L’EUROPE a fait le grand ménage parmi les allégations nutritionnelles et de santé, et ce n’est pas un euphémisme ! Dans ce dossier, l’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) n’y est pas allée de main morte, et l’assainissement initialement prévu s’est transformé en un véritable décapage. En chiffres, seules 222 allégations de santé ont été autorisées par décision de la Commission européenne.
L’objectif du législateur est simple ; la nouvelle réglementation communautaire vise à protéger le consommateur des revendications trompeuses et mensongères, ou simplement non validées scientifiquement, et à harmoniser les pratiques européennes dans ce domaine. Parmi les trois catégories de nutriments ayant fait l’objet d’une évaluation, la classe des substances (c’est-à-dire les probiotiques, les fruits, les baies…) est la plus décimée. « Près de 95 % des allégations concernant les substances ont été retoquées. Au final, nous obtenons une liste très restrictive, avec des exemples de refus marquants tels que le pruneau pour favoriser le transit, ou la cranberry en prévention des infections urinaires à E. Coli », explique Christelle Chapteuil, vice-présidente du Synadiet.
Très impliqué dans ce dossier, le Syndicat national des compléments alimentaires a toujours soutenu la démarche visant à sécuriser et à privilégier une information juste et claire concernant les propriétés des nutriments. Un engagement confirmé par la vice-présidente du syndicat : « Nous sommes d’accord sur le principe de réguler et d’harmoniser les allégations. Le règlement communautaire de 2006 (1924-2006) est une bonne chose dans le fond et aurait dû permettre au marché des compléments alimentaires de gagner en crédibilité, tout en protégeant le consommateur contre certains excès. En revanche, la mise en œuvre de ce Règlement est une gabegie ».
Une méthodologie contestée.
Pour le Synadiet, l’évaluation des allégations ne s’est pas déroulée selon le cahier des charges initialement prévu. « Les guidelines établissant les procédures de constitution de dossiers n’ont jamais été rédigées », souligne Christelle Chapteuil. Le Syndicat remet en cause la méthodologie suivie par l’EFSA, copiée sur l’évaluation du médicament et pour cela, jugée inappropriée aux nutriments : « une approche proportionnée des données scientifiques existantes aurait permis d’aboutir à des décisions plus modérées plutôt qu’à des refus catégoriques ».
Pour Marie-Paule Serre, professeur à l’UPMC (Université Pierre et Marie Curie) et spécialiste en droit et marketing des produits de santé, « la situation actuelle des produits à allégations de santé est très comparable à celle qu’on a connue dans les années quatre-vingt pour le médicament, quand il a fallu construire une méthodologie des essais thérapeutiques et définir les bases de la pharmacologie clinique. Petit à petit, les exigences réglementaires ont conduit les industries pharmaceutiques à développer leur niveau de connaissances ». Ce cercle vertueux pourrait-il se reproduire dans le domaine des nutriments ? « Aujourd’hui, les industriels se trouvent dans une situation très inconfortable, car trop uniformisée », estime Christelle Chapteuil, qui redoute un ralentissement de l’innovation et de la recherche. Auteure de nombreux articles sur les allégations de santé, Marie-Paule Serre ne partage pas cette analyse : « L’application du Règlement communautaire va nécessairement stimuler la recherche sur l’objectivation des qualités des produits et sur les méthodologies d’évaluation adaptées. Des grands opérateurs s’y sont engagés et développent d’ores et déjà des capacités de recherche en partenariat avec les universités. En parallèle, on va certainement assister à une modification du paysage industriel, se traduisant par une concentration des opérateurs. En outre, le Règlement sur les allégations organise la protection intellectuelle des résultats et des données qui seront fournies par les industriels lors d’une demande d’allégation propre à leur produit. L’industriel peut ainsi bénéficier d’une exclusivité de sept ans sur ces données, lui permettant de protéger son marché. Ce point souvent oublié est pourtant essentiel car il favorise l’innovation ».
Mise en conformité obligatoire.
Pour le Synadiet, ce sont surtout les conséquences immédiates qui inquiètent. Depuis le 14 décembre, les industriels doivent mettre en conformité leur étiquetage mais des questions d’ordre technique se posent. Concernant les stocks des anciens conditionnements par exemple. « Contrairement à d’autres États Membres qui ont accordé un délai d’écoulement, la France n’a pas pris position sur ce sujet », regrette la vice-présidente du Syndicat. « Nous sommes également confrontés à des problèmes de traduction. En outre, les allégations publiées par la Commission européenne sont difficiles à comprendre pour le grand public. Pouvons-nous les simplifier afin de les rendre plus explicites ? La DGCCRF ne s’est pas clairement positionnée ». Une demande légitime, à laquelle la Commission européenne apporte cependant un élément de réponse ; elle admet une certaine flexibilité pour rendre la formulation plus compréhensible par le consommateur, à condition que la signification de l’allégation ne soit pas modifiée. L’exercice sémantique s’avère délicat ! Pour le moment, le contrôle de l’application de la réglementation européenne et du respect des allégations assuré par les DDPP (directions départementales de la protection des populations) n’a pas commencé.
« Un des défis de cette réglementation européenne concerne sa mise en œuvre et la capacité de l’administration à exercer son contrôle. Un travail d’autant plus difficile que le circuit de distribution est très large. Si les autorités ne sont pas en mesure de faire appliquer cette réglementation, cette dernière va rapidement perdre de sa crédibilité et l’objectif de protection du consommateur ne sera pas atteint », prévient Marie-Paule Serre.
Article précédent
Ces aliments qui nous veulent du mal
Article suivant
Le régime sur mesure du diabétique
Des algues pour nourrir la planète ?
De la cuisine moléculaire à la cuisine note à note
Où en est NutriNet-Santé ?
Ces aliments qui nous veulent du mal
L’heure du grand ménage a sonné
Le régime sur mesure du diabétique
Des outils de mesure du statut nutritionnel
Les laits du pharmacien
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %