Autrefois limitée aux seuls tests de grossesse, l'offre en home-tests, c'est-à-dire les tests à réaliser par le patient à son domicile (du moins en privé), s'est largement étoffée depuis 5 ans. Réalisés par le patient lui-même, l'objectif principal de ces dispositifs simple d'utilisation est de dépister un problème ou un état de santé particulier. Si certains autotests comme celui pour le dépistage du VIH ont été soutenus par les autorités sanitaires dans un objectif de santé publique, on trouve aussi sur le marché des tests dont la légitimité reste à démontrer. Les travaux de l'Académie nationale de pharmacie (ANP) publiés en décembre 2017 permettent d'y voir plus clair dans cette offre. « À l'Académie, les travaux que nous menons ne relèvent pas d'une approche corporatiste. Ce qui conduit notre réflexion et nos recommandations, c'est la santé du patient. Est-ce que tel ou tel autotest présente un intérêt pour le patient et si oui, sa place est-elle à l'officine ? », souligne en préambule le docteur en pharmacie Liliane Grangeot Keros, secrétaire perpétuel adjoint de l'ANP et coordinatrice du rapport « Autotests – TROD : rôle du pharmacien d'officine » (décembre 2017).
L'officine, un poste avancé de dépistage
L'atout de la pharmacie, c'est l'acte de dispensation. En pharmacie, on ne vend pas un test, on le dispense ; ce qui inclut les conseils de manipulation et d'interprétation des résultats, ainsi que l'orientation de l'utilisateur. « Le pharmacien a un rôle à jouer dans la prévention, notamment la prévention secondaire qui comporte la démarche de dépistage ; les autotests et les TROD à l'officine représentent un moyen de rendre ce rôle concret », commente Liliane Grangeot Keros. Une place pour l'officinal qui vient en complément des médecins, des infirmiers et des biologistes, et non pas en remplacement. Dépister ne sert à rien si cette démarche ne permet pas d'intégrer le patient dans un parcours de soins établi et validé. Le pharmacien se retrouve ainsi en amont de la prise en charge, lui qui avait pour habitude d'intervenir après le médecin et la prescription. « La pharmacie devient un poste avancé de dépistage. Et la dispensation des autotests nous permet de nous rapprocher des autres professionnels de santé, de concrétiser cette collaboration multidisciplinaire autour du patient », confirme Bruno Laurandin, pharmacien à Suresnes et membre du groupe pharmacien au sein de la SFLS (société française de lutte contre le Sida).
VIH à l'officine : de l'autotest au TROD ?
Les autotests sont réalisés par l'utilisateur et le résultat est sous sa responsabilité. On distingue les dispositifs de mesure (lecteur de glycémie, lecteur INR), prescrits par le médecin, et les tests de détection ou de recherche d'un signal biologique (grossesse, VIH). Parmi les tests (autotests et TROD) recommandés par l'ANP, celui du dépistage du VIH tient une place particulière du fait de la sévérité de la pathologie, mais aussi en raison du retentissement individuel et social de cette infection. « Plus la pathologie faisant l'objet du dépistage est complexe, plus le rôle du professionnel de santé est délicat ; il repose sur l'expertise technique et une posture, un discours approprié. L'exemple typique est celui de l'autotest VIH, dont la dispensation engage des discussions sur la santé sexuelle de l'utilisateur. Il faut notamment se renseigner sur la date du dernier rapport à risque, qui doit être de plus de 3 mois ; c'est difficile d'entrer dans l'intimité, mais nécessaire pour garantir l'efficacité du test et la fiabilité du résultat », raconte Bruno Laurandin. D'où l'importance d'une formation, d'un encadrement de la dispensation de ces tests par un consensus, et d'une concertation interprofessionnelle. La pharmacie dispose d'un autre atout, en termes d'aménagement. Les espaces de confidentialité ont considérablement modifié la relation pharmacien/patient, et constituent un argument fort auprès des décideurs politiques pour faire de la pharmacie ce poste avancé de dépistage. Pour l'ANP, la mise à disposition des autotests de dépistage du VIH est une première étape mais elle doit maintenant évoluer vers la possibilité de réaliser le TROD VIH à l'officine : « les conseils du pharmacien pour la bonne utilisation de l'autotest VIH sont essentiels. Mais qu'en retient l'utilisateur lorsqu'il se retrouve seul à son domicile à réaliser ce test et à attendre le résultat ? Si ce test était fait sous forme de TROD dans l'espace de confidentialité, par le pharmacien, la démarche serait plus pertinente ». Une recommandation qui pourrait bien être prise en considération par les autorités de tutelle dans les prochains mois, selon Liliane Grangeot Keros. D'ailleurs, comme en témoignent de nombreux pharmaciens, il n'est pas rare que les utilisateurs demandent de réaliser le test à l'officine, en présence du pharmacien. « On est à la limite entre autotest et TROD », confie Bruno Laurandin.
Feu rouge pour certains autotests
À l’inverse, l'ANP met en garde contre différents autotests susceptibles d'induire des erreurs et une mauvaise orientation diagnostique. « Les autotests relatifs au taux de PSA, à l'allergie, à la borréliose de Lyme, au cancer colorectal ou à l'anémie ne se justifient pas ; les résultats ne sont pas interprétables au regard de la complexité de ces maladies. Le diagnostic de ces affections demande une analyse approfondie basée sur un ensemble de critères biologiques et cliniques ». Autrement dit, si la recherche d'un marqueur biologique unique suffit à orienter le diagnostic dans quelques situations, comme le taux d’HCG pour la grossesse, le procédé n'est pas reproductible pour toutes les affections. Ce critère médical doit être pris en compte par le pharmacien lors du référencement. Enfin, l'ANP souligne le manque de clarté des notices pour bon nombre de tests, alors que ces documents d'information constituent un support fondamental pour garantir leur efficacité.
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