L’agencement de pharmacies s’est-il trouvé un jour face à des défis aussi majeurs qu’aujourd’hui ?
Loin de répondre juste à des tendances ou d’être dans l’air du temps, la pharmacie se trouve en cette rentrée soumise à deux mouvements de fond qui tendent à modifier profondément la façon de concevoir son agencement. Le premier lui est propre, un mouvement initié par la loi HPST mais qui a pris une ampleur spectaculaire l’année dernière où la conception des nouvelles missions du pharmacien s’est trouvée bousculée par la crise sanitaire. En jeu, la capacité des pharmacies à aménager leur espace de telle sorte que le conseil et le soin y trouvent toute leur place, sans toutefois abandonner leur aspect commercial.
Le second mouvement est lui d’ordre sociétal, plus profond, celui qui tend vers une société plus attentive aux préoccupations écologiques, un mouvement si profond qu’il influence la conception même des agencements jusqu’à leurs aspects les plus éphémères et changeants, les coloris par exemple. L’agencement, c’est désormais pour le pharmacien un moyen d’illustrer ce qu’il est devenu aujourd’hui, un métier unique qui regroupe tous les univers. C’est le point de vue d’Ibtisseme Khachremi, responsable de marché au Groupe Korus, un nouveau venu dans l’agencement des pharmacies, mais rompu à l’exercice dans bien d’autres secteurs. « L’officine est un lieu de vente bien sûr, mais aussi de services, comparable en cela à la banque par exemple, mais aussi un espace qui appartient au tertiaire, avec des équipes qui y passent beaucoup de temps, et enfin depuis peu un lieu de soins », affirme-t-elle. On a beau chercher, aucun espace ne rassemble toutes ces caractéristiques.
Commencer par la gestion des flux
Ceci posé, rien n’est moins facile que d’aller vers cette confluence de différents univers. Cela ne concerne pas du reste toutes les pharmacies, les plus commerciales en sont sans doute à l’écart. Mais cela oblige les autres à faire des choix. Un sujet que les agenceurs entendent aborder avec le concours des merchandisers (lire encadré).
Si on prend la problématique du point de vue du client qui entre dans une pharmacie, la première grande transformation pour lui est le sens de circulation, et c’est un sujet que les pharmaciens consentent enfin à aborder. « Longtemps de nombreuses pharmacies ont craint d’être comparées à la grande distribution, explique Ibtisseme Khachremi. Et les clients allaient directement au comptoir sans passer par l’espace de vente faute d’avoir travaillé sur un parcours patient. »
La crise du Covid est passée par là, et « le parcours du patient est devenu désormais un sujet important », approuve Michel Julin, directeur France de TH Kohl. Pour ce dernier, compte tenu de l’importance prise par l’aspect soins et services dans l’officine, il est judicieux de placer la ou l’une des cabines de la pharmacie proche de l’entrée. « L’idéal serait de permettre au patient d’y entrer directement depuis l’extérieur », ajoute-t-il. Mais cela n’est pas contradictoire avec l’esprit commercial qu’entend préserver l’officine, avec une partie importante de l’exposition des produits dès l’entrée. Le client est alors invité à circuler dans l’espace de vente et à découvrir les différents univers de l’officine avant d’arriver au comptoir.
« Ce n’est pas forcément un chemin unique », précise néanmoins Michel Julin, satisfait de voir qu’enfin de plus en plus de pharmaciens prennent en compte la gestion des flux. Celle-ci est indissociable de l’autre conséquence qu’entraîne la mutation du métier de pharmacien, la disparition d’un espace de vente uniforme avec des linéaires muraux massifiés et d’une zone centrale uniquement dédiée à la vente. Et ceci au profit d’une segmentation et une théâtralisation d’espaces bien distincts. Ce n’est pas une totale nouveauté, cela fait des années que l’on en parle, les espaces de confidentialité par exemple, mais le mouvement prend une ampleur peut-être inattendue. « Ce n’est plus une seule cabine qu’il nous faut mettre en œuvre, mais au moins deux, voire trois », soutient ainsi Patrick Laurency, directeur régional de Boursin Agencement. « On les positionne beaucoup mieux aujourd’hui, c’est plus lisible, plus attractif, car auparavant, l’aménagement de ces cabines était le parent pauvre de l’agencement. » Et cette tendance va de pair avec le reste de la transformation de l’officine. « L’agencement, c’est un château de cartes, quand on touche un élément, tout bouge derrière », ajoute Patrick Laurency.
Nature rime avec épure
La création d’espaces distincts illustre aussi un mouvement sociétal profond, l’importance acquise désormais par les questions écologiques. « L’OTC recule nettement dans les espaces de ventes et ce au profit d’espaces consacrés à la phytothérapie et à tout ce qui est naturel », précise Ibtisseme Khachremi. D’où le travail des agenceurs sur un agencement plus évocateur, avec des matières et des couleurs qui invitent les clients à repérer, parfois de manière inconsciente peut-être, selon Patrick Laurency, ces codes. Parmi lesquels les couleurs, amenées à rappeler les matières dans leur aspect brut, la brique, l’ardoise, le bois, le fer…
Mais mettre en valeur l’écologie dans un espace de vente ne signifie pas être écologique soi-même. C’est pour cette raison que certains agenceurs en viennent à penser leur agencement sous un angle plus durable, avec des mobiliers modulaires dont plus de la moitié peut être recyclable pour Boursin Agencement, avec une attention croissante sur les matières utilisées et notamment sur leur aspect recyclable pour Th Kohl. JBCC a même de son côté lancé en ce début d’année une gamme de mobiliers qui répond aux exigences d’une vision écologique globale. L’agenceur a cherché à remplacer au maximum tous les matériaux utilisés pour cette gamme de sorte à respecter les normes environnementales les plus exigeantes. Et cela en prenant en compte tous les aspects d’une démarche écologique globale, comme par exemple des circuits d’approvisionnements courts (cf. « le Quotidien du pharmacien » du 2 mars dernier).
Ces différentes approches plus écologiques pourraient poser des limites en termes de créativité, mais ce n’est pas le cas, en tout cas pour l’instant. Les agenceurs soulignent la complémentarité de cet esprit environnemental qui envahit toutes les strates de la société avec ce minimalisme, cette épure presque que l’on constate dans la décoration, dans tous les secteurs et jusqu’aux intérieurs domestiques. Un design à la japonaise qui s’insère partout, y compris en pharmacie.
Article précédent
Comment l’officine s’adapte au télésoin et à la pharmacie à distance
Article suivant
Vers un marquage invisible en amont de la chaîne
Comment les enceintes réfrigérées modernes ont remplacé les frigos d’antan
Isabelle Vitali : « Le digital doit libérer du temps pour l'échange »
Quels indicateurs pour mieux connaître sa clientèle ?
La simulation 3D au service de l'imagination
Que peut-on vraiment attendre d'un site Internet de pharmacie ?
Entretiens, vaccinations, TROD : le triomphe des applis de prise de rendez-vous
Un robot, pour quoi faire ?
Comment l’officine s’adapte au télésoin et à la pharmacie à distance
L’agencement des pharmacies à la confluence de tous les univers
Vers un marquage invisible en amont de la chaîne
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin