UNE ENQUÊTE BVA Healthcare de mars 2010*, portant sur les attitudes et comportements des médecins généralistes vis-à-vis des génériques, avait déjà suscité quelque inquiétude. Certes, 80 % des médecins interrogés considéraient que les génériques n’étaient pas des médicaments du passé, 63 % qu’ils étaient éprouvés sur le plan de leur efficacité et de la sécurité et 60 % qu’il n’y avait aucune raison de ne pas les prescrire en première intention. Mais, concrètement, les médecins paraissaient déjà moins engagés ou trouvaient même quelques raisons de renâcler. Un sur deux parlait d’abandon de son indépendance de prescription, 22 % seulement consultaient le Répertoire des génériques (4 % très régulièrement) et 81 % estimaient qu’il était plus simple de mentionner un nom de marque. Au final, 56 % prescrivaient au moins une spécialité générique par ordonnance (au sein du répertoire), près de 95 % se disaient en mal d’informations et seulement 47 % étaient favorables au développement de la prescription des génériques.
Un constat pour 85 % des pharmaciens.
Depuis, le manque d’enthousiasme des médecins s’est confirmé et la méfiance amplifiée, contribuant fortement au recul des génériques. Dans une enquête sur les élections aux URPS, réalisée en octobre 2010 (auprès de 1 066 pharmaciens) par la société Cal Medi Call pour le « Quotidien », 70 % des officinaux interrogés constataient une augmentation du nombre de mentions « Non Substituable » sur les ordonnances reçues au comptoir. Dans une autre enquête, menée en août dernier par l’Union des syndicats de pharmacies d’officine (USPO) auprès de 3 800 pharmaciens, plus de 85 % d’entre eux affirmaient être confrontés à une hausse inquiétante de la mention NS.
En avril dernier, une étude de Smart Pharma Consulting (50 pharmaciens interrogés) avait cherché à comprendre les raisons de la résistance de certains princeps à la concurrence des génériques autour de trois médicaments (rispéridone-Risperdal, fentanyl-Durogésic, buprénorphine-Subutex). Mais ceux-ci sont indiqués dans des pathologies complexes et/ou sévères et leur substitution est délicate (lire aussi notre article en page 14). Ces cas particuliers, même s’ils ne sont pas rares, ne peuvent expliquer la montée en puissance globale de la mention NS sur les ordonnances.
Obstruction ?
Pour l’instant le CAPI**, dont un volet est précisément l’augmentation des prescriptions au sein du répertoire générique, ne semble pas inverser la tendance. « La mention NS est de plus en plus souvent utilisée de façon inadaptée et parfois systématique. On voit réapparaître les tampons (offerts) « ne pas substituer » et les libellés « non substituables » tapés à la machine, apposés sur chaque ligne d’ordonnance… », regrette Gilles Bonnefond, président de l’USPO. « Conventionnellement, les médecins aussi contribuent à la promotion des génériques. Je comprends très bien qu’ils ne s’intéressent pas à la partie économique de la prescription, mais qu’ils n’empêchent pas les officinaux de la gérer ! Ils ne doivent pas pratiquer l’obstruction, c’est inacceptable et déraisonnable. Nous sommes revenus à des comportements d’il y a 10 ans ».
Selon lui, la principale raison de cette montée en charge massive de la mention NS sur les ordonnances est l’influence des laboratoires. « Nous le constatons qu’à chaque fois qu’une molécule majeure tombe dans le domaine public, la visite médicale contre-attaque de façon exagérée… Les contre-vérités sont parfois véhiculées par des médecins hospitaliers, par méconnaissance surtout. De telles déclarations discréditent le générique et influencent forcément les praticiens ». D’autant plus que les messages peuvent être brouillés et accroître leur méfiance. « Les mises en garde de l’Afssaps sur certaines molécules créent, compte tenu de la façon dont elles sont communiquées, une certaine inquiétude, néfaste à la substitution », pense Hubert Olivier, P-DG de Teva-Ratiopharm et vice-président du GEMME.
Pour stopper la montée en puissance du non substituable, il existe cependant des solutions, estime-t-il. Une meilleure information des médecins, mais aussi la mise en place d’urgence d’un système pour mesurer le nombre de mentions NS sur les ordonnances (notre édition du 11 octobre 2010). Gilles Bonnefond aussi la réclame mais il a des doutes : « il faut avoir la volonté de le faire »
** Contrat d’aide à la performance individuelle.
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