Le Quotidien du pharmacien.- Pouvez-vous me raconter comment vous est venue cette passion pour la mer, la plongée… et singulièrement, pour les baleines ?
Éric Lamblin.- J’ai toujours été au contact de la mer, depuis mon enfance. Mes parents nous trimballaient dans toute la France en camping-car pour aller participer à des régates dès l’âge de 10 ans. J’ai ainsi appris à naviguer sur différents dériveurs en compétition jusqu’à l’âge de 24 ans (championnats de France, d’Europe et du Monde). Puis j’ai arrêté la compétition pour découvrir une approche plus libre de la mer, avec le windsurf, puis le surf. Arrivé à la Réunion en 1998 j'ai été naturellement amené à découvrir la plongée et l’apnée. J'ai passé mon niveau 4 de plongée. Puis j’ai acheté une barque à un pêcheur réunionnais et enfin fait la rencontre de mes premières baleines.
Pourquoi cette prédilection pour le monde sous-marin et les baleines ?
C'est une rencontre tout à fait fortuite. J'ai toujours eu un regard attentif et curieux pour le monde animal, et notamment, le milieu marin, ce qui m'a amené à la photographie sous-marine. Mais je ne fais pas que ça ! Mes photographies terrestres, principalement en noir et blanc, sont souvent prises sur l'instant, au hasard d'une promenade ou d'une rencontre. Je me laisse guider par mon intuition et mon goût de la découverte. La couleur, je la réserve au monde sous-marin et plus particulièrement aux cétacés de l'île de la Réunion : le dauphin et la baleine, animaux emblématiques d'un milieu encore sauvage et inconnu.
Quelles sont les principales difficultés de l’approche et de l’observation des baleines ?
Il faut avant tout avoir beaucoup de patience. Comprendre le comportement de la baleine en surface. Savoir être calme et silencieux. Mais aussi être capable de nager dans le bleu sur plusieurs centaines de mètres.
Approcher de si près ces monstres des mers représente-t-il parfois un danger ?
Il n'y a pas véritablement de danger. Les rares accidents surviennent quand les personnes n'anticipent pas les mouvements des cétacés. Les baleines n'agressent jamais l'homme délibérément. C'est même tout le contraire. Elles adorent jouer avec lui. Il y a de véritables interactions entre l'homme et l'animal. Surtout avec les baleineaux et les sub-adultes.
Et les requins ?
À vrai dire, je n'en ai jamais vu. Ceci étant dit, cette problématique ne m'est pas étrangère. D'autant que je suis également surfeur… Mais si vous demandez aux professionnels des clubs de plongée de l'île, ils vous répondront la même chose. Cette rencontre est vraiment exceptionnelle. En réalité, la seule situation qui justifie que j'évite de me mettre à l'eau, c'est lorsque l'eau est un peu trouble, chargée. D'abord parce que la visibilité ne permet pas d'assurer ma propre sécurité, mais aussi parce que les photos ne seraient pas bonnes !
Y a-t-il une saisonnalité pour l'observation des baleines ?
Elles commencent à arriver au mois de juin. Le pic de fréquentation se situe fin août début septembre. Au mois d'octobre, elles repartent au large.
Pourquoi ce choix de l’apnée et d’une technique photographique sans artifice ?
Parce que l’apnée est souple et silencieuse, moins invasive. C’est un engagement plus physique qui respecte le milieu marin. C'est aussi une façon de se fondre avec le mode respiratoire des baleines. Même si cela exige quelque capacité respiratoire (rires).
Quant au choix d'une photographie sans artifices, le matériel est déjà assez encombrant (un reflex dans un caisson). De plus, un flash ne pourrait éclairer toute une baleine. Et surtout parce que j’aime jouer avec les nuances de bleu et la lumière qui pénètre les premiers mètres d’eau. Trois-quarts des photos sont prises dans les 10 premiers mètres d’eau qui sont assez lumineux. Certains clichés sont pris jusqu’à 25 m, les bleus deviennent alors plus denses…
Au-delà de l’esthétique indéniable de votre ouvrage, vous avez manifestement un message à faire passer sur la beauté du monde marin. Célébrer la nature pour mieux la protéger, est-ce l’une de vos missions de pharmacien/naturaliste ?
Il s'agit d'abord pour moi de célébrer la beauté des baleines. De rechercher des images qui émeuvent. Et au-delà faire comprendre que les baleines sont très sensibles, et pacifistes pour mieux les protéger. Je ne m’en suis pas fait une mission mais cela me paraît nécessaire car nous n’avons pas tous la même sensibilité ou le même regard sur les baleines.
Avez-vous observé une baisse des populations de baleines depuis que vous plongez ?
Au contraire. Les populations des baleines à bosse, les plus observées dans le monde, ont augmenté ces dernières années. On estime même que celles-ci croissent de 8 % par an. Preuve que les mesures de protection de l'espèce fonctionnent…
Pourquoi votre livre a-t-il reçu le soutien de la SIPR ?
La SIPR est l'un des trois grossistes réunionnais. Depuis que je suis installé sur l'île, ils m'ont toujours épaulé, professionnellement, mais aussi en soutenant mes activités dans le domaine de la valorisation et de la protection du milieu marin. Concrètement, lors de la réalisation de mon ouvrage, ils ont pré-acheté 120 livres qu'ils offriront à leurs clients.
Être titulaire d’officine et en même temps épris des grands espaces marins et de liberté, est-ce facilement conciliable ?
Plus facilement conciliable quand son bureau donne sur l’Ocean et que son bateau est à 10 minutes de voiture ! Surtout faisable parce que mon équipe est exceptionnelle de par la qualité du travail accompli et la grande confiance que nous nous accordons. Nous sommes cinq : deux préparatrices, une pharmacienne et une femme de ménage. Nous travaillons ensemble depuis 15 ans. Et à vrai dire, l’activité de la Pharmacie du Soleil est bonne et me permet effectivement de pouvoir profiter de l’océan.
* « Dans l'intimité des baleines » de Guillaume Boeye et Éric Lamblin, est en vente sur www.hemeria.com (49 Euros TTC) et dans quelques librairies partenaires. Pour chaque livre acheté sur hemeria.com, un arbre est planté grâce à la collaboration de l'éditeur avec ReforestAction.
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