SELON l’UNIFAB, le syndicat des fabricants, grâce au monopole pharmaceutique réservant la distribution de médicaments aux officines, aucun produit contrefait n’a été jusqu’ici détecté dans les pharmacies françaises, contrairement aux Pays-Bas, en République tchèque et surtout au Royaume-Uni… Mais, comme dans les autres pays, les Français sont de plus en plus exposés au trafic de faux sur Internet qui représente désormais plus de 50 % des médicaments achetés en ligne, de plus en plus souvent pour des pathologies graves. En 2011, plus de 65 000 boîtes de médicaments contrefaits ont ainsi été saisies par les douanes françaises. Un bond par rapport aux années précédentes.
Une charte contre la cyber-contrefaçon.
Ce trafic hautement lucratif, représentant aujourd’hui 10 % du marché pharmaceutique mondial, la lutte s’organise depuis quelques années au niveau planétaire. Témoin la quatrième édition, en septembre 2011, de la vaste opération internationale Pangea coordonnée par Interpol et l’Organisation mondiale des Douanes, visant les réseaux illégaux de vente de médicaments sur Internet. Menée dans 81 pays dont la France, elle a encore donné lieu à des saisies de millions de comprimés et à des arrestations. Mais de telles actions ne suffisent pas face à la montée en puissance de ce dangereux trafic.
En France, une première charte de lutte contre la cyber-contrefaçon, médicaments inclus, a été signée en décembre 2009 entre plates-formes de commerce en ligne et titulaires de droits de propriété comme les industriels pharmaceutiques. De très nombreux laboratoires (GSK, Lilly, MSD, Novartis, Pierre Fabre, Pfizer, Roche, Sanofi Aventis, Servier) ainsi que le LEEM (Les entreprises du médicament) l’ont signée. Ce dispositif est devenu pérenne en février 2012 et deux nouvelles chartes d’engagement, signées par des plates-formes de petites annonces sur Internet et 8 opérateurs postaux, sont venues renforcer la coopération entre les différents acteurs. Résultat, selon le ministère chargé de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique : depuis 2009, les tentatives de vente de contrefaçons ont baissé de 40 % sur chacune des plates-formes engagées.
La convention Medicrime.
Par ailleurs, les ministres français de la Santé et du Budget ont présenté en septembre dernier un « plan de lutte contre la contrefaçon des produits de santé » en 4 points, qui prévoit aussi des actions de sensibilisation des consommateurs aux risques des contrefaçons des produits de santé. Espérons qu’il est sur les rails et sera maintenu par la nouvelle équipe gouvernementale car le temps presse.
Autre moyen de riposte qui devrait compliquer la vie des faussaires et des trafiquants : la convention Medicrime, signée en décembre 2010 par les ministres du Conseil de l’Europe. Elle criminalise la contrefaçon des produits de santé qui, jusqu’ici, constituait seulement un délit, assorti de faibles sanctions fort peu dissuasives. C’est le premier instrument juridique international qui oblige les états (signataires) à ériger en infraction pénale la fabrication, la mise sur le marché, l’importation ou l’exportation de produits et dispositifs médicaux contrefaits ou non autorisés et la falsification de documents. Un espoir donc, mais Medicrime, ouverte à la signature de 47 pays européens lors d’une conférence à Moscou en octobre 2011, entrera en vigueur quand 5 pays au moins l’auront ratifiée. À suivre.
Vers un système européen de traçage ?
C’est pour accélérer la lutte que le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPEU) vient de valider un système de traçage dit European Skateholder Model (ESM) qui repose sur des codes-barres propres à chaque boîte, lisibles par tous les intervenants de la chaîne du médicament, y compris en cas de réimportation. Actuellement, seuls 5 pays européens (France, Italie, Belgique, Grèce, Turquie) disposent de systèmes de traçage nationaux. Un autre dispositif de traçage anti-contefaçons (eTact), mis au point par la Direction européenne de la qualité du médicament, a été récemment présenté au Conseil de l’Europe. Il serait bien entendu souhaitable, pour des raisons de coût et d’efficacité, que l’Europe se dote d’un système unique, mais chaque pays a la liberté de choix. Par ailleurs, ces dispositifs sont sans effet sur les produits vendus hors des circuits classiques notamment par les pharmacies virtuelles off shore, pourtant grandes pourvoyeuses de produits falsifiés. Il faudrait que les acheteurs puissent, eux aussi, s’assurer de l’authenticité des boîtes en lisant les codes-barres sur un smartphone ou sur Internet et soient bien informés…
Un laboratoire central anti-contrefaçons.
Les laboratoires pharmaceutiques ont pris très tôt la mesure du danger et n’ont pas attendu que les états s’entendent. Sanofi Aventis, déjà engagé dans cette lutte, a ainsi inauguré dès 2008, sur son site de Tours, le premier Laboratoire central européen anti-contrefaçons (LCAC), doté d’une équipe de chimistes, d’enquêteurs et d’experts travaillant en réseau avec ses 80 autres sites du groupe et ses différents services (juridique, financier, etc.), capable de remonter la piste des contrefacteurs et d’identifier leur pays d’origine. Le LCAC centralise aussi les « cartes d’identité » des contrefaçons répertoriées au sein d’une base de données unique, à même d’effectuer des rapprochements entre les différentes contrefaçons. Un outil indispensable à la disposition des autorités de santé, de police, des douanes. Sanofi a aussi été le premier laboratoire français à tester le marquage DataMatrix 2D qui peut contenir un très grand nombre de caractères sur une petite surface et assure, avec une grande fiabilité de lecture, la traçabilité de chaque boîte de médicaments jusqu’à sa délivrance au patient.
Contrôles tous azimuts.
Les autres grands laboratoires comme Pfizer, très concerné par les contrefaçons de Viagra, ne sont pas en reste dans l’utilisation de dispositifs anti-copie : étuis à fermeture inviolable, technique spéciale d’impression des conditionnements, étiquettes « intelligentes » et encodage. On se souvient aussi de sa campagne de sensibilisation sur Internet et dans les pharmacies de janvier 2011.
Lilly, qui a également réalisé, en 2010, des petits films drôles et accrocheurs pour le net, dispose d’une structure centrale de lutte anti-contrefaçons à son siège d’Indianapolis, à laquelle sont reliés en permanence ses différents sites et filiales. Le laboratoire met l’accent sur ses critères très stricts de sélection des partenaires (en nombre réduit), avec audits et contrôles fréquents sur place, sur la formation assurée aux différents acteurs de la chaîne du médicament. « Même en Chine, nous n’avons pas de problème car nous ne sous-traitons pas mais maîtrisons la fabrication à 100 % », assure Josiane Savarin (Direction de la production du site de Fegersheim, Bas-Rhin). « Le patron est d’ailleurs français ! ». Lilly aussi assure de sa réactivité. « À la moindre suspicion d’anomalie, la réaction est immédiate ».
On l’aura compris, c’est maintenant avant tout sur les ventes de faux sur Internet que devront porter les efforts, mais la tâche est autrement complexe…
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