauf, par exemple, la prise en charge d’une hypothyroïdie associée à une grossesse), le traitement de référence d’une hypothyroïdie repose, sauf exception, sur la prescription de lévothyroxine à dose progressivement croissante (notamment chez le sujet à risque cardiovasculaire car la prise de lévothyroxine restaure la fonction cardiaque et augmente donc le travail du cœur), jusqu’à équilibre, avec correction des symptômes et normalisation de la TSH. Elle s’administre même par voie IV en cas de coma myxœdémateux, une situation d’urgence. Par voie orale, la dose initiale est généralement comprise entre 1,5 et 2 µg/kg/j, soit 50 à 150 µg selon le poids du patient et la sévérité des signes cliniques ; la dose cible vise à normaliser la TSH dosée après 8 semaines de traitement correctement suivi. Ce traitement est généralement bien toléré : le risque essentiel est celui d’une hyperthyroïdie iatrogène nécessitant de le suspendre pour le réintroduire quelques jours plus tard à dose réduite. La décompensation d’une cardiopathie ou le développement d’une ostéoporose peuvent aussi s’observer.La lévothyroxine potentialise l'effet des AVK et peut réduire celui des antidiabétiques. Certains médicaments (sels de fer, colestyramine, calcium, divers anti-acides) diminuent son absorption digestive : respecter un intervalle suffisant entre les prises respectives de ces médicaments. Divers inducteurs enzymatiques (phénytoïne, rifampicine, carbamazépine) augmentent son métabolisme, d'où un risque de sous-dosage. La lévothyroxine ayant une marge thérapeutique étroite, le changement entre deux spécialités à base de cette hormone peut perturber l'équilibre thérapeutique, d'où la nécessité d'une surveillance clinique, voire biologique en cas de changement de médicament ; le changement de la formulation d'un médicament donné doit conduire à une surveillance avec contrôle de la TSH dans les 6 à 8 semaines suivant la transition.Une controverse évoquant la possibilité d'une iatrogénie induite par une modification dans la formulation du Lévothyrox en 2017 a conduit à élargir depuis significativement l’offre de spécialités à base de lévothyroxine (Lévothyrox, L-Thyroxin Henning, L-Thyroxin Serb, TCAPS, Thyrofix, Tsoludose).Utilisée de façon exceptionnelle, la liothyronine ou L-T3 (Cynomel) impose une contraception efficace chez la femme en âge de procréer. L’association T4 + T3 (Euthyral) a peu d’intérêt puisque la T4 est transformée in situ en T3. Ces deux médicaments ne sont pas cités dans les Recommandations.Un dosage de la TSH est réalisé 8 semaines après le début du traitement substitutif. Si besoin, la posologie est ajustée par paliers de 12,5 µg/j jusqu’à normalisation du taux de TSH. Toute modification ultérieure du traitement impose un nouveau contrôle 8 à 12 semaines plus tard. La surveillance clinique et biologique est ensuite annuelle, une fois le patient correctement équilibré. La posologie quotidienne reste constante sauf modification du poids du patient ou en fonction de son âge. Un dosage complémentaire de la T4 libre n’a d’intérêt que si la compliance au traitement est douteuse, si le patient est traité par amiodarone ou si l’hypothyroïdie se décompense soudainement.
Les hypothyroïdies
Publié le 01/06/2021
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Source : lequotidiendupharmacien.fr
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