ON ASSISTE depuis plusieurs dizaines d’années à la propagation dans le monde d’Aèdes albopictus, communément dénommé moustique tigre, un moustique très anthropophile dont la piqûre est non seulement douloureuse mais également susceptible de transmettre un certain nombre d’arbovirus, parmi lesquels ceux de la dengue et du chikungunya.
Ayant commencé à s’installer en Italie du Nord à la suite de l’importation de pneus rechapés importés des États-Unis stockés à l’extérieur, ce moustique n’a cessé de progresser le long des voies de communication (il « voyage » sous forme d’œufs au sein de marchandises diverses par la route, l’avion et le bateau), avec une vitesse de l’ordre de 100 km par an. Il faut donc souligner que sa dynamique d’expansion est liée aux activités humaines… les sujets infectés par des virus susceptibles d’être transmis à l’occasion d’une piqûre de moustique se déplaçant également.
Un virus mutant du chikungunya.
« La vague épidémique de chikungunya en 2004, qui a notamment sévi à La Réunion, s’explique par l’implantation du moustique tigre dans cette île à la faveur de l’éradication dans les années cinquante d’une autre espèce de moustique Aèdes ægypti lors de grandes campagnes d’éradication des vecteurs du paludisme et l’arrivée d’un sujet infecté qui avait alors été piqué par des Aèdes albopictus », indique Anna-Bella Failloux. Et d’ajouter que le moustique tigre a sélectionné un virus mutant du chikungunya capable de gagner les glandes salivaires du moustique en seulement 2 jours après une première piqûre chez un sujet infecté, ce qui est extrêmement court pour réagir ; par comparaison, ce délai est de l’ordre de 7 jours pour le virus de la dengue chez Aèdes albopictus.
Deux points essentiels doivent être présents à l’esprit. D’une part, le moustique tigre, originaire d’Asie, présente une plasticité écologique large, colonisant aussi bien les villes que les campagnes et possède des œufs « durables », autrement dit capables de supporter à l’état quiescent aussi bien la sécheresse que de basses températures. Cette dernière caractéristique explique le succès de la dissémination de ce moustique à travers le monde.
« Avec néanmoins l’avantage que dans les pays européens, à l’inverse de ce qui se passe dans les pays tropicaux, l’arrivée de l’hiver interrompt le cycle de reproduction des moustiques », souligne Anna-Bella Failloux.
Comment expliquer les effets du changement climatique sur l’expansion du moustique tigre ? « Si l’on simplifie la notion de changements climatiques en ne considérant que les aspects de réchauffement de l’atmosphère, on peut considérer trois types d’impact au regard de ce moustique observés en Europe, à savoir une réduction du temps séparant l’éclosion de l’œuf de la formation de l’insecte adulte, qui est passé de 10 jours à 7 en moyenne, un phénomène entraînant une augmentation du nombre de générations de moustiques sur le terrain, de la densité de ces derniers et donc de la probabilité d’être piqué, et un élargissement de la période de l’année durant laquelle le moustique peut être présent, actuellement entre mai et octobre contre juin et septembre auparavant, et, enfin, une accélération de la réplication virale au sein du moustique rendant la transmission plus intense », détaille Anne-Bella Failloux.
Déjà présent dans 17 pays européens.
Depuis le début des années soixante et surtout 80, des modifications des paramètres climatologiques en Europe, et notamment dans le sud de la France, le nord de l’Italie, le nord de l’Espagne, la côte est de la mer Adriatique et l’ouest de la Turquie ont constitué des conditions propices à l’installation du moustique tigre. D’une manière générale, les hivers sont devenus progressivement plus doux et les étés plus chauds et plus humides.
Le moustique tigre est en passe de coloniser tout le pourtour méditerranéen et il est déjà présent dans 17 pays européens.
Une récente étude réalisée par des chercheurs de Liverpool (Grande-Bretagne), basée sur les relevés météorologiques européens depuis 1950, tend à établir un parallèle entre les variations de divers paramètres (température, humidité, précipitations) et de facteurs environnementaux et l’expansion du moustique tigre sur le continent. Selon le modèle développé à cette occasion, ces chercheurs pronostiquent un déplacement vers le nord de l’aire d’extension de l’insecte, au fur et à mesure que les conditions deviendront plus chaudes et plus humides et corrélativement une relative limitation en ce qui concerne le sud, les étés devenant plus secs et plus chauds.
La nécessaire lutte collective.
La lutte contre le moustique tigre passe par la protection mécanique (vêtements, répulsifs) ainsi que par la veille et la destruction des sites larvaires organisée par les Ententes interdépartementales pour la démoustication.
Les enjeux sont importants quand on sait que le moustique tigre peut transmettre pas moins de 22 virus différents. Au-delà du chikungunya et de la dengue, déjà cités, on peut évoquer aussi la fièvre jaune (contre laquelle nous disposons heureusement d’un vaccin très efficace bien toléré et conférant une protection prolongée), la fièvre de la vallée du Rift, l’encéphalite de la Murray Valley (endémique en Australie) ou encore l’encéphalite japonaise…
Mais, dans les régions concernées, la lutte doit être aussi l’affaire de tout un chacun, ce qui implique une bonne diffusion d’information et une éducation de la population. On n’en a pas toujours conscience, mais le moustique qui tourne autour de nous ou qui nous a piqués a le plus souvent vu le jour dans un rayon de seulement quelques dizaines de mètres. Le fait de supprimer soigneusement toutes les collections d’eaux stagnantes existant dans l’environnement domestique (soucoupes, vases, gouttières bouchées…), représentant autant de sites de pontes potentiels, constituent des gestes très efficaces, mais sous réserve d’une mise en œuvre générale.
« Il y aura certainement beaucoup de moustiques cet été, la France accueillera de nombreux touristes venus de l’étranger et de nombreux Français reviendront en France après avoir voyagé dans des zones tropicales où sévissent des arboviroses, ce qui va générer un risque potentiel de transmission, notamment de chikungunya. Dans ce contexte, il est donc essentiel dans les zones exposées de renforcer les messages de prévention, d’inciter les patients présentant une symptomatologie évocatrice de consulter rapidement un médecin et de placer ceux-ci sous moustiquaire afin d’empêcher toute transmission à d’autres personnes », conclut Anna-Bella Failloux.
Article précédent
Une exposition sur le paludisme, à Paris
Article suivant
De drôles de remèdes contre les piqueurs
Un traitement en or contre l’amibiase
Les erreurs à ne pas commettre
Une exposition sur le paludisme, à Paris
Quand le « moustique tigre » profite du réchauffement climatique
De drôles de remèdes contre les piqueurs
Priorité aux présentations pratiques
Jamais sans ma contention !
Ne pas négliger le risque de MST en terre inconnue
Vos clients sont-ils à jour de leurs vaccinations ?
Selim T., 34 ans
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques