LA LUTTE antivectorielle est un élément essentiel de la stratégie mondiale de lutte contre certaines grandes endémies, à commencer par le paludisme. D’ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a choisi de consacrer sa dernière Journée Mondiale de la Santé (7 avril 2014) aux maladies à transmission vectorielle.
Bien connaître l’ennemi.
« Il est essentiel de bien connaître la biologie des vecteurs pour adapter au mieux les stratégies de prévention et de lutte », souligne le Pr Didier Fontenille (Institut de recherche pour le développement, directeur du centre national d’expertise sur les vecteurs). Le vecteur pique-t-il préférentiellement le jour ou la nuit ? Où vit-il ? Où pond-il ses œufs ? Le Dr Anna Bella Failloux (entomologiste, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur, Paris) rappelle que chez les moustiques, seules les femelles piquent, afin de se procurer les protéines nécessaires à la ponte, que ceux qui piquent plutôt la nuit (Anophèles - peu adaptés aux villes, Culex) peuvent transmettre le paludisme, certaines arboviroses (virus du Nil occidental, encéphalites américaines, encéphalite japonaise) et des filarioses, tandis que ceux qui préfèrent le jour (Aèdes - très adaptés aux conditions urbaines) peuvent transmettre d’autres arboviroses comme la dengue et le chikungunya.
De la protection individuelle aux grandes campagnes de lutte.
La protection individuelle passe par la chimioprophylaxie, quand elle existe, ce qui est le cas du paludisme, l’emploi de répulsifs et de moustiquaire imprégné d’insecticide. À ce sujet, rappelons que le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publie chaque année des « Conseils aux voyageurs » qui comprennent une liste de produits biocides et de répulsifs recommandés, dont l’efficacité est attestée.
La lutte à grande échelle contre le paludisme, qui a enregistré de grands progrès lors des dernières décennies avec une réduction de moitié du nombre de décès, utilise la distribution massive de moustiquaires (diminution du réservoir humain), l’emploi mesuré d’insecticides (auxquels les insectes sont de plus en plus résistants, sans compter les problèmes de leur toxicité pour l’environnement), notamment sur les murs intérieurs des habitations.
Un moyen très efficace pour lutter contre toutes les espèces de moustiques consiste à empêcher la ponte en détruisant les gîtes larvaires : suppression des petites collections d’eau (vases, soucoupes sous les pots de fleurs, bidons abandonnés, gouttières mal nettoyées…), poissons larvivores comme les guppys, épandage d’insecticides biologiques (Bacillus thuringiensis israelensis)… Cette stratégie est notamment mise en œuvre contre les Aèdes (dengue et Chikungunya) à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Néanmoins, on observe un ralentissement progressif des gains obtenus ce qui signifie que l’on a atteint les limites des stratégies actuelles.
L’espoir des méthodes alternatives.
Le Pr Fontenille et le Dr Failloux pointent conjointement du doigt la nécessité de s’intéresser aux nouvelles approches.
C’est ainsi que les chercheurs français s’intéressent notamment aux pièges attractifs, dans lesquels les moustiques seront tués ou leurs œufs qui y seront pondus ne se développeront pas du fait de l’imprégnation de leurs parois avec un régulateur de croissance.
Mais actuellement, les plus grands espoirs sont fondés sur deux autres méthodes de contrôle des populations de moustiques, à savoir le lâcher de moustiques mâles stériles et l’infection par des Wolbachia.
Les études sur la technique de l’insecte stérile sont très avancées et ont été validées en laboratoire sous l’égide des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement, avec comme prochain objectif de pratiquer des tests en milieu ouvert à La Réunion dès l’année prochaine en effectuant des lâchers réguliers de mâles stérilisés par irradiation, précise le Pr Fontenille. « Le but poursuivi n’étant pas d’éradiquer les moustiques, ce qui risquerait de créer un vide écologique, mais de constituer un cordon sanitaire autour des habitations », souligne ce dernier.
Dans d’autres pays, comme le Brésil, on utilise une variante dans laquelle les insectes (en l’occurrence Aèdes ægypti) sont rendus stériles par l’introduction d’un gène particulier.
Quant à l’infection des moustiques par les bactéries Wolbachia qui rend stérile la descendance de ces insectes, elle est utilisée avec succès en Australie contre Aèdes ægypti depuis ces dernières années.
L’épée de Damoclès en France métropolitaine du moustique tigre.
Originaire d’Asie, Aèdes albopictus, également dénommé moustique tigre en raison de son aspect (il pique en début de matinée et en fin d’après-midi), s’est installé définitivement en France depuis 2004 et a été responsable en 2007 d’une épidémie d’environ 250 cas de chikungunya en Italie à partir d’un seul voyageur venu d’Inde et resté seulement 4 heures en transit (!), rappelle le Dr Failloux. Or ce moustique est également vecteur de la dengue.
Depuis ces 10 dernières années il s’est répandu dans une vingtaine de départements du sud de la France et en gagne de nouveaux chaque année.
Face à la probable venue en France de personnes atteintes de dengue ou de chikungunya il faudra agir vite et circonscrire les cas identifiés, isolant celles-ci par des moustiquaires afin de leur éviter d’être piquées par le moustique tigre et rompre la chaîne de contamination et intervenir au niveau des zones concernées.
« Il sera aussi important de désamorcer les craintes excessives au sein de la population qui pourraient alors surgir », avertit le Pr Fontenille.
Celui-ci conclut en appelant à signaler sur un site dédié (www.signalement-moustique.fr) toutes les personnes qui pensent avoir été piquées par un moustique tigre, ce qui fera gagner du temps pour mener rapidement des interventions dans les régions à risque.
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