L’idée ? S’appuyer sur l’expérimentation menée à l’hôpital consistant à inciter à la prescription de biosimilaires délivrés en ville pour trois molécules : l’étanercept (Enbrel), l'adalimumab (Humira) et l’insuline glargine (Lantus). Les services participant à l’expérimentation se voient reverser 30 % de l’économie engrangée. C’est exactement ce que l’UDGPO et FEDERGY ont imaginé pour lever les freins à la substitution biosimilaire en ville tout en répondant à l’assurance-maladie, qui répugne à appliquer le modèle économique des génériques aux biosimilaires. « Nous proposons un dispositif équivalent : l’assurance-maladie garde 70 % de l’économie réalisée grâce à la substitution biosimilaire, les 30 % restant sont répartis à parts égales entre le médecin prescripteur et le pharmacien dispensateur. Cela permet de rémunérer les professionnels de santé sans grever le budget de l'assurance-maladie », explique Laurent Filoche, président de l’UDGPO.
Bien accueillie par les participants invités* jeudi dernier à la réunion organisée par les groupements, la proposition doit maintenant cheminer vers les ministères concernés (Santé et Économie) et l’assurance-maladie. « Nous apportons des idées mais nous laissons la main aux syndicats pour tout ce qui relève de la négociation conventionnelle, ils ont les mandats pour agir », précise Laurent Filoche. La réunion s’est conclue sur la rédaction d’un communiqué commun intitulé « Mobilisation des groupements de pharmacies pour la substitution des biosimilaires en ville », paraphé par l’UDGPO et FEDERGY et validé par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et le GEMME (association des fabricants de médicaments génériques). « Une piste économique qui consiste à impliquer tous les acteurs, et à partager l'économie réalisée entre les différents promoteurs des biosimilaires sans oublier aucun professionnel de santé engagé, le GEMME ne peut qu'y souscrire », souligne Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du GEMME.
Substitution pleine et entière
« Du côté des fabricants, nous n’observons pas d’opposition nette au droit de substitution biosimilaire. Même si certains génériqueurs veulent une orientation première vers le prescripteur et parlent d’interchangeabilité. Par ailleurs, Stéphane Joly en tant que président a annoncé une clarification de position du GEMME sur la question d’ici à la fin de l’année », précise Laurent Filoche. Surtout, « les biosimilaires sont l’un des relais de croissance de l’officine et il faut se battre pour que la substitution soit autorisée le plus vite possible. Or, la situation est bloquée », rappelle le président de l’UDGPO qui se désole que l’absence d’un simple décret d’application à la loi de 2014 empêche le pharmacien de substituer. C’est dans ce sens que l'UDGPO a déposé un recours devant le Conseil d’État en juin dernier, réclamant la parution de ce texte tant attendu. « Si nous obtenons gain de cause, la loi de 2014 prévoit une substitution limitée au patient naïf. Ce serait déjà un début et nous demanderons au plus vite une substitution pleine et entière par la suite. »
Car les perspectives sont belles. Selon l’UDGPO et FEDERGY qui s’appuient sur les chiffres du GERS de décembre 2018, le chiffre d’affaires total des biomédicaments s’élève à 8 milliards d’euros en France, « dont 2 milliards sont éligibles à la concurrence biosimilaire ». Pourtant, le chiffre d’affaires des biosimilaires en 2018 n'atteint que 510 millions d’euros : 330 millions d’euros pour l’hôpital et 180 millions d’euros pour la ville. L’ambition du gouvernement dans sa stratégie nationale de santé va bien au-delà puisqu'elle fixe un objectif de 80 % de prescriptions de biosimilaires pour les classes de médicaments concernées à l’horizon 2022.
600 millions d'économies
Problème, les incitations qui existent à l’hôpital n’ont pas cours à l’officine. Pourtant, la substitution biosimilaire peut fonctionner, affirme Laurent Filoche. À la tête du groupement Pharmacorp, celui-ci a mené une expérimentation en mars dernier dans 206 pharmacies qui ont substitué systématiquement, avec l’accord éclairé du patient, Lovenox (énoxaparine) par son biosimilaire Crusia. La part de marché de Crusia a atteint 42 % versus une moyenne nationale de 17 % sur la période concernée.
Au regard de cette expérience, la méthode du « 70/30 » pourrait être la bonne. Reste à en convaincre les autorités de tutelle, les laboratoires et les médecins. Les arguments sont affûtés : l’arrivée de biosimilaires permet de « limiter les tensions d’approvisionnement », de baisser le coût de 30 % par rapport au médicament de référence et garantit ainsi « 600 millions d’économies immédiates pour l’assurance-maladie ». Au tour maintenant des syndicats de défendre la pertinence du modèle.
* Étaient présents des représentants de FEDERGY, l'UDGPO, la FSPF, l'USPO, l'ANEPF, le GEMME, mais aussi des laboratoires Biogaran, Mylan, Sandoz et Teva, ainsi que des groupements DPGS, Le Gall Santé, Mutualpharm, Pharmacorp, Pharmacyal et Univers Pharmacie.
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