Fin février, l'hydroxychloroquine (HCQ) a connu une notoriété inédite quand le Pr Didier Raoult, de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée à Marseille, a relayé les résultats de scientifiques chinois affirmant que cette molécule semblait efficace chez des malades du Covid-19.
Le chercheur a alors publié lui-même un petit essai sur une vingtaine de patients, qui concluait à l’efficacité de l'HCQ associée à l’azithromycine dans le Covid-19, association qui permettait de réduire considérablement la charge virale des patients. Face à cet espoir - non validé mais mis sous les feux de la rampe - le gouvernement français a demandé que des essais cliniques soient menés au plus vite sur cette molécule. Ce qui fut fait, avec le lancement de l'essai Discovery. Dans la foulée, le 23 mars, la France autorise à donner de l’HCQ aux patients atteints du Covid-19, hors AMM, et en dehors des essais cliniques, à titre compassionnel.
Renommée mondiale
La molécule a ensuite atteint une renommée mondiale : aux États-Unis, le président Donald Trump s'est vanté d'en prendre lui-même pendant un temps, à titre préventif. Au Brésil, le président Jair Bolsonaro a affirmé être convaincu de ses effets, pourtant non prouvés, et son ministère de la Santé a recommandé son usage.
Ainsi, le sujet a progressivement largement débordé du domaine scientifique pour devenir l'objet d'un débat politique clivant dans l'opinion publique, donnant lieu à de violentes empoignades sur les réseaux sociaux.
Le sujet est d'autant plus épineux que les deux médicaments (chloroquine et HCQ) ont montré des effets secondaires potentiellement graves dans le Covid-19, effets qui étaient déjà connus dans le cadre de son AMM. Plusieurs agences sanitaires, dont l'agence française du médicament (ANSM) ont alerté contre des risques cardiaques liés à l’association HCQ + azithromycine pour les malades du Covid-19.
Efficace contre le Covid-19 ?
L'hypothèse d'une action de ces molécules (chloroquine et HCQ) sur le nouveau coronavirus vient du fait qu’elles ont montré une action antivirale in vitro ou sur des animaux et sur différents virus. Des études cette année ont aussi montré des effets positifs in vitro sur le SARS-Cov-2. Mais toute la question est de savoir si elles ont une efficacité sur l'homme. Et sur ce point, il n'y a pas de consensus scientifique. La tâche est particulièrement difficile dans le Covid-19, étant donné que la plupart des malades guérissent spontanément ! De plus, l'immense majorité des études rendues publiques jusqu’à récemment ne permettaient pas de conclure, car elles comportaient trop de biais. Les études de Didier Raoult, par exemple, ne comportent pas de groupe témoin et 95 % des patients traités ne présentaient pas de signe de gravité. Ils auraient donc, comme la plupart des patients, pu guérir spontanément.
Un essai clinique solide
Seul un essai clinique solide, c’est-à-dire contrôlé (avec un groupe traité et un groupe placebo), randomisé (patients choisis par tirage au sort) et mené sur de vastes groupes de patients permettrait de trancher. Début mai, une telle étude, réalisée dans des hôpitaux new-yorkais sur plusieurs centaines de patients avec groupe témoin, a été publiée dans le JAMA : elle estime que l'HCQ n'a pas d'efficacité probante.
Pour porter la confusion à son comble, une étude (rétrospective, et non pas un essai clinique) portant sur 96 000 patients dans le monde et publiée le 22 mai dans le « Lancet » a elle aussi conclu à l'inefficacité et même à la dangerosité du traitement, que ce soit la chloroquine ou l'HCQ, associées ou non à un antibiotique. Le revirement fut alors total : dans le monde, les essais cliniques testant l’HCQ ont cessé d’intégrer de nouveaux patients, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la suspension des bras HCQ dans l'essai Solidarity, suivi par l'essai européen Discovery. Le 27 mai, la France a emboîté le pas en interdisant l'usage de l'HCQ dans le Covid-19 en dehors des essais cliniques, comme cela était autorisé depuis le 23 mars. Désormais, le Plaquénil ne peut être délivré en ville que dans le cadre de son AMM, avec une prescription initiale d'un rhumatologue, d'un dermatologue ou d'un autre spécialiste, ou de son renouvellement par tout médecin.
Mais, dans la foulée de sa parution, de nombreux chercheurs ont exprimé leurs doutes sur l'étude du « Lancet » estimant que les données n’étaient pas cohérentes… et, au bout de quelques jours, trois de ses quatre auteurs ont fini par la désavouer. L’étude a alors été retirée début juin, avec les excuses de la prestigieuse revue, entraînant par là même une volte-face de l'OMS qui annonce alors la reprise des essais !
Mais quelques jours plus tard, nouveau rebondissement : les responsables de l'essai contrôlé randomisé britannique Recovery, dont les résultats étaient très attendus, annoncent que l'HCQ ne montre pas d'effet bénéfique pour les malades du Covid. Et d'annoncer « l'arrêt immédiat de l'inclusion de nouveaux patients pour ce traitement suite à leurs observations ».
Recovery était l'un des seuls à n'avoir pas suspendu ses tests sur l'HCQ après l'étude controversée du « Lancet ». Pour l'un des responsables de l'essai, « ces résultats devraient changer les pratiques médicales à travers le monde et prouver l'importance des essais randomisés à large échelle pour permettre de prendre des décisions sur l'efficacité et l’innocuité de traitements ». C’est un juste retour de la rigueur scientifique.
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