IL ÉTAIT UNE FOIS, au Brésil, dans la région de Bélem, une petite baie poussant sur une variété de palmiers au tronc multiple : l’açaï (Euterpe oleracea, Arecaceae). Selon les rumeurs, il paraîtrait que ce fruit permet de lutter contre l’anémie et même contre certains cancers et qu’il multiplie les performances sexuelles et sportives… Le fruit, là-bas, déchaîne les passions et attire les entrepreneurs. Il ressemble au cassis ou à la myrtille par sa forme sphérique et sa couleur violette très foncée mais il a le goût d’un mélange de chocolat et de baie sauvage. Il est consommé sous forme de jus de fruit, de compote, de sorbet, de yaourt, de biscuit, de liqueur, mais aussi de gélule. L’huile du fruit est exploitée pour fabriquer des produits de cosmétologie. Tapez « açaï » sur internet et vous vous demanderez pourquoi ce « fruit magique » aux « vertus exceptionnelles » et à l’« incomparable pouvoir antioxydant » n’est pas déjà dans vos assiettes…
L’açaï, devenu un des produits de base de la nourriture de la région, y a favorisé le développement économique local. Des projets existent aujourd’hui au Brésil pour planter des millions de spécimens dans les dix prochaines années. En effet, depuis 2-3 ans, la demande s’est élargie : la Californie, le Japon, l’Australie sont demandeurs, les pays d’Amérique du Nord souhaitent faire des compléments alimentaires à base d’açaï. Ce « boom », comparable à celui du noni il y a quelques années est-il justifié ? D’après Bernard Weniger, maître de conférences en pharmacognosie et molécules naturelles bioactives à la faculté de pharmacie de Strasbourg, l’açaï surfe sur une vague « exotique » exploitée par les spécialistes en marketing. Il explique que si en Amérique du Nord, les allégations des produits à base d’açaï sont centrées sur la perte de poids, la baisse du cholestérol et l’effet énergisant, il n’existe cependant pas de donnée clinique convaincante pour ces allégations.
Un antioxydant exotique.
L’açaï possède certes des propriétés antioxydantes de par la richesse de son jus en polyphénols, mais aucune activité pharmacologique majeure n’a été démontrée pour cette espèce.
En France, dans certains magasins, on peut trouver l’açaï commercialisé sous forme de jus. Il est reconnu en tant qu’aliment traditionnel dans l’Union européenne. Il n’a donc pas nécessité l’élaboration d’un dossier « novel food » (nouveaux aliments dont la consommation dans la communauté européenne a été négligeable ou inexistante jusqu’à présent et qui doivent satisfaire à des critères d’innocuité, de transparence et de nutrition pour être mis sur le marché), et sa commercialisation sous forme de jus ne pose donc pas de problème. Son statut de plante alimentaire étant reconnu, il pourrait être commercialisé sous forme de complément alimentaire si les autorités réglementaires nationales (la DGCCRF en France) statuent sur les demandes des industriels. Une fois que l’açaï sera accepté comme complément alimentaire dans un pays de l’Union européenne, son autorisation dans les autres pays de l’Union européenne sera quasiment automatique.
Reste à savoir si l’açaï aura un avenir aussi glorieux qu’on le dit au Brésil et s’il « méritera » de devenir un complément alimentaire… Bernard Weniger est sceptique : « Comme le « noni » et la grenade, l’açaí est un antioxydant « exotique » qui peut avoir éventuellement sa place dans une alimentation naturelle sous forme de jus. Pour le reste, aucune étude sérieuse n’a montré à ce jour que la prise de suppléments diététiques à base d’antioxydant avait des effets bénéfiques majeurs sur la santé humaine. »
La mode est aux jus de fruits exotiques qui bénéficient d’une publicité importante dans le monde et via internet. Les jus d’açaï, de noni, de goji en sont des exemples. Ils sont consommés pour leurs propriétés antioxydantes principalement. Mais les résultats scientifiques s’opposent aux autres vertus qu’on leur confère.
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