Présentée début 2019, la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE2) prévoit l'établissement d'une liste des perturbateurs endocriniens (PE) par l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). « Dans un premier temps, nous allons compiler les listes existantes, réalisées dans d'autres pays comme le Danemark ou par des structures indépendantes comme certaines ONG. Le premier travail sera de définir la pertinence de ces différentes sources. Une fois cette première liste établie, nous procéderons à une analyse substance par substance, afin de proposer une classification en trois catégories : perturbateur endocrinien suspecté, présumé, ou avéré », explique Christophe Roussel, toxicologue, responsable de l'unité d'évaluation des substances chimiques à l'ANSES. Gros travail en perspective, dont le coup d'envoi sera donné dès la publication officielle de la SNPE2.
Déterminer l'effet-dose pour mettre en œuvre des actions pertinentes
En complément des travaux de l'ANSES, plusieurs équipes de recherche disséminées dans toute la France travaillent activement sur ces substances. À Poitiers, l'axe de recherche Hedex (Health, Endocrine Disruptors, Exposome), développé au sein du centre d'investigation clinique 1402 de l'INSERM et dirigé par le Pr Virginie Migeot, s'articule autour de deux objectifs majeurs : l'estimation de l'exposition, en particulier chez les femmes enceintes et les nouveau-nés à travers les produits de santé, et les moyens permettant de réduire l'exposition aux perturbateurs endocriniens. « Un de nos objectifs est de déterminer la relation entre l'exposition et les effets. Avec les PE, le modèle classique de toxicologie ne s'applique pas ; il n'est pas possible de préciser le NOAEL, c'est-à-dire la dose sans effet toxique observable comme on peut le faire pour une substance chimique. L'autre particularité, c'est que l'exposition n'entraîne pas de toxicité aiguë. Il faut donc créer un modèle spécifique permettant d'estimer la relation dose-effet, en s'appuyant sur un suivi à long terme », raconte Antoine Dupuis, professeur de pharmacie clinique et enseignant chercheur à la faculté de pharmacie de Poitiers. L'équipe Hedex dispose de plusieurs cohortes, dont une cohorte de femmes enceintes et une cohorte de nouveau-nés traités par des médicaments dès leur naissance.
Bienvenue à la Vie-La santé
En parallèle des travaux de mesure de PE dans l'organisme, l'axe interventionnel de Hedex permet de proposer des ateliers de formation dont l'objectif est de prévenir l'exposition aux perturbateurs endocriniens. « Pour cela, nous avons recréé une maison d'habitation, la « Vie-La santé ». Cette démarche nous permet ainsi de comparer l'exposition aux PE au sein d'un groupe n'ayant pas bénéficié de conseils versus un groupe ayant suivi les ateliers dans cette maison ». Les prélèvements soumis à un dosage sont réalisés à partir du sang, mais également du lait maternel, du colostrum, ou du tissu adipeux (les perturbateurs endocriniens se logent préférentiellement dans le tissu graisseux). Des travaux de toxicocinétique sont réalisés pour suivre la substance, comprendre son devenir dans l'organisme et dépister les métabolites qui en sont issus.
Les officinaux en demande d'informations
Les initiatives se sont multipliées pour guider le consommateur dans le choix des produits. Des applications sont développées pour faire le tri parmi les produits cosmétiques, mais leur pertinence reste à démontrer. En attendant la liste de l'ANSES, les professionnels de santé peuvent se référer aux avis et mises en garde émis au cours des dernières années. Consommateurs et pharmaciens devraient dans les prochains mois trouver auprès de l'agence Santé publique France des réponses concernant les substances chimiques présentes dans les habitations, dont les PE. Des initiatives locales sont également en cours d'élaboration. Consultée par l'ARS et l'URPS pharmaciens Nouvelle-Aquitaine, l'équipe Hedex prévoit d'organiser des formations sur la thématique des PE à destination des officinaux de la région. « Un premier atelier a eu lieu au sein de la Vie-La santé, pour définir les axes de cette formation », indique le Professeur Antoine Dupuis.
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