S’AGISSAIT-IL d’un ballon d’essai ? Peut-être bien. Invitée à participer à une table ronde en compagnie des syndicats d’officinaux, Christelle Ratignier-Carbonneil, responsable du département des produits de santé à la CNAM*, avait en effet glissé les grandes lignes d’une proposition d’évolution de la rémunération que l’organisme payeur allait présenter à la profession quelques jours plus tard. « On peut imaginer une mise en place séquentielle d’un honoraire à la boîte associé à un honoraire complètement déconnecté des prix et des volumes », expliquait-elle alors. En pratique, précisait la représentante de l’assurance-maladie, on pourrait avoir 22 % de l’honoraire encore dépendant des volumes et 3 % complètement indépendants. Puis augmenter progressivement cette dernière part. En effet, selon elle, il est nécessaire de s’y engager par pallier, car la mise en œuvre d’une rémunération totalement indépendante des prix et des volumes est délicate. Des risques de déstabilisation du réseau ne sont, en effet, pas à écarter.
Le forfait transformé en honoraires.
L’annonce n’a alors pas provoqué de tollé dans la salle. Et le 10 octobre dernier, c’est bien cette proposition, à quelque chose près, que le directeur général de la CNAM, Frédéric van Roekeghem, met sur la table. Que prévoit-elle ? La création d’un honoraire à la boîte d’un euro, fruit de la transformation du forfait de 53 centimes d’euros en honoraires assortie d’une augmentation de 47 centimes d’euros. Ce sont ainsi 45 % de la rémunération qui passeraient sous forme d’honoraires. Un bémol : cette rémunération à la boîte est encore étroitement liée aux volumes de médicaments dispensés. Mais parallèlement, comme l’avait évoqué Christelle Ratignier-Carbonneil lors de la Journée de l’économie de l’officine, la CNAM propose la mise en place d’un honoraire de dispensation pour les ordonnances complexes de cinq lignes et plus. Son montant : 50 centimes d’euros par prescription. Au total, les deux honoraires permettraient de faire basculer d’un coup 47 % de la rémunération actuelle en honoraires complètement déconnectés des prix des spécialités, mais dont seulement 2 % seraient entièrement détachés des tarifs et des boîtes délivrées.
Une modification de la MDL.
En contrepartie, des modifications des seuils des différentes tranches de la marge dégressive lissée (MDL) sont également au programme, l’évolution de la rémunération s’effectuant à périmètre constant (voir ci-contre).
La proposition a retenu l’attention de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui l’a soumise à son conseil d’administration. Résultat : les administrateurs considèrent « de façon très majoritaire » qu’il existe de réelles avancées. « Contrairement à ce que l’on nous avait soumis jusqu’à présent, cette proposition à un sens et mérite d’être regardée dans le détail, mais aussi d’être améliorée », estime le président de la FSPF, Philippe Gaertner. Car, selon lui, ce projet offre certes la possibilité de stabiliser l’économie de l’officine jusqu’à la fin 2015 mais, pour l’heure, 90 % des officines seraient gagnantes et 10 % perdantes. Des solutions pour ces dernières doivent donc être trouvées. « Rien n’est à rejeter d’emblée, mais il faut être très prudent », affirme pour sa part Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Avant de s’engager dans cette voie, il faut d’abord procéder à des simulations pour connaître le plus précisément possible l’impact, officine par officine », ajoute-t-il. Christelle Ratignier-Carbonneil ne dit pas autre chose : « Nous devons apprécier de façon extrêmement fine l’impact sur les officines de chaque hypothèse, car l’important est de garantir la stabilité du réseau et la qualité de la dispensation du médicament au patient », indiquait-elle à l’occasion de la Journée de l’économie. Toutefois, avant de donner son aval, Gilles Bonnefond réitère sa demande d’un contrat avec l’État, afin d’assurer à la profession de la visibilité pour les deux ou trois ans à venir. En revanche Philippe Gaertner mise, lui, sur les négociations avec l’assurance-maladie. « La convention et ses avenants sont le bon cadre contractuel », affirme le président de la FSPF.
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