Un entretien avec le Dr Isabelle Rouch, coordinatrice de STERACOVID

Covid et douleur : comment identifier les patients fragiles ?

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Publié le 30/03/2021
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Le Dr Isabelle Rouch, neuro-épidémiologiste au service de neurologie du CHU de Saint-Etienne, coordonne le projet STERACOVID. Cette recherche, qui a reçu le soutien de la Fondation APICIL*, vise à identifier les patients à risque pouvant présenter une importante douleur morale et une fragilité face à l’épidémie et notamment lors des périodes de confinement. Interrogée par le « Quotidien », le Dr Rouch explique les objectifs et les moyens de cette étude débutée en janvier à l’hôpital de la Charité - CHU de Saint-Etienne et au CH Le Vinatier à Lyon.
En période de confinement, les personnes âgées sont particulièrement fragilisées.

En période de confinement, les personnes âgées sont particulièrement fragilisées.
Crédit photo : MAURO FERMARIELLO/SPL/PHANIE

Le Quotidien du pharmacien.- Comment pourrait-on résumer les objectifs du projet STERACOVID ?

Dr Isabelle Rouch.- Nous avons choisi de travailler avec des patients âgés qui présentent des troubles anxio-dépressifs. L’objectif principal consiste pour nous à évaluer, en fonction des stratégies de « coping » choisies par les patients, l’impact du confinement en termes de stress post-traumatique, leur vécu de la pandémie, les douleurs morales ressenties, etc... L’objectif secondaire est d’évaluer le retentissement du stress post-traumatique sur la qualité de vie, les douleurs physiques ressenties et identifier les stratégies de « coping » employées pendant le confinement et mesurer leur efficacité sur l’anxiété générale et celle liée à la situation. Nous étudierons également les facteurs qui influencent les différentes stratégies de « coping », comme les variables socio-démographiques, les conditions de confinement, la personnalité…

Pouvez-vous, s’il vous plaît, redéfinir le concept de « coping » ?

Le « coping » est notre manière de s’adapter aux situations. Il peut être centré sur le problème et vise alors à résoudre la difficulté, ou au contraire chercher des diversions : tromper l’ennui, trouver des occupations journalières, se fixer des objectifs quotidiens, etc. Ce dernier type de « coping » est plus centré sur l’émotion, sur le ressenti qu’on a d’une situation et moins sur la résolution proprement dite d’un problème.

Sans préjuger des résultats de vos recherches, en quoi la maladie Covid-19, et surtout les périodes de confinement, ont pu engendrer des souffrances nouvelles et/ou mal contrôlées ?

Nous avions quelques indices qui nous invitaient à travailler sur cette piste. Des symptômes anxio-dépressifs ont déjà été décrits dans des situations antérieures avec une augmentation du risque de stress post-traumatique. De plus, les populations âgées, qui sont au cœur de notre étude, sont particulièrement fragiles et sujettes à développer un Covid sévère. Alors même qu’elles sont statistiquement moins sujettes à la dépression que les plus jeunes, on observe que lorsqu’elles ont un terrain dépressif, elles sont plus fragilisées. D’autant plus que pour les protéger du Covid, elles se retrouvent souvent isolées et sans visite, ce qui provoque ou aggrave les symptômes dépressifs. C’est un cercle vicieux.

Avez-vous identifié des profils ou personnalités qui, à âge égal, sont plus fragiles sur le plan psychologique ?

Celles qui sont plus fragiles sont celles qui ont une personnalité à haut niveau de névrosisme ou dont le niveau d’anxiété est plus important. D’autres facteurs, socio-démographiques, sont associés à un isolement plus important.


Comment, concrètement, évaluer les conséquences du stress lié au confinement et notamment la douleur physique qu’il est susceptible d’engendrer ?

Nous utilisons des échelles standardisées pour pouvoir comparer nos résultats aux données de la littérature scientifique. Pour le stress post-traumatique, nous utilisons par exemple l’échelle PCL. Pour les stratégies de « coping », nous mettons en œuvre l’échelle Brief COPE. Ces outils permettent d’objectiver les conséquences du stress. Certaines publications ont ainsi déjà montré que chez les malades chroniques, les douleurs physiques étaient augmentées par le confinement.

Le soutien de la Fondation APICIL a-t-il été déterminant pour mener à bien ce projet ?

Absolument. La fondation apporte au projet un soutien financier à hauteur de 22 000 euros. Une aide qui s’ajoute à celle, plus indirecte mais non moins importante, du CHU de Saint-Etienne.

* La Fondation APICIL permet l’émergence de programmes innovants et humains pour améliorer la prise en charge de la douleur en France.

Propos recueillis par Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien