L’UNION des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a proposé, à la mi-septembre, de supprimer le plafond de remises de 17 % pour les génériques et les spécialités sous TFR (tarif forfaitaire de responsabilité). Parce que « ce plafond avait été mis en place au moment où le marché des génériques n’était pas encore stabilisé », rappelle son président, Gilles Bonnefond. Désormais devenu mature, le plafonnement « n’est plus légitime ». C’est surtout pour l’USPO une manière d’anticiper une décision gouvernementale qui mettrait à mal tout le réseau officinal. Car les pouvoirs publics ont actuellement les yeux rivés sur les contrats de coopération commerciale passés entre officinaux et génériqueurs, et pourraient être tentés de purement et simplement interdire ces fameux contrats. La proposition de l’USPO demande réflexion. À la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), cette libéralisation pourrait s’envisager, « mais à certaines conditions ». Selon Philippe Besset, vice président, ce déplafonnement doit être encadré et prévoir un mécanisme compensateur pour les petites officines et les pharmacies rurales. Il craint sinon d’assister à « l’explosion du réseau, qui serait la résultante de la dérégulation ».
À l’heure où l’économie de l’officine poursuit sa décroissance en affichant pour la première fois en 2012 un chiffre d’affaires en recul et des prévisions 2013 peu joyeuses, les annonces du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2014 ne rassurent personne. Sur les 2,4 milliards d’euros d’économies demandées à l’assurance-maladie, 960 millions pèsent intégralement sur le poste médicament, avec des baisses de prix massives sur les spécialités inscrites au répertoire des génériques pour 605 millions d’euros. Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, le PLFSS confirme, par la voix de la ministre de la Santé, sa volonté de transparence sur les remises accordées aux pharmaciens sur les génériques. L’objectif étant de faire évoluer les tarifs des génériques sur la base des prix réellement proposés par les génériqueurs, en exigeant une déclaration par chaque pharmacien des remises dont il bénéficie pour chacune des spécialités génériques.
Projet intersyndical.
« Les contrats de coopération, qui étaient tolérés, acceptés et connus, qui permettaient à ce marché de se développer, risquent d’être interdits de façon définitive à la profession si on maintient le plafond de remises à 17 % », explique Gilles Bonnefond. Or le prix des génériques est encore appelé à baisser dans un marché qui s’élargit en gamme. « Faire sauter le 17 % permettra au marché de retrouver sa dynamique. Si le 17 % est maintenu, l’effort d’économie ne portera que sur les pharmaciens et ce sera toute l’économie du générique qui va s’arrêter du jour au lendemain. Cette proposition de déplafonnement est un projet intersyndical », précise le président de l’USPO. Sans cela, le syndicat craint de voir en 2014 « le marché générique s’effondrer, les pharmaciens s’en désintéresser et les comptes sociaux plonger ». Il va plus loin encore en reconnaissant : « La solution du déplafonnement a ses limites, ce n’est pas glorieux, mais c’est la seule. Cela permet de sortir de l’ornière et d’éviter l’interdiction des contrats de coopération. Le ministère de la Santé veut encore des économies sur le générique en élargissant le champ de la substitution, une mission qu’il souhaite confier aux pharmaciens. Mieux vaut que la machine fonctionne aussi bien qu’aujourd’hui. »
Philippe Gaertner, président de la FSPF, l’a bien souligné dès son retour de la réunion au ministère : « Les contrats de coopération commerciale sont essentiels à l’officine, et l’État l’a pris en compte. Si l’ensemble du dispositif générique avait fait exploser le résultat des officines, l’approche du gouvernement aurait été différente. Or l’ensemble du dispositif a simplement permis la stabilisation des résultats. L’arrêté de marge indique bien qu’il pourra être adapté en fonction des résultats de l’officine. Sans les contrats de coopération commerciale, un tiers des officines serait à zéro ! »
Baisses de prix.
Stéphane Joly, vice-président du GEMME, le confirme, « le générique a porté l’officine sur le plan économique », notamment grâce à la règle mise en place en 1999 : « La marge que l’on calculait sur le générique était de la même valeur que celle du princeps, mais rappelons-nous qu’on parlait de pas grand-chose en termes de marché : moins de 100 millions d’euros en prix fabriquant hors taxe (PFHT), alors qu’aujourd’hui le marché est de 3,5 ou 3,6 milliards d’euros en PFHT. » Finalement, la montée en puissance des contrats de coopération a été concomitante du développement du marché des génériques. « Mais la CNAM et d’autres acteurs ont perçu quel était le montant qu’il pouvait y avoir sous la quille dans le process de la rémunération des pharmaciens par rapport au marché des génériques. Deux possibilités : soit on baisse les prix de 2, 3, 4 ou 5 %, et c’est ce qui est fait, soit on accélère le mouvement pour récupérer une partie des contrats de coopérations ; on arrive dans ce schéma aujourd’hui. » Le danger est réel pour les officines, ce qui explique la proposition de déplafonnement par l’intersyndicale. Selon le vice-président du GEMME, les contrats de coopération commerciale rapportent, en moyenne, à une pharmacie, « entre 28 000 et 34 000 euros par an ». Ce qui inquiète également les génériqueurs, ce sont les baisses de prix successives et importantes qui pourraient entraîner des délocalisations. Car si le générique porte en partie l’économie de l’officine, il fait aussi vivre environ 15 000 personnes travaillant chez des façonniers français. « Le GEMME et les génériqueurs veulent continuer à développer le générique avec le pharmacien et que celui-ci soit motivé à substituer », conclut Stéphane Joly.
Pour Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), mieux vaut se préparer à perdre une partie des revenus apportés par le générique. « De mon expérience personnelle dans un grand nombre de pays, il est extrêmement rare, sur un marché régulé, que le régulateur laisse longtemps un opérateur, quel qu’il soit, capter une richesse aussi visible et identifiée. Il faut se mettre dans l’idée qu’on est probablement à la fin d’un cycle et que les ressources du générique ne monteront plus, et même pourront baisser. » Le sujet est sensible, mais le contexte est tout aussi difficile pour la répartition, comme le rappelle le président de la CSRP : « Nous avons appris à vivre avec des ressources en baisse tous les ans en valeur absolue, depuis dix ans. » Les répartiteurs ont dû trouver des solutions pour continuer à vivre, passant par une grande remise en cause et la mutualisation de tout ce qui était possible, pour finalement faire le choix « d’allouer son temps sur les fonctions à valeur ajoutées et d’optimiser les activités qui sont des passages obligés ». Une expérience que la répartition est prête à mettre à la disposition des officinaux : « Dans un contexte nouveau qui sera difficile, nous pourrons continuer à être les meilleurs amis de la pharmacie sur la fonction d’achat, mais aussi sur la fonction d’organisation interne de l’officine et de l’optimisation de ses ressources. »
Liberté d’achat.
C’est d’ailleurs bien sur ses qualités de facilitateur d’achat que la répartition mise pour inciter le pharmacien à acheter les génériques par son biais, et cela avec succès. En effet, le marché du générique affiche une croissance de 21 % depuis le début de l’année et il passe de plus en plus par le flux des grossistes-répartiteurs puisque ces derniers enregistrent une progression de 30 % (versus +10 % par le flux du direct). « C’est une question d’assortiments et de disponibilité qui est mise en œuvre au quotidien, et de façon tout à fait performante, par la répartition (…), avec un meilleur équilibre sur les composantes et le temps passé sur les achats. » Gagner du temps devient en effet essentiel à l’officine pour que le pharmacien puisse se consacrer, notamment, aux nouvelles missions. Claude Baroukh, vice-président de la FSPF, remarque ainsi que « les frais de fonctionnement d’une officine s’élèvent à environ 1 euro la minute », il faut donc gagner du temps sur la fonction achat, par exemple via la « dématérialisation totale du processus de commande ». Pour sa part, Gilles Bonnefond affirme que des acteurs de la chaîne auraient l’idée de suggérer aux pouvoirs publics « d’interdire le direct par des mécanismes de taxes et de pénalités », une suggestion inadmissible puisqu’elle revient non seulement à « tuer la liberté d’achat des pharmaciens », mais aussi à donner une nouvelle idée de taxe. Si cette idée devait se retrouver dans les tuyaux du gouvernement, Gilles Bonnefond prévient : « Vous trouverez l’intersyndicale vent debout pour la combattre. »
Sur ce thème des génériques, les différents acteurs de la chaîne du médicament pourraient débattre des journées entières, en comparant la situation française à ses voisins européens, en cherchant les meilleurs moyens de développer davantage le marché – notamment en trouvant les mécanismes d’incitation qui déclencheront la prescription en DCI par les médecins français. Le sujet est d’importance, non seulement pour l’avenir du réseau officinal sur les questions du plafond de remise à 17 % et l’existence des contrats de coopération commerciale, mais plus simplement parce que les génériques vont très prochainement représenter des flux plus importants que les princeps. Reste à savoir ce qui sortira prochainement de la loi de finances de la Sécurité sociale pour 2014, alors que les débats commencent tout juste pour les parlementaires.
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