Face à l’intérêt marqué des géants de l’Internet pour la santé et face à l’engouement pour le commerce en ligne en général, la question se posait de savoir si les Français s’étaient tournés vers les médicaments en ligne pendant la crise. Mais l’encadrement strict français en la matière, associé à une répartition harmonieuse des officines sur le territoire, n’a vraisemblablement pas poussé vers ce type de consommation. D’autant que les pharmacies ont massivement pratiqué le portage à domicile pour les patients les plus fragiles.
« On n’a pas mesuré l’effet de cette période particulière sur le commerce en ligne de médicaments, mais c’est un marché très limité en termes de lignes sur le compte de résultat d’une officine », remarque Philippe Becker, directeur du département pharmacie chez Fiducial.
En revanche, prévient-il, s’il était pharmacien, il se tiendrait sur ses gardes face aux GAFA qui « dépensent aujourd’hui beaucoup plus d’argent sur le médicament que sur la voiture électrique », parce qu'ils le considèrent comme « le gisement de pétrole des 50 prochaines années ». Or ils ont la logistique et les plateformes, une véritable « puissance de feu » face à la laquelle la pharmacie d’officine doit savoir « défendre son pré carré ».
Victoire contre Shop Apotheke
Un danger parfaitement identifié par Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), qui n’hésite pas à attaquer en justice lorsque des groupes étrangers ne respectant pas la législation française s’immiscent dans le marché du médicament en France. Le 1er octobre, il a gagné (avec d’autres pharmacies françaises et l’Association françaises des pharmacies en ligne - AFPEL) après 5 ans de procédure contre le site néerlandais Shop Apotheke, qui avait inséré ses dépliants publicitaires dans des boîtes à chaussures Zalando distribuées en France. La Cour de justice de l'Union européenne a confirmé que Shop Apotheke doit respecter l’interdiction de sollicitation de clientèle faite à toute pharmacie en France.
Le danger des plateformes de type Amazon a aussi été pris en compte par le gouvernement grâce au combat mené par l'ensemble de la profession contre certaines dispositions de la loi accélération et simplification de l'action publique (ASAP). Ainsi la notion de plateformes a-t-elle été supprimée dès le mois de février du projet de loi, avec d'autres dispositions. Au grand soulagement des pharmaciens.
Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), le e-commerce est incompatible avec la voie choisie pour la profession, basée sur les services, la prévention et le dépistage, l’accompagnement des patients fragiles. Il est tout aussi incompatible avec les nouveaux projets de paniers de soins de médicaments de prescription médicale facultative (PMF), délivrés dans un parcours de soins officinal, et pris en charge par les complémentaires santé par le biais d’un tiers payant automatisé comme pour les médicaments sur prescription médicale obligatoire (PMO). « Si on fait le choix du e-commerce, on se fait challenger et tous les moyens sont ouverts, ce qui fragilise la pharmacie. La pharmacie de premier recours, le parcours de soins officinal, la lutte contre l’iatrogénie et le mauvais usage du médicament, ça ne peut pas passer par le e-commerce. Face au patient, c’est le pharmacien qui dispense, pas une boîte aux lettres. »
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