La migraine, la plus banale des maladies neurologiques, affecte environ 18 % des femmes et 6 % des hommes dans le monde et 6 à 10 millions de personnes en France. Elle concerne plus volontiers l’adulte (pic de prévalence entre 35 et 45 ans) et elle s’observe plus souvent chez la femme que chez l’homme pour des raisons d’origine hormonale.
Elle est liée à des stimuli environnementaux déclenchant, chez un sujet vulnérable (terrain génétique), un phénomène complexe voyant libérées dans le cerveau des substances pro-inflammatoires qui perturbent l’homéostasie neuronale et vasculaire, en engendrant une violente douleur souvent unilatérale, pulsatile, d’intensité modérée à sévère, qu’aggrave l’activité physique et volontiers associée à des nausées, des vomissements, une photo- et une phonophobie.
Facteurs déclencheurs
Divers facteurs environnementaux sont susceptibles d’induire une crise de migraine : facteurs psychologiques (contrariété, anxiété, choc, déménagement, changement de travail, chômage ou licenciement, vacances, voyages, surmenage), déshydratation, jeûne, hypoglycémie, irrégularité des repas, régime alimentaire (alcool, chocolat, graisse cuite, agrumes, yaourts, fromages riches en tyramine, glutamate, aspartam), facteurs endocriniens (contraception orale, migraines cataméniales pendant les règles), facteurs sensoriels (lumière, bruit, odeurs, fumée de cigarette, vapeurs de détergent), vibrations, variations de pression atmosphérique, chaleur, traumatisme crânien, modifications du rythme du sommeil, exercice physique, etc.
Types de migraines
La démarche fondant un diagnostic de migraine face à une symptomatologie céphalalgique comprend la description par le patient des crises et de leur contexte ainsi qu’un examen permettant de vérifier l’absence de lésions cérébrales. On distingue notamment :
- Migraine sans aura ou commune. Il s’agit de la plus banale des présentations : la céphalée s’installe progressivement, atteint un paroxysme en 2 à 4 heures puis se résout spontanément, en l’absence de traitement, en 4 à 72 heures La douleur unilatérale, pulsatile, peut irradier, être diffuse et l’hémisphère concerné peut changer entre les crises.
Son siège est fronto-temporal ou rétro-orbitaire, parfois occipital ou cervical. D’intensité modérée à sévère, elle est exacerbée par les mouvements et notamment par la toux. Les signes digestifs (nausées, vomissements, etc.) sont inconstants comme les signes sensoriels (photophobie, phonophobie, etc.). L’examen neurologique est normal entre les crises.
- Migraine avec aura ou « accompagnée ». Dans ce type de migraine, la céphalée suit généralement une (ou plusieurs) phase(s) de déficit neurologique focal, l’aura, mais elle peut en être contemporaine, voire même la précéder. La migraine ophtalmique en est une forme : elle se caractérise par des signes annonciateurs purement visuels (mouches volantes, scintillement lumineux au centre du champ puis en périphérie).
Traitement de la crise
Toujours symptomatique, le traitement de la crise de migraine est instauré le plus précocement possible, dès l’apparition des céphalées.
- Antalgiques. La douleur est avant tout traitée par les AINS. Cette prescription est logique car la migraine s’accompagne d’une inflammation des artères méningées et de l’extravasation de protéines plasmatiques algogènes.
L’ibuprofène bénéficie d’une indication spécifique dans la crise de migraine ; le kétoprofène est disponible sous une spécialité dédiée au traitement de la crise (Profémigr 150 mg) ; l’aspirine est associée au métoclopramide dans une spécialité (Migpriv) bénéficiant d’une indication dans le traitement symptomatique des nausées et des vomissements induits par une crise migraineuse.
Des gestes simples peuvent parfois avoir une efficacité remarquable : compression de la tempe du côté douloureux, application de compresses froides sur la tempe, ingestion de sucre, etc. Dans d’autres cas, il suffit que le patient reste allongé dans une pièce calme et obscure.
- Vasoconstricteurs. Des théories faisant résulter la crise migraineuse d’une vasodilatation localisée dans le cerveau, il est logique d’y répondre par administration de vasoconstricteurs.
- Alcaloïdes de l’ergot. Ces agonistes sérotoninergiques, antagonistes dopaminergiques et antagonistes alpha-adrénergiques, induisent une vasoconstriction systémique. Ils s’administrent précocement, en début de crise.
La dihydroergotamine (DHE : Dihydroergotamine Amdipharm injectable, Diergospray) peut être à l’origine de paresthésies des extrémités, de douleurs angineuses et d’un possible syndrome de Raynaud.
L’usage du nébulisat (Diergospray) expose essentiellement à une intolérance locale : sensation de nez « bouché » et sec, ou, inversement, écoulement nasal. L’ergotamine est proche de la DHE : la caféine (Gynergène Caféiné) favoriserait l’absorption intestinale de l’alcaloïde.
- Triptans. Les triptans (almotriptan, életriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan) induisent une vasoconstriction des vaisseaux sanguins méningés (agonisme 5-HT1B) et une inhibition de la libération des neuropeptides pro-inflammatoires et vasoactifs (agonisme 5-HT1D). Ils sont actifs sur l’ensemble de la symptomatologie migraineuse, à l’exception de l’aura (ils sont idéalement administrés dès l’apparition de la céphalée migraineuse). Pris lors de l’aura, ils risquent d’être inefficaces.
N’ayant que peu d’effets vasoconstricteurs périphériques, notamment sur les vaisseaux coronaires, ils ont un bon profil de tolérance. Leur utilisation expose à une iatrogénie bénigne et transitoire, liée à l’activité vasoconstrictrice : réactions cutanées, douleurs, sensation de chaleur ou de fourmillement, troubles circulatoires (« effet triptan » : sensation de striction ou de pesanteur dans la tête, le cou, le thorax, ne modifiant pas l’ECG et disparaissant en quelques heures), bouffées de chaleur, hypertension artérielle. Ces signes peuvent mimer une crise migraineuse.
Traitement prophylactique
La prescription d’un traitement de fond se justifie lorsque le patient est victime, plus de deux ou trois fois par mois, d’une crise ayant un retentissement sur la qualité de sa vie. Il est instauré en monothérapie, à posologie progressive, puis, si le nombre de crises est réduit, diminué au bout de 6 à 12 mois, quitte à être repris.
- Bêta-bloquants. Les bêta-bloquants agissent par leur action vasoconstrictrice et probablement antisérotoninergique : propranolol et métoprolol sont administrés lorsqu’il n’y a pas de contre-indication (asthme, bradycardie).
- Antagonistes sérotoninergiques. La spécificité des antagonistes sérotoninergiques indiqués dans le traitement de fond de la migraine (pizotifène = Sanmigran, oxétorone = Nocertone) est faible : ils agissent aussi sur la transmission histaminergique (risque de prise de poids avec le pizotifène ; risque de somnolence) et ont des propriétés anticholinergiques.
- Tricycliques. L’amitriptyline (Laroxyl) est préconisée dans les céphalées mixtes (migraine + céphalée de tension), à des doses inférieures (‹ 50 mg) à celles utilisées dans la dépression. Les effets secondaires sont une somnolence, une prise de poids et des signes anticholinergiques (sécheresse de la bouche, constipation, etc.).
- Inhibiteurs calciques. Ayant une action retardée et exposant à un risque de signes extrapyramidaux, de somnolence et de prise de poids, la flunarizine (Sibélium) est proposée en seconde ligne.
- Anticomitiaux. Avec une efficacité voisine de celle du propranolol, le topiramate est prescrit à la dose de 2x50mg/jour après adaptation progressive de la dose. Le valproate de sodium a une bonne efficacité (hors AMM).
La prise prolongée d’antimigraineux, notamment de dérivés de l’ergot ou d’antalgiques, peut entretenir un état de mal migraineux (phase céphalalgique excédant souvent trois jours et où les intervalles libres de céphalées sont le plus souvent ‹ 4 heures, sans compter les périodes de sommeil) ou induire des céphalées par abus de médicaments. Dans ce contexte, relaxation, acupuncture et biofeedback ont montré leur efficacité.
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