Le Quotidien du pharmacien. - Comment pourrait-on définir le groupe des maladies tropicales négligées ?
Dr Gautam Biswas.- Les maladies tropicales négligées sont un groupe de maladies transmissibles qui sévissent dans les pays à ressources limitées. On compte dans le monde 2,7 milliards de personnes vivant avec moins de 2 $ US par jour (ce sont les populations les plus pauvres), dont plus d’un milliard souffrent d’une ou plusieurs maladies tropicales négligées.
La pauvreté favorise la présence et la propagation de ces maladies qui, à leur tour, aggravent et entretiennent le dénuement dans lequel vivent les communautés touchées. Autrefois largement répandues, les maladies tropicales négligées ne sévissent aujourd’hui que dans des zones rurales isolées, dans des bidonvilles et dans les zones de conflits.
La plupart de ces maladies ont progressivement disparu de nombreuses régions du monde au fur et à mesure que les conditions de vie et d’hygiène se sont améliorées. Les maladies tropicales négligées peuvent entraîner la cécité, une incapacité, des déformations ou d’autres handicaps. Certaines de ces maladies, comme la dengue et la rage, sont largement répandues et se propagent constamment dans de nouvelles zones géographiques.
Accroissement démographique, mouvements de population et réchauffement climatique, quel facteur joue le plus sur l'émergence de ces maladies ?
Si des progrès impressionnants ont été réalisés dans la lutte contre les maladies tropicales négligées, tels l’onchocercose, la filariose lymphatique et la maladie de Chagas, la charge de morbidité de nombreuses autres maladies à transmission vectorielle a augmenté ces dernières années. Depuis 2014, d’importantes flambées épidémiques de dengue, de chikungunya et autres tels Ébola, le Zika etc, ont touché la population de bien des pays, entraînant de graves perturbations sociales et économiques et provoquant de nombreux décès et surchargeant les systèmes de santé.
Il est aussi vrai de dire que des facteurs sociaux, démographiques et environnementaux ont modifié les schémas de transmission des agents pathogènes qui se sont traduits par une intensification, une propagation géographique, une réémergence ou un prolongement de la transmission saisonnière. En particulier, l’urbanisation sauvage, l’absence d’un réseau fiable de canaux d’approvisionnement en eau et la gestion inadéquate des déchets solides et des excréta peuvent exposer de vastes populations urbaines au risque de maladies virales et parasitaires propagées par les moustiques et autres vecteurs.
L’intensification des voyages et des échanges commerciaux à travers le monde, combinée à des facteurs environnementaux, comme la modification des schémas d’utilisation des sols (déforestation par exemple) et le changement climatique, pourrait également avoir un effet. Ensemble, ces facteurs influent sur les populations de vecteurs et sur les schémas de transmission des agents pathogènes à l’origine de beaucoup de maladies.
Quelle stratégie met en place l'OMS pour limiter l'expansion de ces maladies ?
L’OMS a mis en place différentes stratégies pour lutter contre les dangers qui nous guettent. À elle seule, l’OMS ne peut pas tout faire et cela nécessite la collaboration de tous les pays. L’OMS travaille à répondre aux besoins des pays et des populations affectées par la résurgence des maladies transmissibles.
Du coté des maladies tropicales négligées, l’OMS préconise cinq stratégies de santé publique : l’extension de la chimiothérapie préventive ; l’intensification de la détection de et la prise en charge des cas ; l’amélioration de la lutte anti-vectorielle ; l’application de mesures de santé publique vétérinaire appropriées ; et la garantie d’une eau sans risque sanitaire et de moyens d’assainissement et d’hygiène.
Bien qu’une seule de ces approches puisse être privilégiée pour lutter contre une maladie ou un groupe de maladies précis, la lutte est souvent plus efficace lorsque ces cinq stratégies sont associées et appliquées au niveau local.
Par ailleurs de nombreux pays d’endémie prévoient dans leurs politiques et dans leurs budgets des activités destinées à prévenir et combattre les maladies tropicales négligées, ce qui a permis de mettre au point des interventions adaptées aux systèmes de santé existants, souvent avec le soutien de partenaires pour leur mise en œuvre.
Même si les médicaments dédiés à ces maladies sont le plus souvent gratuits, il faut encore les distribuer. N'est-ce pas là l'obstacle ultime de la prise en charge des maladies tropicales négligées ?
En effet, la tâche de distribuer les médicaments offerts gratuitement par les compagnies pharmaceutiques est énorme. Premièrement, l’OMS se charge de s'assurer que ces médicaments sont de haute qualité.
La fourniture gratuite de médicaments est un exemple frappant de l’action des partenariats, tout comme la mise à disposition de ressources supplémentaires pour agir au niveau des pays et permettre aux patients d’accéder plus facilement aux traitements. Les dons généreux de médicaments par les compagnies pharmaceutiques ont permis de surmonter certains obstacles financiers et aux programmes d’étendre leur couverture.
Une stratégie basée sur la chimiothérapie préventive est appliquée pour protéger l’ensemble des populations à risque et pour réduire les réservoirs d’infection. Le fait que beaucoup de ces maladies soient présentes simultanément dans une même région géographique présente des avantages sur le plan pratique : les traitements préventifs sont intégrés afin de pouvoir combattre plusieurs maladies en même temps tout en rationalisant la logistique et en réduisant les coûts.
De la même manière, une approche intégrée de la lutte antivectorielle nous permet de tirer le meilleur parti des ressources et des outils servant à lutter contre les maladies à transmission vectorielle.
Les travaux de recherche visant à mettre au point de nouveaux outils (médicaments, instruments de diagnostic, vaccins et dispositifs médicaux) et à améliorer l’utilisation de ceux qui existent déjà se sont multipliés. Ce mouvement continue à prendre de l’ampleur.
La contribution financière des gouvernements et des fondations a été considérable. À la fin 2015 et 2016 respectivement, plus d’un milliard de personnes avaient bénéficié d’une chimiothérapie préventive pour au moins une maladie tropicale négligée.
Par exemple, en 2016, près de 1600 tonnes de médicaments utilisés pour des interventions de chimiothérapie préventive ont été livrées par l'intermédiaire de l'OMS à plus de 100 pays endémiques dans le monde entier; plus de 1,5 milliard de comprimés sont livrés chaque année aux pays qui font la demande de ces médicaments.
Pour certaines maladies, les données montrent que la transmission baisse nettement lorsqu’un seuil donné est atteint pour la couverture de la population, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’éliminer plusieurs de ces maladies anciennes d’ici à 2020 si on redouble encore d’efforts pour étendre la chimiothérapie préventive.
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