À l'occasion de la crise du Covid-19, nous avons ressenti le besoin d’accélérer et d'optimiser la recherche clinique, notamment en réduisant les cohortes nécessaires à la réalisation des essais cliniques. Un objectif désormais atteignable. Car grâce aux progrès biotechnologiques et au numérique, nous disposons d’outils de plus en plus performants, de données de plus en plus massives obtenues dans ou en dehors des essais (données de soins, d’imagerie, de dispositifs numériques connectés, de recherche…) et de possibilités d’analyse de plus en plus performantes. À l’aide de toutes ces données, voici quelques exemples de pistes en cours de réflexion qui pourraient être déployées à plus ou moins long terme.
Jumeau numérique
Non le jumeau numérique n’est pas encore la reproduction d’un individu entier dans son ensemble. Il se définit comme une représentation simulée d’une intervention ou d’un organe qu’on va utiliser pour la conception, la simulation, la surveillance, le diagnostic, le pronostic ou l’optimisation du parcours de soins. Les simulations sont utilisées pour définir les meilleures interventions possibles et décider l’essai clinique qu’on souhaite mener. Par exemple, pour modéliser une réponse immunitaire, lorsqu’un vaccin est développé et qu’on sait quel antigène on veut présenter, on simule une réponse immunitaire pour savoir combien d’injections sont nécessaires, à quel rythme, quelles sont les meilleures combinaisons.
Autre exemple : l’organoïde. Il s'agit d'une construction tissulaire multicellulaire qui imite l’organe (cérébral, thyroïde, intestinal, hépatique…) et autour de laquelle seront testées des molécules ou combinaisons de molécules. Les résultats obtenus permettent d’identifier des sous-groupes de patients avant de réaliser l’essai clinique en soi.
Ainsi, même si on ne peut se passer de la recherche animale et humaine, les essais cliniques de demain seront capables de présélectionner et d’identifier les patients chez qui l’intervention sera la plus efficace et la mieux tolérée.
Biomarqueurs
L’apparition de nouvelles connaissances en génomique et protéomique rend envisageable l’utilisation de biomarqueurs (caractéristiques objectivement mesurables et évaluables comme indicateurs d’un processus biologique, physiologique, pathologique ou d’une réponse pharmacologique) dans les essais cliniques. En étant utilisés comme critères d’évaluation lorsqu’une corrélation avec le bénéfice clinique espéré est prouvée, ils permettraient l’amélioration de la sécurité des essais cliniques et permettraient d’identifier les patients pour lesquels le traitement n’a pas d’effet dans la phase de recrutement.
Bras virtuels
La réflexion sur les bras virtuels (ou études in silico, terme employé en opposition au terme « in vivo » des essais réalisés chez l’animal ou l’homme) s’inscrit notamment dans le cadre d’une interrogation croissante sur la question éthique des bras placebos, sur les coûts et sur les difficultés à recruter des patients.
Pour remplacer le bras contrôle dans certains essais cliniques, on pourrait, grâce à des modèles mathématiques, simuler à l’aide de l’outil informatique, l’effet d’un produit de santé sur une population de patients virtuels modélisés, jumeaux numériques (au profil comparable à ceux qu’on aurait sélectionnés pour l’essai).
La recherche cherche à savoir si l’on peut, avec un seul bras simulé contrôle, avoir l’assurance que l’on peut bien comparer le bras traitement et le bras contrôle. Les agences réglementaires dans certains pays commencent aussi à étudier cette question.
Données de vie réelle
Dans les essais cliniques de demain, on pourrait aussi faciliter l’utilisation des données de vie réelle. Ce sont les données produites lors de l’usage d’un traitement dans la vie quotidienne du patient. Elles viennent compléter les données issues des essais cliniques. L’objectif est l’obtention de nouvelles données d’efficacité et de tolérance dans la « vraie vie » et donc auprès d’une population plus large, ces données permettant potentiellement, in fine, de réduire la durée des essais avec un accès à l’innovation plus rapide. L’intégration des bras virtuels reposera notamment sur l’utilisation de ces données en vie réelle.
Décentralisation
Comparée aux projets évoqués ci-dessus, la décentralisation pourrait être l’évolution la plus rapide à mettre en place. En effet, après la crise du Covid, le contexte est favorable à son développement. L’objectif est d’amener l’essai clinique de l’hôpital au domicile du patient en utilisant des fournisseurs de soins de santé locaux, en optimisant et en s’appuyant sur les différentes technologies de santé numérique : démocratisation des objets connectés, télémédecine, transfert de données sécurisées… Même si elle n’est pas adaptée à tout type d’essai, elle permettrait, pour certains d’entre eux, de recruter plus largement géographiquement et d’améliorer le confort du patient.
Au total, si elles sont à la hauteur de l’efficacité et de la sécurité attendues, les innovations dans les essais cliniques pourraient être nombreuses dans les prochaines années et pourraient grandement faciliter la vie des patients.
D’après un atelier de presse « Essais cliniques 2030 : la révolution de la recherche clinique » du 10 mars 2022, organisé par le LEEM.
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